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samedi 19 septembre 2020

Sur le plan de relance européen

 Point de vue

             On attend beaucoup de l'accord européen signé pour sortir ensemble de la crise dans laquelle nous sommes plongés à des degrés divers.          Mais les choses ne sont pas si simples que ce que l'on nous a présenté comme une avancée spectaculaire et salvatrice en cette période exceptionnellement critique. Le point de vue de l'ancien banquier Naulot,  qui n'a pas sa langue dans sa poche en matière financière, introduit quelques bémols de taille dans une présentation trop superficielle et optimiste des choses. Voici son point de vue, sur un accord qui ne manque pas d'ambigüités, qui mérite examen et critique:   


         _______"...
Première question, pourquoi avoir choisi un projet aussi lourd, aussi complexe, qui va mobiliser pendant plusieurs années des milliers de dirigeants et de fonctionnaires à Bruxelles et dans les capitales européennes, alors que l’on aurait pu faire plus simple et plus efficace ?  Pourquoi ce détour de plusieurs années par Bruxelles ?     Si les chefs d’Etat avaient réellement souhaité témoigner leur solidarité, sans arrière-pensées,  à l’égard des pays les plus atteints par la pandémie, ils auraient choisi de procéder par transferts financiers d’Etats à Etats. Ils auraient mis immédiatement en place des transferts en faveur de l’Italie, de l’Espagne, de la Belgique et de la France. L’Allemagne qui est un des pays les moins endettés de l’Union (59,8% du PIB fin 2019) aurait emprunté quelques dizaines de milliards d’euros à un taux négatif de - 0,50%. Son niveau de dette aurait glissé de 2%, c’est-à-dire de l’épaisseur du trait. L’Allemagne, qui profite tant de l’euro et dégage depuis dix ans des excédents courants spectaculaires, contraires aux traités, aurait contribué de la sorte à une plus grande efficacité de la zone monétaire. Les fonds seraient parvenus en Italie avant la fin de l’été ce qui aurait permis aux Italiens de faire face à l’urgence en investissant par exemple dans un  secteur hospitalier qui a tellement souffert. Ce geste de solidarité aurait été unanimement salué. L’article 122 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) était fait précisément pour répondre à ce genre de situations en permettant au Conseil européen, en cas de « catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant au contrôle des Etats »,  d’apporter immédiatement une assistance financière aux pays concernés.              Mais on a préféré s’en remettre à la Commission avec un plan qui va se déployer sur plusieurs années, soumettre les Etats à de multiples examens de passage et financer le tout par un grand emprunt dont on ne sait pas comment il sera remboursé. Tout le monde va recevoir des subventions, même l’Allemagne, et semble-t-il pour un montant significatif ! A une  solidarité immédiate, on a préféré le recours à la dette. Une belle occasion ratée de faire avancer l’Europe des peuples !                                                     La vérité oblige à dire que l’idée qui a conduit la France et l’Allemagne à promouvoir un plan piloté par la Commission et financé par un grand emprunt européen est avant tout politique. Angela Merkel, pourtant hostile à toute dette mutualisée, a vu dans la mission confiée à la Commission pendant plusieurs années un moyen d’accélérer les réformes dans les pays récalcitrants. S’ils veulent bénéficier des subventions, ces pays devront réussir leurs examens de passage, bien entendu lors de la présentation des plans de relance nationaux mais aussi pendant de longues années puisque le plan de relance européen est « ancré » dans le fameux Semestre européen comme cela a été dit par la Commission dès la fin mai. Quant à Emmanuel Macron qui plaidait depuis trois ans pour une dette mutualisée, il obtient  enfin une petite avancée fédérale.                        Toutefois, contrairement à ce qui a été répété en boucle par nos dirigeants, cette dette mutualisée n’est pas un événement historique. A-t-on déjà oublié que le Mécanisme européen de stabilité (MES) de 700 milliards d’euros, créé en 2012 pour venir en aide aux pays périphériques,  permet d’émettre une dette mutualisée ? Par ailleurs, et c’est le plus important, Angela Merkel a précisé dès le mois d’avril que les subventions du futur plan européen auraient un caractère exceptionnel. Elles s’inscrivent en effet, a-t-elle précisé, dans le cadre de l’article 122 mentionné ci-dessus. Elles sont indissociablement liées à la pandémie. En d’autres termes, pour Angela Merkel, cette opération ne doit pas constituer un précédent. En juin 2019, elle avait déjà fermé la porte à tout budget de la zone euro et ce plan n’est pas l’amorce d’un budget de la zone euro. C’est un plan de l’Union européenne. Le plan de l’Eurogroupe du printemps dernier ressemble à cet égard à un ballon de baudruche : sur les 540 milliards, 240 milliards concernent un éventuel recours au MES, ce qui n’intéresse personne, et pour le reste, les engagements des Etats ne représentent que 50 milliards  et encore sous forme de garanties.       Pour des raisons politiques, l’Union européenne a donc choisi de mettre en place une grande cathédrale, comme elle sait le faire parfois[, aux dépens de l’efficacité et d’une franche solidarité. Au cours du long et lourd processus qui s’annonce, elle va devoir apporter de nombreuses précisions juridiques et financières. Pour le moment, trois éléments chiffrés ont été avancés - des subventions à hauteur de 390 milliards, des prêts à hauteur de 360 milliards et un grand emprunt de 750 milliards pour financer le tout – mais le montage de l’opération reste très obscur.                             La légalité des subventions ne fait pas de doute dans son principe puisqu’elles ont pour origine  « une catastrophe naturelle, un événement exceptionnel échappant au contrôle des Etats », c’est-à-dire la pandémie. En revanche, les allocations de subventions s’éloignent de la lettre et de l’esprit de l’article 122 du TFUE. Seuls 30% des montants alloués, ceux de l’année 2023, seront en effet en lien avec la pandémie. Il aurait été pourtant simple de retenir dès l’année 2021 deux critères simples reflétant la gravité de la situation pour chaque Etat : le nombre de morts par million d’habitants et la chute du PIB. Ces critères auraient naturellement été pondérés par la population..." (lire la suite...)_____________


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