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mardi 22 décembre 2015

Moyen-Orient, (toujours) en chantier

Bientôt 100 ans...
                        « Vers l’Orient compliqué je volais avec des idées simples, écrivait Charles de Gaulle pendant l’entre-deux-guerres. Je savais qu’au milieu de facteurs enchevêtrés une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être. »
                     « Dans les batailles de demain, l’essence sera aussi nécessaire que le sang » (Clemenceau)
                            « Regardons les choses simplement. La principale différence entre la Corée du Nord et l'Irak, c'est qu'économiquement nous n'avions pas le choix pour l'Irak. Le pays nage dans le pétrole." (Paul Wolfowitz)
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               Avec l'accord secret franco-britannique Sykes et Picot, établi en 1916 sur un coin de table en fonction des intérêts géopolitiques et économiques franco-anglais, on a un des éléments importants pour comprendre les convulsions anciennes, récentes et actuelles du Moyen-Orient, sur fond d'enjeux pétroliers...
      Il y a bientôt 100 ans...Ce fut le dépeçage de l'empire ottoman, prélude à des bouleversements  profonds..  en attendant les interventions des néoconservateurs américains en quête d'un nouvel ordre, sur la base d'un désordre planifié (réputé créateur!) jouant sur les prétextes sécuritaires, les divisons internes, les connivences saoudiennes, les intérêts pétroliers... menant de proche en proche au chaos actuel, dont on voit qui en tire les marrons du feu, quel Frankenstein en est issu, reposant le problème des frontières dans les pires conditions.
        A la faveur de l'agonie d' un empire, homme malade de l'Europe, des frontières furent remises en question
                  La crise actuelle en Irak laisse à penser que les frontières actuelles du Moyen-Orient sont réellement menacées d’éclatement. "Il y a un risque réel de reformation dans la région dans les années qui viennent", reconnaît Didier Billion, qui estime que l'EIIL est le groupe djihadiste le plus puissant actuellement. 
                                 Au coeur d'un conflit mondial meurtrier, Paris et Londres refaisaient le Moyen-Orient sur le dos des Arabes. 
                 C’est une page d’histoire vieille d’un siècle qui est en train de se refermer progressivement, dans les fracas de la guerre. En 1916, en plein conflit mondial et dans le plus grand secret, Français et Britanniques redessinaient la carte du Moyen-Orient post-ottoman en s’attribuant des zones d’influence : ce sont les célèbres accords Sykes-Picot que les convulsions actuelles de l’Irak menacent, de facto, de détruire...
 ...L’état d’esprit concernant le futur Moyen-Orient est parfaitement résumé dans un article du Monde diplomatique de 2003, par Henry Laurens, professeur au Collège de France et grand connaisseur de l’histoire de cette région :
        « Un certain nombre d’esprits romantiques du Caire, dont le plus célèbre sera T.E. Lawrence, le futur Lawrence d’Arabie, misent sur une renaissance arabe qui, fondée sur l’authenticité bédouine, se substituerait à la corruption ottomane et au levantinisme francophone. Ces Bédouins, commandés par les fils de Hussein, les princes de la dynastie hachémite, accepteront naturellement une tutelle britannique “bienveillante”. Londres leur promet bien une “Arabie” indépendante, mais par rapport aux Ottomans. De leur côté, les Français veulent étendre leur “France du Levant ‘ à l’intérieur des terres et construire ainsi une grande Syrie francophone, francophile et sous leur tutelle.’  Français et Britanniques ont un intérêt commun à rallier à leur camp les tribus arabes, pour les retourner contre les Ottomans. Mais tout en leur faisant de grandes promesses, ils négocient secrètement, derrière leur dos, leurs futurs zones d’influence...
                   Selon H Laurens: ... En 1918, la question pétrolière devient dominante. Selon l’accord, la France devrait contrôler la région de Mossoul, où se trouvent d’importantes réserves potentielles, mais les Britanniques, eux, ont les droits de concession. Georges Clemenceau veut bien satisfaire le groupe de pression colonial, mais en se limitant à une « Syrie utile » ne comprenant pas la Terre sainte, mais permettant un accès aux ressources pétrolières......
        La division du Proche-Orient en plusieurs Etats n’était pas en soi condamnable : les Hachémites l’avaient envisagée dès le début en faveur des fils aînés de Hussein. Mais elle s’est opérée contre la volonté des populations et en utilisant une rhétorique libérale que l’utilisation de la force rendait vide de sens. Par rapport à l’évolution politique de la dernière décennie ottomane, où la cooptation des notables et l’établissement d’un système électoral, certes très imparfait, avaient tracé la voie à une vraie représentation politique, l’autoritarisme franco-anglais constitue une régression durable.
            En tant que découpage territorial, le partage a duré, essentiellement parce que les nouvelles capitales et leurs classes dirigeantes ont su imposer leur autorité sur le nouveau pays. Mais les événements de 1919-1920 furent ressentis comme une trahison des engagements pris (en premier lieu, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Ils dépossédèrent surtout les élites locales de leur destin. Quand le nationalisme arabe reviendra en force, il ne reconnaîtra pas la légitimité de ce découpage et appellera à la constitution d’un Etat unitaire, panacée à tous les maux de la région. Les Etats réels seront ainsi frappés d’illégitimité et durablement fragilisés. La constitution du Foyer national juif entraînera la région dans un cycle de conflits qui semble loin de se terminer....
    Il a fallu compter avec le double jeu anglais à l'égard de la Palestine.
        En annonçant, en juillet, la création d’un « califat islamique », après la prise de Mossoul, le chef de l’« État islamique », cette force islamiste radicale qui ravage l’Irak et la Syrie, proclamait son intention « d’effacer les frontières coloniales des accords Sykes-Picot ». Et il est vrai que les frontières entre les États du Moyen-Orient (Turquie, Irak, Syrie, Liban, Palestine et Jordanie) découlent du coup de crayon tracé le 16 mai 1916, en pleine guerre mondiale, par deux diplomates, l’Anglais Marc Sykes et le Français Henri-Georges Picot, sur la carte de l’Empire ottoman. Un empire en grande difficulté depuis quelques décennies déjà : ses sultans avaient du mal à contrôler les peuples disparates et remuant de territoires qui s’étendaient du Caucase à l’Algérie et que grignotaient avec appétit les puissances européennes. Les Français avaient déjà pris l’Algérie ; les Anglais l’Égypte, et les Italiens la Libye, tandis que la Russie tsariste s’était imposée dans le Caucase. Ils allaient profiter de la Première Guerre mondiale, où la Turquie s’était rangée du côté de l’Allemagne, pour lui porter le coup de grâce : la ligne tracée par les deux diplomates allait de Mossoul à Haïfa. Tout ce qui était au nord reviendrait à la France, ce qui était au sud, à l’Angleterre.
      Pour les combattants de l’État islamique, point n’est besoin de visa ni de passeport pour passer de la Syrie à l’Irak et vice versa. La kalachnikov suffit. « Nous ne croyons pas à l’accord Sykes-Picot », se vantent-ils...______
- La face cachée du pétrole 
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