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vendredi 9 juillet 2021

Exxon vend la mèche

  Climat: et pourtant, ils savaient!...

             "...Après avoir exercé pendant un siècle un pouvoir économique et politique hors de l’ordinaire, les géants étatsuniens du pétrole doivent rendre des comptes pour avoir été à l’origine de la plus grande menace existentielle de notre époque.                          Une vague sans précédent de poursuites judiciaires, intentées par des villes et des Etats américains, vise à obliger l’industrie pétrolière et gazière à rendre des comptes pour ce qui est de la dévastation environnementale causée par les combustibles fossiles – et dans le même mouvement à dissimuler ce qu’elle en savait tout au long des années passées.                         Les villes côtières qui s’efforcent de contenir la montée du niveau de la mer, les Etats du Midwest qui voient les ouragans détruire les cultures et les maisons, et les communautés de pêcheurs dont les prises diminuent à cause du réchauffement des eaux, tous ceux-là exigent maintenant que les conglomérats pétroliers paient des dommages et intérêts et prennent des mesures urgentes pour réduire les dégâts supplémentaires causés par l’utilisation des combustibles fossiles.   Mais ce qui est encore plus frappant, c’est que les quelque deux douzaines de poursuites judiciaires sont étayées par des accusations selon lesquelles l’industrie a gravement aggravé la crise environnementale en menant pendant des décennies une campagne de mensonges et de tromperie pour supprimer les mises en garde de ses propres scientifiques concernant l’impact des combustibles fossiles sur le climat et ainsi tromper le public des Etats-Unis.     L’écologiste Bill McKibben a un jour qualifié le comportement de l’industrie des combustibles fossiles de «dissimulation la plus importante de l’histoire des Etats-Unis». Aujourd’hui, pour la première fois depuis des décennies, les poursuites judiciaires ouvrent la voie à l’obligation de rendre des comptes au public, un processus qui, selon les militants du climat, pourrait rivaliser avec le déclin de l’industrie du tabac, qui avait dissimulé les véritables dangers du tabagisme.                                             «Nous sommes à un point d’inflexion», a déclaré Daniel Farber, professeur de droit à l’Université de Californie à Berkeley et directeur du Center for Law, Energy, and the Environment. «Les choses doivent empirer pour les compagnies pétrolières», a-t-il ajouté. «Même si elles ont de bonnes chances de gagner par endroits la bataille judiciaire, la découverte clarifiée de comportements fautifs – elles savaient que leur produit était mauvais et mentaient au public – affaiblit vraiment la capacité de l’industrie à résister à la législation et à des décisions.»                                Depuis des décennies, les principales compagnies pétrolières et gazières du pays ont intégré les éléments de la science du changement climatique et les dangers posés par les combustibles fossiles. Année après année, les cadres supérieurs des firmes l’ont entendu de la bouche de leurs propres scientifiques, dont les avertissements étaient explicites et souvent graves.      En 1979, une étude d’Exxon (voir Assessing ExxonMobil’s climate change communications, par Geoffrey Supran) affirmait que la combustion de combustibles fossiles «entraînera des effets environnementaux dramatiques» au cours des prochaines décennies. «Le problème potentiel est important et urgent», concluait l’étude.       Mais au lieu de tenir compte des résultats de la recherche qu’elles finançaient, les grandes sociétés pétrolières se sont concertées pour enterrer les conclusions et fabriquer un contre-récit afin de saper le consensus scientifique croissant autour de la science du climat. La campagne de l’industrie des combustibles fossiles visant à créer l’incertitude a porté ses fruits pendant des décennies en brouillant la compréhension du public sur les dangers croissants du réchauffement planétaire et en bloquant l’action politique.......   L’urgence de la crise ne fait aucun doute. Un projet de rapport des Nations unies (23 juin), qui a fait l’objet d’une fuite la semaine dernière, prévient que les conséquences de la crise climatique, notamment la montée des eaux, la chaleur intense et l’effondrement des écosystèmes, vont fondamentalement remodeler la vie sur Terre dans les décennies à venir, même si les émissions de combustibles fossiles sont freinées.    

