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vendredi 21 septembre 2007

Où sont les privilèges?


Un commentaire de T.Valmour sur Agoravox (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=29286)

"Je me souviens d’un repas avec des amis et des amis d’amis pendant la campagne présidentielle. Il y avait une coiffeuse à domicile, une ouvrière à la chaîne, un important agriculteur, un maire d’une ville moyenne, une professeure de l’Education Nationale, une dirigeante de PME, un commerçant, un maître-chien, un cadre d’EDF, une ingénieure d’une grande entreprise, et moi, ancien professeur dans une Grande Ecole privée (donc, pas fonctionnaire), et aujourd’hui dirigeant d’entreprise. L’un des sujets portait naturellement sur les privilèges des fonctionnaires. La pauvre professeure, pourtant très sympathique, fut la cible privilégiée sur ce thème (avec le cadre d’Edf). C’est alors que j’ai fait remarquer les faits suivants:

La coiffeuse à domicile faisait la moitié de son chiffre d’affaires au noir ;

- L’agriculteur a bénéficié de maintes subventions depuis plusieurs décennies ;

- Le commerçant connaissait toutes les ficelles pour défiscaliser, et lui aussi, faisait pas mal de « black » ;

- La dirigeante de PME avait une entreprise au Delaware (paradis fiscal) qui achetait peu cher des produits pour les vendre très chers à son entreprise basée en France. Ainsi faisait-elle une forte marge au Delaware, et une faible marge en France, ce qui lui permettait de payer très peu d’impôts et taxes ;

- Le maître-chien, à temps-plein, ne travaillait que trois nuits pas semaine ;

- Le cadre d’Edf et l’ingénieure bénéficiaient de considérables avantages via le C.E. (que n’ont pas les fonctionnaires) ;

- Je ne savais rien du maire aussi ne puis-je m’exprimer sur ses avantages, mais je les suppose conséquents.

En fait, la personne la plus virulente sur ce sujet fut l’ouvrière à la chaîne, pourtant la seule à ne pas jouir de privilèges. Cela a permis de vérifier la théorie qui veut que l’on fustige principalement ceux qui sont un peu au dessus/dessous de soi sur l’échelle sociale. Mais on ne dénoncera jamais les privilèges des puissants. On ne dira rien non plus lorsqu’ils bafouent les lois au quotidien. Les médias nous ont appris que les privilèges des puissants sont justifiés, puisqu’ils travaillent, eux ! J’en ai formés quelques-uns, et je sais qu’ils ne sont ni plus intelligents, ni plus travailleurs que bien des plébéiens. Ils ont juste une estime d’eux-mêmes hors du commun, principal moteur de réussite ; estime de soi qui s’accompagne souvent d’un mépris des autres.

Maintenant, on peut également lister toutes les professions, et on trouvera beaucoup de privilèges chez les uns et les autres. Combien de salariés ne passent-ils pas une grande partie de leur temps de travail sur Internet (d’où la création de postes de surveillance dans les grandes entreprises). On continue ?

Vraiment, la lobotomisation médiatique a fait son chemin. On cherche à détruire les soit-disant « privilèges » quand il faudrait les augmenter. Une humanité qui progresse ne doit-elle pas tendre vers le meilleur ? Que ce soit dans une entreprise ou dans un foyer, il faut toujours chercher à augmenter le CA plutôt qu’à faire des économies. Le PIB n’a cessé d’augmenter, et même si l’on prend en compte la croissance démographique, le ratio est meilleur qu’au temps où ces « privilèges » aujourd’hui dénoncés ont été institués.

Le problème ne viendrait-il pas alors de la répartition de la richesse, aujourd’hui moins équitable qu’auparavant ?

La solution serait de créer des entreprises citoyennes qui vendraient les biens et les services dont nous aurions besoin sans les dérives que l’on observe. Je ne crois pas, en effet, que ce soit un privilège d’acheter un appareil garanti deux ans pour qu’il tombe en panne un mois après l’expiration de la garantie, surtout lorsque cela est voulu par le fabriquant (condamné par la justice). On en parle aussi de toutes ces heures de temps de travail perdus pour une société de consommation inique ?

On dit que les fonctionnaires sont payés avec nos taxes et impôts, ce qui est vrai. Mais les taxes et impôts ne sont-ils pas un prélèvement ? Et quand on consomme des biens et services, ne paie-t-on pas des prélèvements obligatoires ? Si, si, réfléchissons !Les dividendes versés aux actionnaires ne sont-ils pas un prélèvement aléatoire consenti par le consommateur ?"

Intervention de Ronny, à la suite:


"De fait, la "méthode Sarkosy" c’est l’opposition d’une partie de la société contre une autre. On l’a bien vu dans la campagne, avec des thèmes comme "chomeurs fainéants contre employés du privé", responsables de PME contre fonctionnaires branleurs, ou plus vicieux "habitants des cités contre francais moyens", et plus discret "vieux contre djeunz". Cela ne fait donc que continuer, avec deux thématiques populaires pour ne pas dire populistes: français contre immigrants (miniSStère de l’identité nazionale, test ADN pour les uns et pas pour les autres, au fait Sarkozy, c’est pas français comme nom !) et le classique mais lucratif (dans les sondages) fonctionnaires privilégies et branleurs contre valeureux employés du privé.

