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mardi 3 mars 2020

La bible, le territoire

Et l'exclusion.
                     Après la nouvelle version du nouvel accord de "paix" (sic!)Trump Netanyahu, en l'absence des premiers concernés, qui fut aussi une pièce de plus dans les campagnes électorales respectives des deux signataires, aucune voix ne s'élève en Europe pour contrer le coup de force savamment orchestré..
               Avant hier soir, un débat sur LCP est venu utilement rappeler les nouvelles données du problème. notamment la politique de colonisation  accélérée qui ne dit pas son nom, notamment en Cisjordanie, devenue pour les orthodoxes Judée-Samarie, réduite déjà à une peau de léopard, où la vie quotidienne devient de plus en plus problématique pour les résidents palestiniens encore présents aux marges de murs qui continuent de s'ériger.
   Les projets de colonisation se succèdent sans cesse, soutenus et financés largement par l'Etat, avec un objectif très clair, mais jamais avoué: augmenter rapidement la population, l'objectif démographique étant une priorité politique. Faire des enfants, le plus d'enfants possibles, même chez les ultraorthodoxes qui ne partagent pas les objectifs de Tel Aviv, mais qui progressent dans des conditions particulières.
   Ils ont gagné et pèsent de plus en plus sur la politique israëlienne, qui n'a cessé de se droitiser depuis une dizaine d'années, surtout sous Netanyahou et les franges les plus sionistes-conservatrices-offensives de la Knesset. Le dogme de la terre (dite sainte) devient une obsession, dont la légitimation est recherchée avec fièvre dans les textes, les questions religieuses prenant le pas sur les problèmes politiques. Le Talmud devient une référence cadastrale indiscutée.. S'implanter et s'étendre, telle est l'objectif de ces nouveaux venus de Russie, des USA ou de France, souvent messianistes illuminés et intégristes, pour lesquels un verset de la bible ne se discute pas.
     Depuis l'assassinat de Rabin surtout, une longue dérive s'est dessinée.
               "  ...En 2003, le grand historien Tony Judt, d’origine britannique et devenu l’une des figures du monde intellectuel juif new-yorkais, publiait dans la New York Review of Books un texte aux allures prophétiques et qui allait faire scandale. Analysant le sionisme comme un avatar des nationalismes ethniques centre-européens, il estimait que l’État d’Israël était un anachronisme et s’en prenait vivement aux dirigeants israéliens responsables d’un processus de paix assassiné. « La déprimante vérité est qu’Israël aujourd’hui est devenu mauvais pour les Juifs », écrivait-il.  Quinze ans plus tard, c’est au tour de la célèbre sociologue Eva Illouz de publier en septembre 2018 dans le quotidien israélien Haaretz un long article intitulé « L’État d’Israël contre le peuple juif ». Son propos: l’État d’Israël, son régime et les politiques conduites sont contraires aux intérêts des citoyens juifs israéliens et aussi à ceux des Juifs en général. 
 Fin connaisseur d’Israël, Sylvain Cypel s’est inspiré de ce titre pour publier un essai fortement documenté et qui mériterait un large débat en France. L’État d’Israël contre les Juifs (éditions La Découverte) n’a rien d’un pamphlet. C’est un livre fortement documenté, par les enquêtes de terrain de l’auteur, par les nombreux entretiens conduits mais aussi par une exploration minutieuse des débats extrêmement riches qui traversent le judaïsme américain et certains cercles intellectuels israéliens. En regard, l’impossibilité de mener en France de tels débats sans sombrer dans l’invective et les accusations immédiates d’antisémitisme apparaît désespérante.
Le propos principal du livre de Sylvain Cypel est de raconter la lente dérive de l’État d’Israël vers un régime ethniciste, raciste, belliqueux, faisant un usage systématique et disproportionné de la violence à l’encontre des Palestiniens. C’est la mise en place progressive de ce qui ressemble fort à un régime d’apartheid, c’est aussi un régime illibéral passant des alliances avec des régimes autoritaires tandis que l’extrême droite israélienne n’hésite pas à se rapprocher aux États-Unis avec des groupes évangéliques ou quelques porte-voix des suprémacistes blancs.   
    C’est cette dérive, écrit l’auteur, qui menace aujourd’hui les Israéliens eux-mêmes mais aussi, par ricochet, les Juifs du monde entier. L’alliance Trump-Netanyahou a accéléré encore cette évolution. Et c’est une droite nationaliste et coloniale (au pouvoir durant 39 ans ces 43 dernières années) qui a gagné la bataille culturelle et remodelé la société israélienne. Une illustration spectaculaire de cette dérive est l’adoption, en juillet 2018, d’une loi définissant Israël comme l’État-nation du peuple juif, un texte qui installe la discrimination entre citoyens israéliens juifs et non-juifs...".
     Toujours les mêmes confusions, les mêmes amalgames, les mêmes instrumentalisations. La moindre critique de la politique d'Israël, officielle ou non, est dénoncée de manière systématique comme (forcément) antisémite et paralyse les décideurs étrangers. L'Onu parle dans le vide..quand il parle.
  On peut s'inquiéter de ces dérives, comme le font maints journalistes de Tel-Aviv, dans Haaretz notamment, des historiens juifs comme Marius Schattener, des journalistes franco israëlien comme Charles Enderlin.  Il serait utile de revoir la mini-série anglaise sur les origines de la fondation de l'Etat  d'Israël: Le Serment et de relire le livre de Charles Enderlin: Par les feu et par le sang. Revenir sur le gènèse du pays n'est pas inutile.
   Le pays ne peut avoir un avenir que par l'abandon de certains mythes, dont l'alibi de la "Terre" dite promise, entretenus par une minorité dont la radicalité est tolérée ou encouragée.
   Les futures élections ont peu de chances de changer la donne. La situation est devenue inextricable.  La grande confusion continue.

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