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mardi 23 octobre 2018

Neurosciences en question

Les neurosciences sauveront-elles l'école?

                                                             La nomination de Stanislas Deheane auprès du ministre de l'EN pose problème, surtout si ce nouveau venu, quelque intelligent qu'il soit et compétent dans son domaine propre, est appelé à jouer un rôle important.

     Comme si les neurosciences, disciplines intéressantes en soi, malgré ses immenses lacunes (la complexité du cerveau et de son fonctionnement reste encore insondable), devaient devenir l'auxiliaire majeur du travail enseignant.

     Apprendre, grâce à ces études vagissantes, sortir des difficultés de l'école à l'aide de cette nouvelle approche, voilà un projet qui laisse songeur.

       Un vieux rêve scientiste refait surface. La conscience, l'apprentissage deviendraient objet de sciences rigoureuses et l'éducateur ne serait plus, à la mimite, qu'une sorte d'ingénieur-formateur des esprits.

       Une néo-pédagogie dont s'inquiètent certains spécialistes des sciences de l'éducation, les mal nommées. Car l'éducation est tout sauf une science au sens strict, comme toute discipline qui relève de ce que l'on classe dans les sciences humaines. Elle est d'abord un savoir faire, qui s'apprend et se perfectionne, une pratique largement empirique et individualisée, au cas par cas, presque un artisanat. Même si elle peut être épaulée par des données venant de la psychologie, de la sociologie...
     Considérer les enfants comme des superordinateurs ferait sourire si on ne voyait pas là un fantasme droit issu de la Silicon Valley. On est en droit de faire des analogies, mais il y a une différence de nature entre le complexité vertigineuse du système neuronal et celle de l'ordinateur le plus élaboré, qui est fondamentalement un computer, produit de l'intelligence humaine. Un esprit humain ne fonctionne pas selon une logique binaire et ne peut se dissocier d'une vie affective, source de motivations, notamment pour des apprentissages multiformes et permanents.
     Vouloir donner la prééminence à l'aspect neuronal, dans l'esprit de l' Human brain project, c'est passer à côté de ce qui fait l'essentiel de la formation des jeunes esprits, qui n'est pas qu'intellectuelle, c'est négliger un certains nombre d'expériences faites pour donner ou redonner aux "apprenants", selon la langue de bois d'aujourd'hui, le goût de s'ouvrir sans limites assignables, aux connaissances et aux pratiques. Freinet, Montessori... et tant d'autres ont ouvert des voies nouvelles, largement redevables à l'intuition fine et à la pratique réfléchie
      Le projet de Deheane, promu par Blanquer, n'est-il pas un feu de paille et une illusions manifeste, rue de Grenelle, qui n'est pas le Collège de France avec ses super-spécialistes?
    La transposition d'un savoir pointu, mais en gestation, dans le domaine éducatif ne fera pas avancer d'un pouce le problème multicausal, historico-culturel, familial... qui est au coeur de la difficulté d'apprendre aujourd'hui, d'un rapport au savoir et à l'autorité qui a changé, sur lequel il serait long de s'étendre.
      Mais il est si commode de se référer à une science, surtout si on n'en connaît ni les limites, ni les défaillances. Le médias emboîtent le pas par mimétisme.
      Comme le signale à juste titre André Giordan, ..;La crédibilité des neurosciences n’est pas assurée sur le plan de l’éducation, les preuves de leur efficacité sont souvent fragiles ou même absentes. Les arguments avancés reposent sur des études rarement corroborées sur le terrain et comportant nombre de biais conceptuels et méthodologiques.
Certaines pédagogies dites d'avant-garde, à effet de mode manifeste, risquent de décevoir, faute de revenir à quelques règles de bon sens essentielles, dont ne manquaient pas beaucoup de vieux hussards de la République.
     L'enfant est de nouveau au coeur d'une bataille, qui fait abstraction de certaines données essentielles, qui relèvent dans une large mesure de son éducation première, de son environnement. Apprendre, dès la prime enfance, est sans doute l'acte les plus mystérieux qui soit.
     Une éducation hors-sol serait-elle en train de naître, qui semble ne pas connaître grand chose de l'enfant et de la complexité de l'acte d'apprendre, qui ne relèvera jamais du domaine scientifique dur. La pédagogie ne peut être une science appliquée.
     Oui à la pédagogie éclairée, qui a toujours besoin de se repenser. Non aux oukazes des scientifiques de laboratoires et à certaines de leur prétentions irréalistes et dogmatiques.
       La pédagogie est une pratique trop sérieuse pour être laissée aux spécialistes auto-proclamés.
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