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dimanche 14 février 2010

Année Darwin (suite)

Bon anniversaire Darwin!

-Pourquoi le créationnisme renaît-il sous de nouvelles formes?
Crises de civilisation, de la pensée et des valeurs?...
-D'où vient le besoin de croire ?

La révolution darwinienne n'est pas terminée

La théorie darwinienne de l’évolution dérange toujours les créationnismes:
"Le monde d’hier, bien qu’animé des mêmes lois physiques et chimiques que celles d’aujourd’hui, était différent dans ses formes, qu’il s’agisse des continents ou des espèces.
Ce n’est pas parce que nos sens nous montrent un monde stable que celui-ci ne change pas. Sa vitesse de changement peut tout simplement nous être imperceptible. «
De mémoire de rose, il n’y a qu’un jardinier au monde », nous écrivit un jour malicieusement Fontenelle (1657-1757). De mémoire de rose on n’a jamais vu mourir un jardinier, nous rappelait Diderot (1713-1784).
L’évolution biologique est contre-intuitive d’abord parce qu’elle constitue un fait d’une ampleur et d’une portée hors de nos sens, et sur des durées pour nous inconcevables. À quelques exceptions près, la règle générale est qu’à petit changement, petite durée ; grand changement, grande durée. Soit le changement d’une espèce dans un temps qui nous est concevable est imperceptible à nos sens, soit des changements peuvent paraître spectaculaires à nos yeux entre une forme ancienne et une forme descendante récente mais alors ces formes sont séparées par des durées inconcevables. Et malheureusement, ceux des êtres vivants qui évoluent vite, produisant de grands changements dans de petites durées, échappent à nos capacités visuelles…
Lorsqu’un virus, une bactérie ou un insecte ravageur s’adapte en quelques années aux contraintes que nous leur imposons, il s’agit d’êtres que nous ne pouvons voir de nos yeux ou bien d’êtres que nous ne croisons pas dans la vie courante. Et même si nous pouvions les voir… il faudrait avoir de la constance dans l’observation. Car l’évolution biologique est un phénomène
populationnel. Il ne faut pas s’attendre à voir de ses yeux un individu muter spontanément à un moment donné de sa vie. Son constat est une affaire de fréquences dans des populations.
L’évolution biologique reste donc, le plus souvent, imperceptible à nos pauvres sens humains et c’est peut-être ce qui permet si facilement à tant de forces sociales extra-scientifiques de la nier. Cependant, cette explication est loin d’épuiser tous les déterminants de ces négations, nous y reviendrons. La dimension populationnelle du phénomène évolutif, son imperceptibilité, les efforts d’abstraction qu’il requiert, la place prépondérante du hasard, son incompatibilité avec notre essentialisme (nous serions par essence différents des autres espèces), notre anthropocentrisme, notre notion de destinée, si spontanés, sont autant d’obstacles à sa compréhension. Plus il y a d’obstacles culturels et plus il est nécessaire de traiter d’épistémologie, c’est-à-dire de mécanique de la démarche scientifique, lorsque l’on combat les récupérations idéologiques et religieuses des sciences....
Quelle que soit l’ampleur des changements et quelle que soit l’intensité des contraintes architecturales et fonctionnelles internes, la multitude de facteurs intriqués en jeu est telle qu’il est impossible, sur le plan théorique, de donner une priorité absolue aux forces stabilisatrices. En d’autres termes, le milieu, lui-même imprévisible sur le long terme, rend, via la sélection naturelle, le devenir d’une espèce imprévisible et rend du même coup caduque toute notion de « destinée ».
Rien n’est écrit dans le marbre et l’on a coutume de dire, après S.J. Gould (1941-2002), que si nous revenions à un point antérieur quelconque du film de la vie, la probabilité pour que la série d’événements se déroulant sous nos yeux à partir de ce point soit exactement la même est infiniment faible. La notion même de destinée est incompatible avec tout processus historique, processus évolutif compris.

