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lundi 21 mai 2018

Retour sur Gaza

Prison à ciel ouvert et bombe à retardement.
                                           Un an après la meurtrière opération sur Gaza, on savait que le terrible chapitre ne serait pas clos, tant que les problèmes sur l'étroite bande de terre ne connaîtraient pas un début de solution.
    Or, la situation s'est aggravée et les manifestations, de moins en moins contrôlées par le Hamas, n'ont pas manqué.
      Comprendre la situation à Gaza est essentiel pour mieux saisir les récents événements, le nouvel embrasement. Les protestations internationales et onusiennes sont restées de pure forme ou incantatoires, postulant une symétrie dans les rapports de force. Faire preuve de retenue, voilà le mantra encore souvent adressé à l'égard de Netanyahou, sans poser la question fondamentale du droit et des injonctions de l'ONU.
   Sans le retour à une histoire récente, sans analyse de la dépendance économique de Gaza par rapport à Israël, l'essentiel du problème nous échappe.
   Les questions de fond restent en suspens, propres à relancer sous de nouvelles formes les révoltes locales. L'aggravation semble la seule perspective, tant que la peur sera le ressort essentiel de la politique de Netanyahou  et tant que l'alliance américaine du moment durera.
   La critique de la politique israëlienne du moment reste toujours aussi difficile et le régime actuel de Tel Aviv joue avec les confusions verbales, la culpabilité et la répression interne, interdisant toute critique, même modérée, comme celle de l'ancien ministre S.Ben-Ami, s'inquiétant des dérives ethnocentriques de sa société:
     "....Ce gouvernement actuel israélien – le gouvernement le plus à droite, et anti-paix de mémoire d’homme – est déterminé à diaboliser et à délégitimer ses détracteurs nationaux, en particulier les militants des droits de l’homme et les groupes de la société civile. En faisant fi de la liberté de parole et d’expression ! Pourquoi ? Parce que la critique juive de l’État juif a toujours été plus difficile à rejeter ou à ignorer. Que ce soit Albert Einstein et Hannah Arendt dans les années 1940… ou Natalie Portman récemment ce mois-ci. L’actrice israélo-américaine a provoqué un tollé en Israël après avoir refusé d’assister à une cérémonie de remise de prix à Tel Aviv parce qu’elle a dit qu’elle ne voulait pas apparaître comme approuvant Benjamin Netanyahou » et s’est opposée au « mauvais traitement de ceux qui souffrent des atrocités actuelles » en Israël. Et quelle a été la réponse du gouvernement israélien ? Le ministre Yuval Steinitz a affirmé que le boycott de Portman « frôlait l’antisémitisme ».
Quiconque s’élève contre le comportement répressif du gouvernement israélien, tant à l’intérieur qu’au-delà de la ligne verte, doit être réduit au silence. C’est maintenant la mentalité autoritaire et ultranationaliste qui domine non seulement à l’intérieur du cabinet Netanyahou, mais aussi à la Knesset. Plus tôt cette année, les législateurs israéliens ont donné leur feu vert à un amendement permettant au ministère de l’éducation d’interdire aux associations critiques à l’égard de l’Armée de défense d’Israël d’entrer dans les écoles. Les membres de la Knesset ont explicitement désigné Breaking the Silence lors du débat sur l’amendement."
    Pendant que Washington fait le jeu des plus conservateurs comme Liberman, l'Europe  joue un double-jeu.
    Le déni de l’occupation s'approfondit, éloignant les perspectives de règlement pacifique d'une situation qu'on laisse cyniquement pourrir.
       "....Le journaliste israélien Gideon Levy, du Haaretz, qui s’est spécialisé dans la couverture de la vie des Palestiniens, commentait ce mépris lors d’une conférence à Washington en février dernier: «Si vous grattez la peau de presque n’importe quel Israélien, vous trouverez que les Palestiniens ne sont pas des êtres humains comme nous. Ils n’aiment pas leurs enfants comme nous. Ils n’aiment pas la vie comme nous. Ils sont nés pour tuer, ils sont cruels, sadiques, sans valeurs, sans manières. C’est très très enraciné dans la société israélienne.»
   Dans ces conditions, évidemment, toute répression menée par l’Etat d’Israël contre les Palestiniens s’en trouve justifiée. D’autant que l’occupation des territoires palestiniens (et le siège imposé à Gaza) paraît comme effacée de la mémoire, elle ne compte plus. «On a conditionné la société pour qu’elle l’accepte, disait le 20 avril au Monde Efraïm Halevy, ancien chef du Mossad. Même s’il existe une forte minorité qui rejette l’occupation et surveille sa réalité, la population est globalement dans le déni. Avec le sentiment qu’il faut se concentrer sur l’essentiel: la nucléarisation au Moyen-Orient, le risque d’une attaque sans précédent venue du nord (Syrie et Liban), la possibilité que le système de défense ne soit pas étanche…»
  En avril 2017, chez lui près de Jérusalem, Alon Liel, diplomate israélien de haut vol à la retraite, nous donnait une explication peu différente, pour s’en désoler: «Le pays est fort, vit en sécurité depuis 1948, il est même devenu très fort et riche, avec une économie sophistiquée. L’équipe gagne 5-0, pourquoi en changer? Même des gens comme moi peuvent se dire qu’ils bénéficient de la situation, que tout va bien pour eux. Sauf que je me sens terriblement mal et je crains qu’un jour on doive payer tout cela très cher. Mais moins de 5% des Israéliens pensent comme moi… Pourquoi? Une partie de la réponse est ce qui se passe dans la région. Tout s’effondre, sauf nous!»
     Cette société peut-elle évoluer? Gideon Levy n’y croit pas. «Je suis très sceptique à propos d’un changement de l’intérieur d’Israël car la vie y est trop agréable et le système de lavage des cerveaux bien trop efficace. Tenir un dialogue aujourd’hui avec la plupart des Israéliens est devenu une tâche impossible même pour moi. (…) Espérer que cette société se lève et dise Assez , comment cela peut-il arriver, et pour quelle raison?» (Article publié dans la rubrique «Analyse» dans le quotidien Le Soir,en date du 16 mai 2018)"
    Les Gazaouis sont abandonnés et déshumanisés et Benjamin Netanyahu se sent plus libre dans ses ambitions territoriales et son durcissement à Gaza. Les condamnations de l’occupation israélienne  n'ont plus de portée, malgré les timides et minoritaires mises en garde internes. La dualité du projet sioniste  arrive à une impasse prévisible.
       Tant que la misère sociale sera le régime normal de la majorité des Gazaouis, la situation a toute chance de déboucher sur d'autres affrontements. La situation actuellement géopolitiquement favorable à Netanyahou ne durera pas.
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- Point de vue de Norman Finkelstein
La Nakba palestinienne, un enjeu politique et une bataille mémorielle
- L'inacceptable massacre
- Lettre de Jérusalem
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