               Afin d’enquêter sur l’ampleur des tromperies de l’industrie pétrolière et gazière – et sur les conséquences désastreuses pour les collectivités à travers le pays – le Guardian publiera une série d’articles, pendant un an, sur les efforts sans précédent déployés pour obliger l’industrie des combustibles fossiles à rendre des comptes.       Les procédures judiciaires devraient durer des années. Les villes de Californie ont intenté les premières poursuites en 2017. Elles ont été bloquées par des conflits de compétence, les compagnies pétrolières se battant avec un succès limité pour les faire passer des tribunaux d’Etat aux tribunaux fédéraux où elles pensent que la loi est plus favorable.      Mais les militants du climat voient des opportunités bien avant que les verdicts soient rendus aux Etats-Unis. La procédure judiciaire devrait s’ajouter aux révélations déjà accablantes ayant trait aux secrets bien gardés des géants de l’énergie. Si l’histoire est un guide, ces développements pourraient à leur tour modifier l’opinion publique en faveur des réglementations que les compagnies pétrolières et gazières ont passé des années à combattre...."

         ______Le doute distillé est parfois une arme au service d'intérêts puissants, pour neutraliser ou différer des mesures d'intérêt général.   Le doute, qu'il soit cartésien, méthodique ou plus modeste et circonscrit, est toujours une attitude qu'il importe de valoriser en toutes circonstances. Que soit dans la vie quotidienne, dans la recherche d'informations, ou dans celui de la recherche ou des débats scientifiques.

     Le doute est libérateur quand il est animé par le désir de sortir d'un dogmatisme trompeur,  de rechercher une vérité plus satisfaisante, d'oser penser par soi-même, comme disait Kant. C'est toujours possible, à des degrés divers, toujours libérateur.
    Mais le doute peut être instrumentalisé, utilisé à dessein comme un moyen d'instiller un soupçon, de faire naître une résistance vis à vis de connaissances pourtant bien ou assez bien établies. Parce qu'elles gêneraient, remettraient en question des vérités qui dérangent, qui mettent en péril des intérêts bien établis, un business fructueux, contestés par des esprits suffisamment éclairés et indépendants.
     C'est le cas bien connu des défenseurs du business de l'amiante, ce poison qui n'a pas fini de faire des ravages et dont les dangers ont été signalés dès le début du XX° siècle.
   C'est le cas, tout aussi connu du lobby des cigarettiers, toujours en action, qui dépensent des sommes pharaoniques pour produire des rapports à l'aspect "scientifique" pour justifier la poursuite de leurs affaires très juteuses, au détriment de la santé publique.
   Le plus insidieux, c'est lorsque une industrie, aux productions dûment contestées pour leurs méfaits, soudoient des "experts" complaisants pour susciter des questions là où il n'y a plus lieu d'en poser, pour relancer des recherches biaisées, pour éviter que le dernier mot de soit donné à ceux qui  ont fermement établi la nocivité de produits devenus d'un usage commun. 
    Au niveau politique, local ou plus large, des firmes savent aussi y faire pour influencer les débats sur les questions sur les réglementations ou des interdictions. Parce qu'elles ont de puissants moyens.
  C'est ce que montre bien, et depuis des années, certaines enquêtes, comme celle sur les produits à base de glyphosate,la molécule la plus utilisée au monde.
    Le dossier est déjà lourd. Les études de Marie-Monique Robin sur le sujet sont décisives, mais pas uniques.
    Ce qu'on a appelé la manufacture du doute dans différentes productions contestées, dont le monde rapidement grandissant des perturbateurs endocriniens.
   Parfois des questions légitimes peuvent encore se poser, mais il est des points qui ne peuvent plus être contestés sans être partisans intéressés.
   Mettre la science à l'abri des pressions de certains intérêts privés, dont le but est de distiller le doute, est aujourd'hui plus qu'hier un projet nécessaire, un combat permanent.  ______________

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