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jeudi 3 septembre 2020

Afghanistan papers

La dissimulation comme stratégie
                                                            Pour le pire des résultats.
     Aux USA, tout finit par se savoir. En tout cas beaucoup de choses. Même s'il faut du temps pour y arriver.
      C'est ainsi que les dessous de la politique vietnamienne de plusieurs présidences s'est trouvée dévoilée par certains journalistes curieux et finalement par des voix officielles. C'est ainsi que l'intervention musclée au Chili a été démystifiée peu à peu et finalement par Kissinger lui-même. De même pour l'intervention en Irak, qui a commencé par un énorme mensonge de l'administration néo-conservatrice Bush, et dont les véritables visée ont été finalement révélée à la presse.

      Il en est de même pour l' aventure afghane, sans qu'on fasse vraiment la somme des victimes civiles et des dégâts matériels provoqués par une intervention longue et violente. Les visées économiques de ce fiasco furent passées sous silence pendant longtemps. Et il y a encore beaucoup à savoir.
        Le Washington Post continue à faire progresser l'analyse de ce qui devint un bourbier, un pays où s'enlisèrent déjà Alexandre le grand, les troupes coloniales anglaises et celles de l'URSS, que les supplétifs du Pentagone contribuèrent au retrait, avec l'aide des djiadistes recrutés secrètement au Pakistan._______
          Un recueil de documents gouvernementaux confidentiels obtenus par le Washington Post révèle que de hauts responsables américains n’ont pas dit la vérité sur la guerre en Afghanistan tout au long de cette campagne de 18 ans, faisant des déclarations optimistes qu’ils savaient être fausses et cachant des preuves indubitables que la guerre était devenue impossible à gagner.     Les documents ont été produits dans le cadre d’un projet fédéral visant à examiner les échecs fondamentaux du plus long conflit armé de l’histoire des États-Unis. Elles comprennent plus de 2 000 pages de notes inédites d’entrevues avec des personnes qui ont joué un rôle direct dans la guerre, des généraux et des diplomates aux travailleurs humanitaires et aux responsables afghans.        Le gouvernement américain a tenté de dissimuler l’identité de la grande majorité des personnes interrogées dans le cadre du projet et a dissimulé presque toutes leurs remarques. Le Post a obtenu la publication des documents en vertu de la loi sur la liberté de l’information au terme d’une bataille juridique de trois ans.    Au cours des entrevues, plus de 400 de collaborateurs ont critiqué sans retenue ce qui s’est passé en Afghanistan et comment les États-Unis se sont enlisés dans près de deux décennies de guerre.     Avec une franchise rarement exprimée en public, les entretiens ont mis à nu des plaintes, des frustrations et des aveux refoulés, ainsi que des suppositions et des rumeurs malveillantes.      « Nous n’avions aucune compréhension fondamentale de l’Afghanistan – nous ne savions pas ce que nous faisions », a déclaré Douglas Lute, un général de division de l’armée qui a servi comme tsar de la guerre en Afghanistan à la Maison-Blanche sous les gouvernements Bush et Obama, à des enquêteurs en 2015. Il a ajouté : « Qu’essayons-nous de faire ici ? Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous entreprenions ». [war Czar (tsar de la guerre) : expression familière pour désigner l’adjoint au président et conseiller adjoint à la sécurité nationale pour l’Irak et l’Afghanistan, NdT]       « Si le peuple américain connaissait l’ampleur de ce dysfonctionnement… 2 400 vies perdues », a ajouté M. Lute, attribuant la mort de militaires américains à des défaillances bureaucratiques entre le Congrès, le Pentagone et le département d’État. « Qui dira que c’était en vain ? »       Depuis 2001, plus de 775 000 soldats américains ont été déployés en Afghanistan, dont un grand nombre à plusieurs reprises. Sur ce nombre, 2 300 y sont morts et 20 589 ont été blessés au combat, selon les chiffres du ministère de la Défense.         Les entretiens, à travers un large éventail de voix, mettent en relief les principales défaillances de la guerre qui persistent à ce jour. Ils soulignent que trois présidents – George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump – et leurs commandants militaires ont été incapables de tenir leurs promesses de victoire en Afghanistan.      Comme la plupart d’entre eux parlaient en supposant que leurs remarques ne seraient pas rendues publiques, les responsables américains ont reconnu que leurs stratégies de guerre étaient complètement erronées et que Washington avait gaspillé d’énormes sommes d’argent pour tenter de transformer l’Afghanistan en un pays moderne.        Les entretiens mettent également en lumière les tentatives bâclées du gouvernement américain de mettre un frein à la corruption galopante, de mettre sur pied une armée et une police afghanes compétentes et de faire reculer le commerce florissant d’opium du pays.       Le gouvernement américain n’a pas fait une comptabilité complète des sommes qu’il a dépensées pour la guerre en Afghanistan, mais les coûts sont énormes.          