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jeudi 17 mai 2018

Gestion des aînés

Comment la France (mal)traite ses vieux
                                                             La fin de vie, on s'en doute, n'est pas toujours ce que chante le poète: une période valorisée pour son détachement, son expérience, sa sagesse tranquille, son simple bonheur d'exister au milieu des siens, détaché des soucis du monde et des passions. Cette situation rêvée par les plus jeunes est en fait très minoritaire.
   
Quand le corps se déglingue, que la mémoire défaille, que les maux physiques s'accumulent ou s'enchaînent, le troisième âge (on ne sait quoi inventer comme euphémismes pour nommer cette période variable mais terminale) est souvent une période de souffrances répétées. Mais surtout, aujourd'hui, dans nos sociétés éclatées et individualistes, même si l'on vit plus longtemps et avec plus de moyens, la solitude est trop souvent le lot de beaucoup de personnes vieillissantes. Et c'est ce qui  est le plus pesant, le plus douloureux.
    Il y avait les maisons de retraites, de triste réputation bien souvent, lieux de relégation, de promiscuité et de soins aléatoires. Les tristes mouroirs ont été justement vilipendés. Les vieux sont devenus des résidents.
        Les EHPAD furent un progrès, c'est certain. Les départements mirent la main à la poche et les investissements privés y virent une manne pour exploiter le filon grandissant de l'or gris.
 Des bâtiments souvent modernes sortirent de terre, avec leur moyens fonctionnels et un personnel dédié. On semblait passer à une autre ère, où la société suppléait aux défaillances diverses des familles, reconnaissant enfin la place que prenait ceux qui avaient participé à la richesse nationale sous tous ses aspects.
   Mais les divers mouvements récents montrent qu'il y a un malaise, au coeur même de l'institution, où la solitude des patients n'a pas disparu, loin de là.
           Une question de moyens? Pas seulement.
                                 C'est tout un mode de gestion qui est mis en cause, lié à de nouvelles normes que l'on retrouve dans d'autres institutions publiques, pas seulement de santé, liées au new public managemnt. Une méthode se voulant "moderne", rationnelle économiquement, mais finalement technocratique et déshumanisante.
    "La France est (en effet) engagée dans un vaste mouvement de « modernisation » des soins aux personnes âgées dépendantes, qui s’aligne sur les standards d’un nouveau management public en vigueur dans un nombre croissant de pays. Les besoins des résidents sont désormais évalués selon une grille baptisée Autonomie gérontologique et groupes iso-ressources (Aggir). Cet outil vise à mieux ajuster les ressources des Ehpad aux besoins, mais il est également source de standardisation et de déshumanisation des soins. Un constat qui fait écho à l'avis sévère du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur les Ehpad et « les enjeux éthiques du vieillissement », rendu public le 16 mai...."
Des tâches minutées
    On retombe dans de nouvelles formes de mal-traitance, par lesquelles les soins sont donnés trop rapidement, les relations humaines sont négligées faute de temps et de personnels bien formés,  Une standardisation poussée qui en vient à déterminer le temps à passer auprès de chaque résident en fonction de son "degré d'autonomie". Certes , un classement est nécessaire, mais, poussé jusqu'à ce point, on imagine bien les effets négatifs pour tout le monde. Géré, code-barré, le résident est devenu le centre d'un système qui ne voit pas ses carences.
     Ce tournant gestionnaire, qui convient aux responsables auxquels on exige des économies, ces soins sous tension sont inévitablement sources de souffrances, dite ou non, pour toutes les parties.
   Les anciens n'ont pas seulement besoin de soins, mais de temps, surtout quand la famille, pour des raisons diverses, se fait rare ou absente.
    De nouvelles formes de maltraitance apparaissent, malgré les dénégations, variables d'un établissement à l'autre, malgré les dévouements.
         Soigner, c'est bien. Et les soins (care) vont bien au-delà de l'aspect physique. Humaniser aussi, c'est mieux.
   Bien gérer est nécessaire, mais manager, parfois jusqu'à l'absurde, est désastreux. Ici, comme à l'hôpital.
       Réparer les corps n'est souvent plus possible, mais revoir un système l'est toujours.
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