Alors je dis STOP: ne nous laissons pas avoir ! Le but de cette maneuvre d’opposition généralisée est de faire gagner une plutocratie dans laquelle on va retrouver un bon nombre de politiques - majoritairement de droite et d’archi droite - qui émargent dans les cercles financiers également , ou qui y ont leurs petites entrées (vacances en yatch, déjeuner au Fouquet’s, vacances à 200 000 euros la semaine payées par des copains PDG, apartemetns à prix réduit, au hasard). On y trouvera aussi les 500 familles les plus riches, les capitaines d’industrie et des affaires, bref la cour du prince d’aujourd’hui.

Et qui seront les perdants ? Dans un premiers temps on s’en prendra à une minorité érigée en bouc émissaire (au hasard encore les regimes spéciaux de retraite, si "injustes") puis on attaquera les autres catégories progressivement, avec, faut-il que nos concitoyens soient TF1-isés pour ne pas le voir un alignement sur le moins disant social et les plus mauvaises des conditions de travail.

Attention, français d’ici et de là bas, vieux et jeunes, nouveaux arrivants et résidents de plusieurs générations, l’attaque est violente et vise tout simplement à anhiler 50 ans de progrès et de justice sociale. On va laminer la fonction publique (FP) pour remplacer nombre des services qu’elle propose ou assure à coût modéré, et qui sont mutualisés via l’impôt, par des services tarifés non mutualisés. Ce sera du chacun pour soi, que l’on justifiera par le faux argument du coût et de l’efficacité économique.

Dernier point, la FP n’est pas parfaite, mais elle a le mérite d’exister. Elle existe parce que nombre de gens qui y travaillent sont à l’opposé de la caricature que l’on en fait. Je connais des tas de profs et d’instits qui sont bien au delà des 35 heures par semaine, qui achètent le matériel pédagogique sur leurs propres deniers. Je connais des flics qui ne comptent pas leurs heures et qui disposent de tellement de jours de récupération après des journées de travail de 20 heures qu’ils sont quasiment obligé d’en faire cadeau à l’Etat. Je connnais des infirmiers et infirmières que l’on paye une misére pour s’occuper de presonnes seules vieilles, isolées mourrantes ; je connais des chercherus qui sont systématiquement de leur poche lors de déplacements tellement les remboursements sont ridicules, des gendarmes qui travaillent sur leur propre portable.. Et pour ceux qui crachent sur EDF, rappelons la tempète de 99, ou les employés ont travaillé jour et nuit dans le froid, le week end, appuyés gracieusement par les retraités de l’entreprise... Quant aux cheminots, il faut se renseigner sur les conditions de travail, les horaires décalés, les couchages hors de la maison, la responsabilité de mener de 800 à 1600 personnes à bon port, tout seul, à 160 kmh, quel que soit le temps, avant de les considérer comme des archi-privilégies. Les archi-privilégiés sont en fait bien cachés tellement ils sont visibles. Le premier d’entre eux passe son temps à denoncer ses concitoyens, et - indice - il est petit physiquement et moralement."


Cette remarque de B.Maris peut être éclairante:


Narcissisme des petites différences
Essayons d’approcher maintenant le cœur du capitalisme en s’éclairant de la pulsion de mort. La pulsion de mort située au sein du le narcissisme, pulsion d’auto-destruction et de destruction d’autrui, se manifeste dans les aversions et répulsions des autres : « Dans les aversions et répulsions qui sans voile, se font jour à l’égard des étrangers qui sont à proximité, nous pouvons reconnaître l’expression d’un amour de soi, d’un narcissisme qui aspire à son auto-affirmation et se comporte comme si la présence d’un écart par rapport aux modalités de sa conformation individuelle entrainaît une critique de ces dernières et une invitation à les reconfigurer ». Freud, Psy des masses et analyse du moi, p 40 La « reconfiguration » peut aller jusqu’au meurtre. Ce qui est proche de moi et me ressemble, je le déteste. En vérité je déteste mon prochain. Dans cette haine du proche, du voisin, se niche «le narcissisme des petites différences ». Parfois une détestation commune peut nous unir, nous souder dans une foule prête au lynch ou à la guerre : « Il n’est manifestement pas facile aux hommes de renoncer à satisfaire ce penchant à l’agression qui est le leur (...) mais il est toujours possible de lier les uns aux autres dans l’amour une assez grande foule d’hommes si seulement il en reste d’autres à qui manifester de l’agression. » (Freud, Malaise dans la culture, MC, p 56) C’est ainsi que des peuples assez proches au fond, économiquement, culturellement, se combattent à mort. Les Allemands et les Français sont un bon exemple. « J’ai donné à ce phénomène le nom de narcissisme des petites différences. » (MC p 56). Le peuple juif a grandement mérité du « narcissisme des petites différences ». Quand un Etat prétend à l’universel, comment cimentera-t-il son peuple ? Par la haine des autres, certes. Mais quand il aura dominé les autres ? Il faudra bien qu’il trouve du ciment de mort quelque part. « Le rêve d’une domination germanique sur le monde appela son complément d’antisémitisme. » (MC p 57). Freud écrit cette phrase en 1929 ! En Russie, la haine du bourgeois a cimenté la révolution, comme celle du cièdevant cimenta la révolution française. «On peut se demander, s’inquiète Freud, ce que les Soviets entreprendront une fois qu’ils auront exterminé eur bourgeois. » (ibid). Et bien la réponse est simple : ils extermineront leurs médecins juifs, puis leurs intellectuels, puis leurs paysans baptisés « koulaks », puis eux-mêmes. En un sens l’extermination des juifs d’Europe est un autoanéantissement de l’Europe, correspondant particulièrement bien à la pulsion de mort. On peut se demander ce que fera le capitalisme lorsqu’il aura liquidé totalement la nature. Qui liquidera-t-il ? La encore, la réponse est assez évidente.
Mais revenons au « narcissisme des petites différences », cette haine spéculaire du voisin, du proche, du collègue de bureau, du confrère, de l’homme qui fait la queue pour du pain comme moi et soudain prend ma place. René Girard, freudien malgré qu’il en ait, a remarquablement interprété de narcissisme dans son concept de « rivalité mimétique ». Derrière la rivalité mimétique, la rivalité envers le semblable, narcissique et spéculaire, se trouve la jalousie, l’envie, le désir d’accaparer ce que possède l’autre, le désir de l’autre tout simplement, pour le blesser, le mutiler et le tuer. La frustration et le sadisme sont au cœur de la rivalité mimétique. Observons notre homme sortant de son trou et échangeant avec l’humanité, et, pour son malheur, l’affrontant. Un économiste dirait : « il exprime des besoins, et, dans un monde de rareté, cherche à satisfaire ses besoins ». Freud et Girard préfère dire qu’il désire ce que possède les autres, parce que les objets n’ont de valeur qu’en tant que possession des autres, et que ce que font ou possèdent les autres les autres lui paraisse admirable, imitable, en tout cas rageusement enviable. L’individu n’est pas seul face à ses propres besoins, mais « dans la recherche volontaire d’une adversité dont on est soi-même l’artisan » (op cit p 131 vérif). En fait, notre homme va se confronter à « des minables de son espèce » (Girard). C’est cruel. C’est la vie économique. Ces gens que je juge admirables et dont je désire le salaire, le poste, la voiture ou la femme sont en fait des « minables de mon espèce », et ce haut désir ou ces nobles besoins ne sont que « le souci morbide de l’autre » ( p 209 vérif).
Ici il faut s’arrêter sur deux mots chers à l’économiste. Le premier est « concurrence ». Etymologiquement, être en concurrence, c’est courir avec les autres. On peut imaginer des moutons de panurge, courant vers un destin qu’ils ignorent (la noyade), et en même temps se poussant, se dépassant, se battant pour être les premiers. La concurrence est la rivalité mimétique. Le second est « compétition ». La « compétition » ressemble à la concurrence. Mais étymologiquement elle signifie « demander ensemble ». On à envie de dire : « quémander » ensemble. Encore une fois, il s’agit de rivalité mimétique : je veux ce que possède l’autre, et l’autre veut ce que je possède. Ensemble nous quémandons. Mais la compétition possède un contenu « infantile » que n’avoue pas immédiatement la concurrence, plus adulte. Ce sont les enfants qui demandent, et qui, d’ailleurs, demandent toujours plus et sont à jamais insatisfaits. Nous reviendrons sur cet aspect essentiel du capitalisme, l’insatisfaction infantile.
Mais voilà que le narcissisme des petites différences, la rivalité mimétique si l’on préfère, éclaire l’un des plus grands mystères du capitalisme, l’un des plus grands mystères de l’humanité tout simplement : la servitude volontaire.

http://www.inegalites.fr/spip.php?article732&id_mot=30





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi j'appelle ça le syndrome de la chaise à porteurs . Depuis 30 ans le rapport des profits du capital / coûts salariaux s'est considérablement dégradé en faveur des gains du capital. Pourtant l'idéologie dominante demeure celle des dominants , ils semblent exonérés de la critique sociale. Les conflits et les jalousies s'exacerbent entre les porteurs, au point que certains d'entre eux sont bien plus vindicatifs contre leurs collègues que contre le Poussah qu'ils transportent.Dans le même genre de conduite j'ai vu des ouvriers importunés par une grève de la RATP insulter le triste chauffeur de bus bouc émissaire bien que celui-ci soit non gréviste . Les idées sont quelque fois aussi courtes que le regard porté sur la réalité.

Etienne Celmar a dit…

Hélas! didoujo, tu as tristement raison...les petits se querellent entre eux pour ne pas à avoir à s'en prendre au père autoritaire, qui met la pression... On retrouve le "diviser pour règner", mais ici comme l'effet d'un système.