Depuis 2001, le ministère de la défense, le département d’État et l’Agence des États-Unis pour le développement international ont dépensé ou affecté entre 934 et 978 milliards de dollars, selon une estimation ajustée en fonction de l’inflation calculée par Neta Crawford, professeure de sciences politiques et codirectrice du projet Costs of War à l’Université Brown.     Ces chiffres ne comprennent pas l’argent dépensé par d’autres organismes comme la CIA et le ministère des Anciens Combattants, qui est chargé des soins médicaux pour les anciens combattants blessés.          « Qu’avons-nous obtenu pour cet effort de mille milliards de dollars ? Ça valait mille milliards de dollars ? » Jeffrey Eggers, un ancien membre des Navy SEAL et membre du personnel de la Maison-Blanche pour Bush et Obama, a déclaré aux intervieweurs du gouvernement. Il a ajouté : « Après l’assassinat d’Oussama ben Laden, j’ai dit qu’Oussama riait probablement dans sa tombe aquatique compte tenu des sommes que nous avons dépensées pour l’Afghanistan ».     Les documents contredisent également un long chapelet de déclarations publiques de présidents, de commandants militaires et de diplomates américains qui, année après année, ont assuré aux Américains qu’ils faisaient des progrès en Afghanistan et que la guerre en valait la peine.      Plusieurs des personnes interrogées ont décrit les efforts explicites et soutenus déployés par le gouvernement des États-Unis pour tromper délibérément le public. Ils ont dit qu’il était courant au quartier général militaire de Kaboul – et à la Maison-Blanche – de falsifier les statistiques pour faire croire que les États-Unis étaient en train de gagner la guerre alors que ce n’était pas le cas.                « Chacune des données a été modifiée pour présenter la meilleure image possible », a déclaré Bob Crowley, colonel de l’armée de terre qui a été conseiller principal des commandants militaires américains en matière de contre-insurrection en 2013 et 2014, aux enquêteurs du gouvernement américain. « Les sondages, par exemple, n’étaient pas du tout fiables, mais ils ont confirmé que tout ce que nous faisions était juste et que nous devenions un cornet de crème glacée qui se lèche lui-même » [self-licking ice cream cone : expression idiomatique désignant une organisation ou une entité dont le seul but est de promouvoir sa propre existence et sa propre splendeur, NdT].     John Sopko, the head of the federal agency that conducted the interviews, acknowledged to The Post that the documents show “the American people have constantly been lied to.”     John Sopko, le directeur de l’agence fédérale qui a mené les entretiens, a reconnu au Post que les documents montrent qu' »on a constamment menti au peuple américain ».       Les entretiens sont le sous-produit d’un projet mené par l’agence de Sopko, le Bureau de l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan. Connu sous le nom de SIGAR, l’agence a été créée par le Congrès en 2008 pour enquêter sur le gaspillage et la fraude dans la zone de guerre.       En 2014, sous la direction de Sopko, le SIGAR sort de sa mission habituelle d’audit et lance une activité parallèle. Intitulé « Leçons apprises », ce projet de 11 millions de dollars visait à diagnostiquer les échecs de la politique menée en Afghanistan afin que les États-Unis ne répètent pas leurs erreurs la prochaine fois qu’ils envahiraient un pays ou qu’ils tenteraient de reconstruire un pays sinistré.
Le personnel des Leçons apprises a interviewé plus de 600 personnes ayant une expérience de première main de la guerre. La plupart étaient américains, mais les analystes du SIGAR se sont également rendus à Londres, Bruxelles et Berlin pour interviewer des alliés de l’OTAN. De plus, ils ont interviewé une vingtaine de responsables afghans pour discuter des programmes de reconstruction et de développement.     S’appuyant en partie sur les entrevues, ainsi que sur d’autres documents et statistiques du gouvernement, le SIGAR a publié sept rapports sur les Leçons apprises depuis 2016 qui mettent en lumière les problèmes en Afghanistan et recommandent des changements pour stabiliser le pays.    Mais les rapports, rédigés en prose bureaucratique dense et centrés sur un méli-mélo d’initiatives gouvernementales, ont laissé de côté les critiques les plus dures et les plus franches ressortant des entretiens.     « Nous avons constaté que la stratégie de stabilisation et les programmes utilisés pour la mettre en œuvre n’étaient pas adaptés au contexte afghan, et que les réussites dans la stabilisation des districts afghans duraient rarement plus longtemps que la présence physique des troupes de la coalition et des civils », peut-on lire dans l’introduction à un rapport publié en mai 2018.        Les rapports omettaient également les noms de plus de 90 pour cent des personnes interviewées dans le cadre du projet. Alors que quelques fonctionnaires ont accepté de parler officiellement au SIGAR, l’agence a déclaré qu’elle promettait l’anonymat à toutes les autres personnes qu’elle interrogeait pour éviter la controverse sur des questions politiquement sensibles...."_______________________________

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