C’est l’une des difficultés psychologiques les plus difficiles à surmonter lorsque l’on tente de faire comprendre le processus évolutif à un public qui confond encore le discours sur les faits naturels et le discours sur les valeurs. En effet, tandis que l’absence de « but » et de « destinée » dans l’explication scientifique d’un phénomène naturel ne relève que de l’amoralité de la démarche scientifique et de sa neutralité métaphysique, le discours scientifique injustement transposé comme discours moral et/ou métaphysique rend pour nos semblables ces absences de but et de destinée désespérantes, intolérables, immorales.
Bien entendu, ce n’est pas la théorie de l’évolution qu’il faut récuser dans ce cas mais
la confusion entre le discours scientifique sur les faits, méthodologiquement défini et limité, et le discours sur les valeurs qui relève de processus d’élaboration très différents. Il faut expliquer alors qu’il ne faut pas projeter nos réflexes psychologiques (buts, actions intentionnées) et nos espoirs (destinée) dans une explication scientifique de l’origine des espèces. La théorie de l’évolution n’incorpore ni transcendance, ni but, ni destinée, n’a pas à donner de « sens » à notre vie, ne défend ni ne préconise aucune valeur, aucune morale : ce n’est simplement pas le rôle d’une théorie scientifique...
____La volonté politique la plus manifeste est représentée par le mouvement américain de l’Intelligent Design. Suite aux revers juridiques des créationnistes « scientifiques » de la seconde moitié des années 1980, ceux-ci doivent à nouveau changer de stratégie. Dès le début des années 1990, P. Johnson, juriste, élabore la notion d’« Intelligent Design » (ID) à partir de la vieille analogie du théologien anglican William Paley et la présente comme théorie scientifique. La stratégie consiste à utiliser l’étiquette « science » pour atteindre des objectifs politiques et spirituels, objectifs clairement énoncés dans leur « Wedge Document » ... L’un de ces objectifs principaux est de faire passer une conception théologique pour de la science afin que celle-ci soit enseignée dans les écoles. Selon le « Discovery Institute » qui structure le mouvement, « la théorie du dessein intelligent affirme que certaines caractéristiques de l’univers et des êtres vivants sont expliquées au mieux par une cause intelligente, et non par un processus non dirigé telle la sélection naturelle ».
Le mouvement du « dessein intelligent » s’emploie donc à critiquer tout ce qui peut l’être dans la théorie darwinienne de l’évolution, et surtout ses ennemis de toujours : le matérialisme méthodologique inhérent à une approche seulement scientifique des origines du monde naturel, et le rôle de la contingence des facteurs de transformation des espèces au cours du temps. Pour tout schéma argumentatif, il ne s’agit que de la répétition, sous une forme retravaillée, de l’analogie finaliste du théologien anglican William Paley (1743-1805). Arguant que tout objet/artefact est intentionnellement façonné pour remplir une fonction, Paley et ses imitateurs d’aujourd’hui transposent ce principe dans la nature pour faire intervenir une intelligence conceptrice à l’origine de l’adéquation entre formes et fonctions naturelles et donc une intelligence à l’origine des êtres vivants. C’est la vieille analogie de la montre. Dans une montre, l’adéquation « parfaite » de la forme de chacune des pièces à la fonction qu’elle remplit et son agencement harmonieux avec les autres pièces remportent l’admiration et appellent à supposer que l’ensemble provient de la volonté d’un horloger présumé.
Dans la nature, le rayon de courbure du cristallin est tel que les rayons lumineux se focalisent précisément en un point de la rétine ; et la merveilleuse adéquation entre forme et fonction ne peut être, dans ce raisonnement analogique, plus efficacement expliquée que par l’hypothèse d’une intelligence conceptrice dès son origine. Les promoteurs modernes du dessein intelligent pensent que la science rénovée, incorporant les causes surnaturelles, doit chercher et dicter ce qui constituera une « éthique naturelle », une « morale naturelle », et que cette science-là sera en mesure de découvrir quels comportements transgressent les buts sous-jacents au dessein intelligent à l’origine de l’espèce humaine.
Ce serait donc à cette science de découvrir lesquels de nos comportements, nos mœurs, notre morale, sont voulus par Dieu. La fonction de
Think Tank conservateur prend alors toute sa signification : l’avortement et l’homosexualité transgressent l’Intelligent Design de Dieu, notamment par dévoiement des fonctions pour lesquelles nos formes avaient été initialement créées. En donnant une assise prétendument scientifique au « Bien » et au « Mal », le courant du « dessein intelligent » débouche donc sur une sorte de scientisme religieux et théocratique incompatible avec la laïcité. En décembre 2005, l’ID est clairement identifié au « procès de Dover » comme religion déguisée et non comme science, et son enseignement est déclaré anti-constitutionnel.
__S’il arrive à des scientifiques d’écrire contre les créationnismes, c’est que ces derniers tentent de s’introduire dans la démarche scientifique, miment les sciences, ou encore font dire aux sciences ce qu’elles n’ont pas à dire. Ces scientifiques ne font alors que leur devoir de citoyens."

-Theorie de l'evolution : j'accuse les creationnistes...
-L'armée créationniste de la nuit
-Evolution et créationnismes
-Cosmogonies et création dans diverses cultures

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-Bon anniversaire Darwin!
-Créationnisme : offensive européenne
-Créationnisme : inquiétant retour
-(Petite?) révolution dans l'évolution

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