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lundi 15 avril 2019

Train de sénateur

Où va la SNCF?
                          C'est la question qui se repose après les ajustements et les réformes annoncées il y a un an.
   Dans un secteur fondamental, à l'heure où l'on parle de désenclavement de régions isolées, de l'utilisation plus modérée de la voiture, de la suppression de nouvelles voies jugées pour l'instant déficitaires ou non assez rentables.

     Le dossier constitué sur le sujet est déjà épais et les analyses continent, pour éclairer la question qui fait toujours débat.
    Des constats pour décrire par exemple les causes d'une lente dérive d'un service dont on vantait autrefois la fiabilité et la ponctualité
   Des causes qui sont multiples, à la fois historiques, techniques et gestionnaires
   Une récente étude vient en  pointer quelques unes, connues ou moins connues, avec un titre provocateur. (*)
   Repenser le train est d'une urgence absolue. Mais pas n'importe comment..
       Une voie sans issue? Pour l'instant, c'est le stand-by ou le silence calculé. Mais la critique doit être mesurée et éclairée:
     Comme l’a écrit récemment l’éditorialiste Éric Le Boucher dans les Échos, "le train n’est rentable dans aucun pays » et, partout, même dans les pays les plus exemplaires pour ce mode de transport, comme en Suisse, au Danemark ou en Allemagne, il est largement subventionné..." (à des degrés divers)
            ...Un second argument, lié au précédent, qui circule dans les médias veut que la SNCF est très dépensière et peu efficace au regard de ce qu’elle coûte au pays. L’entreprise publique ne serait pas au standard des autres pays européens.
    Ce n’est pourtant pas ce que révèle le rapport publié en 2017 European Railway Performance Index (RPI) du cabinet international Boston Consulting Group, qui fait référence en matière de performance des transporteurs ferroviaires.    Ce rapport indique que la France se trouve dans le premier tiers des pays en matière de performance ferroviaire avec une note de 6/10, au même titre que la Suisse (7,2), le Danemark (6,8), la Finlande (6,6), l’Allemagne (6,1), l’Autriche (6,1) et la Suède (6).._____________
           (*)   "...Depuis les années 1980, et le sommet du lancement du TGV, quel changement! Tous les aspects du service se sont dégradés affirment les auteurs de l’ouvrage. D’abord sur le respect des horaires. «Tenir la minute» est un leitmotiv oublié, celui d’un âge d’or où les cheminots constituaient une sorte d’aristocratie ouvrière. Aujourd’hui, le cœur n’y est plus. Sur les 15.000 trains quotidiens prévus, 480 sont annulés en moyenne. Selon l’Arafer, l’autorité de régulation du secteur, un employé arrive en retard au moins une fois par semaine s’il utilise la SNCF en Île-de-France. Le facteur humain est souvent en cause. Que se passe-t-il chez les gilets rouges? Le livre mentionne bien sûr les syndicats et leur déni de réalité (c’est connu), avec une tendance facile au «débrayage» pour conserver des avantages parfois délirants. Il détaille aussi (c’est un peu moins connu) un management kafkaïen avec des responsabilités diluées et une bureaucratie extravagante.
        Quant au réseau, il est l’un des plus mal notés d’Europe, juste devant ceux de la Bulgarie et de la Roumanie. Passages à niveau, signalisations, rails datant d’avant la Seconde Guerre mondiale... Vétusté partout. Un rapport fait par des ingénieurs suisses pointait dès 2005 «les prémices d’une dégénérescence», mais rien de significatif n’a été fait jusqu’à l’accident tragique de Brétigny en 2013. Depuis, les promesses d’investissement pleuvent mais les problèmes continuent, avec des pannes parfois impressionnantes comme en juillet 2018 à Montparnasse. À croire que personne ne prend la mesure du problème. À commencer par l’emblématique Guillaume Pépy, à la tête de l’entreprise depuis 2008?
         Il est là tout au long du livre. Il règne sans partage sur la SNCF, et la représente sur les plateaux de télévisions. Serait-ce lui, le grand responsable du naufrage de l’entreprise? Non, semblent répondre les auteurs, qui rendent hommage à sa connaissance profonde d’une industrie complexe, et à son désintérêt pour l’enrichissement personnel. Lui et ses équipes ont même lancé l’entreprise dans une conquête internationale coûteuse en ressources, mais réussie. Pour ce qui concerne les trains français, il reste un commis d’État, puissant certes, et capable de tenir tête à ses ministres de tutelle, mais qui se soumet aux grands choix gouvernementaux, car l’homme tient plus que tout à rester en poste.
      D’ailleurs, là où l’énarque brille vraiment selon les deux journalistes, c’est certainement dans l’art de se rendre intouchable. Sa technique? «noyauter» tout cercle d’influence. Le maître de la communication cajole les journalistes avec des séminaires improbables (cours de cuisine, etc.), et distribue des cartes «T» (une carte VIP non disponible à la vente). À la fois homme d’affaires et haut fonctionnaire, ses réseaux lui ressemblent, du Siècle à tous les ministères où il fait avancer ses protégés. Tout cela assure un soutien sans faille dans les moments critiques, comme lors de la remise en jeu de sa place de président, en 2013. Le seul vrai grief que la Cour des comptes lui adresse est finalement sa propension à une «communication étouffante et dispendieuse»: 200 millions d’euros par an, et 700 salariés dédiés. Souvent, la SNCF s’abstient même de créer des appels d’offres sur ses achats de conseil en «com’», mais l’État actionnaire ferme les yeux, soulignent les auteurs.
    Et qu’a-t-il fait, ce propriétaire, sinon fermer les yeux depuis des décennies, sur la lente dérive de la SNCF? Là se trouve peut-être le vrai nœud du problème. Les gouvernements successifs ont tous approuvé sans réserve les décisions de Bruxelles sur la libéralisation du secteur ferroviaire ; ils ne les ont jamais traduites en une stratégie nationale. La réforme ferroviaire de 2018, qui fait reprendre par l’État une partie de la dette de l’entreprise et acte la fin du statut de cheminot, redonne un peu d’oxygène au groupe, et un peu d’espoir aux usagers. Mais sur l’ouverture à la concurrence, le gouvernement continue de faire croire aux Français que rien ne va changer, expliquent Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois.
       Or tout va changer, et dans un futur proche. L’ouvrage renvoie à l’exemple du fret, déjà libéralisé: en quelques années, la SNCF a perdu 40% du marché, les effectifs concernés ont été divisés par deux, et l’activité continue à perdre de l’argent. L’ouverture au secteur privé pour le transport de personnes va en outre rendre impossible la mission d’aménagement du territoire qui incombait au ferroviaire. Les petites communes devront payer pour maintenir la ligne qui les dessert, tandis que les liaisons entre grandes smart-cities feront l’objet de guerres commerciales acharnées. La SNCF, avec ses surcoûts et son manque d’agilité, risque bien d’y laisser les plumes qui lui restent. Les auteurs concluent d’ailleurs le livre par un chapitre d’anticipation aussi triste que réaliste sur l’entreprise «publique» en 2037, cent ans après sa création... Il laisse le lecteur pris par une amertume très viscontienne, sur ce qu’a été le rail français et ce qu’il ne sera plus jamais...."
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