"L’afflux des « cerveaux » aux Etats-Unis, si souvent déploré, révèle surtout les faiblesses de l’enseignement supérieur américain, incapable de former ses propres cadres dans nombre de domaines scientifiques, et contraint de les acquérir à l’étranger, en Chine, en Inde... ou en France.... il ne faudrait pas idéaliser le système américain." (Pierre Gervais)
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"Le désir d’accès universel au savoir, l’autonomie de gestion, la valeur attribuée aux investissements publics, l’ouverture aux mouvements sociaux, les passerelles entre recherche de pointe et instruction publique : voilà ce qui faisait la force du système universitaire américain. Aujourd’hui, ce sont les faiblesses de l’édifice qui apparaissent : un enseignement de qualité réservé aux plus riches, des investissements privilégiant un rendement rapide, une stratification sociale marquée, une concurrence engendrant des coûts prohibitifs, une concentration des ressources au sommet de la pyramide. Un tel glissement général constitue sans nul doute une victoire pour la droite américaine puisqu’il entérine l’abandon de l’ambition d’une éducation de haut niveau destinée à l’ensemble de la société." (Christopher Newfield)
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M. Tom Hayden, sénateur de l’Etat de Californie, se demandait « si la recherche biotechnologique n’allait plus être désormais dominée que par l’intérêt des entreprises, et si les éventuels critiques de telles pratiques au sein du monde universitaire ne risquaient pas d’être muselés ». ...C'est en bonne voie...
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"Une enquête du Los Angeles Times a révélé que 19 des 40 articles publiés au cours des trois dernières années dans la rubrique « drug therapy » de la prestigieuse revue médicale New England Journal of Medicine avaient été rédigés par des médecins rémunérés par les fabricants des médicaments qu’ils étaient chargés d’évaluer."
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"Le poète Percy Bysshe Shelley a écrit que, dans la rapacité créée par la révolution industrielle, les gens abandonnent d’abord leur esprit ou leur capacité à raisonner, puis leur cœur ou leur capacité d’empathie, jusqu’à ce qu’il ne reste de l’équipement humain originel que leurs sens ou leurs demandes de satisfactions égoïstes. A ce stade, les humains entrent dans la catégorie de produits de consommation et de consommateurs du marché - un élément de plus dans le paysage commercial. Sans cœur et sans esprit, ils sont instrumentalisés à acheter tout ce qui calme leurs sens exigeants et apeurés - des mensonges officiels, des guerres immorales, des poupées Barbie et des enseignements en faillite."(Luciana Bohne)
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L'université américaine vampirisée par les marchands:
"EN novembre 1998, l’Université de Californie, Berkeley, concluait un accord avec la société suisse Novartis. Un don de 25 millions de dollars fut accordé au département de microbiologie (Plant and Microbial Biology). En contrepartie, l’université publique accordait au géant suisse de la pharmacie et de la biotechnologie le droit de s’approprier plus du tiers des découvertes générées par les chercheurs du département (y compris celles financées par l’Etat de Californie ou par le gouvernement fédéral), ainsi que de négocier les brevets d’invention qui en découlent. De plus, l’université accordait à Novartis le contrôle de deux des cinq sièges du comité de recherche du département, chargé de l’allocation des fonds de recherche.L’accord Berkeley-Novartis souleva un tollé. Plus de la moitié des enseignants du département en question exprimèrent leur inquiétude, car tant le principe de la « recherche pour le bien public » que le libre-échange des idées au sein de la communauté scientifique se trouvaient menacés . M. Tom Hayden, sénateur de l’Etat de Californie, se demanda « si la recherche biotechnologique n’allait plus être désormais dominée que par l’intérêt des entreprises, et si les éventuels critiques de telles pratiques au sein du monde universitaire ne risquaient pas d’être muselés »...
Depuis le début de la « révolte fiscale » déclenchée en Californie en 1978 avec la « proposition 13 » gelant la taxe foncière, les Etats, privés d’impôts, n’ont cessé de réduire leurs budgets d’éducation. En 1980, dans le but de restaurer la compétitivité de l’industrie américaine, la loi Bayh-Dole, du nom de ses deux parrains, l’un démocrate, l’autre républicain, autorisait pour la première fois les universités à breveter les inventions financées par le gouvernement. D’autres lois vinrent par la suite encourager les universités à commercialiser leurs brevets, et accorder des exemptions fiscales aux entreprises qui finançaient la recherche universitaire....
Tous les grands investissements effectués au cours des dix dernières années l’ont été grâce à des donations privées. Ainsi, pour bâtir sa nouvelle business school, l’université procéda à une levée de fonds frénétique. La famille Haas (héritière du fabricant de blue-jeans Levi Strauss), qui effectua la donation la plus importante, obtint que la business school portât son nom. De grandes entreprises financèrent des chaires. Le doyen de l’établissement porte par exemple le titre de « Bank of America Dean ». Les nouveaux bâtiments sont truffés de logos d’entreprises...
C’EST ce que MM. James Engell et Anthony Dangerfield, professeurs à Harvard, ont nommé le monde de « l’université marchande » (« market-model university ») : les départements qui « gagnent de l’argent », « étudient l’argent » ou « attirent l’argent » en sont les grands bénéficiaires . Les autres sont négligés, voire délaissés....
La logique de « l’université marchande »impose, pour les entreprises, que leurs donations soient considérées comme des investissements : publicité gratuite, éloges, respectabilité font partie, au même titre que les découvertes commercialisables, des bénéfices justifiés par la dépense (7). Et toute infraction mérite sanctions : Nike a récemment suspendu son concours financier à trois universités (Michigan, Oregon et Brown) sous prétexte que leurs étudiants avaient critiqué certaines de ses pratiques dans des pays pauvres, en particulier en matière d’emploi d’enfants...
Sur les campus, des personnages d’un type nouveau apparaissent : les professeurs-entrepreneurs pour qui l’ancrage dans une université offre la promesse d’un enrichissement rapide. Ces universitaires consacrent le plus clair de leur temps à leurs entreprises commerciales. L’affiliation universitaire leur procure la crédibilité scientifique, un point de chute en cas d’échec, et surtout la possibilité de privatiser les revenus tout en socialisant les dépenses..."
-Passé et passif de l’enseignement supérieur américain:
"... seules trente-cinq universités acceptent moins d’un étudiant sur quatre ; les cent premières en retiennent un sur deux ; la majorité est ouverte à tous. Plutôt que de garantir la qualité globale de l’enseignement, ce système de sélection légitime l’importance des moyens accordés aux établissements d’élite, qui ne représentent que 1 % à 2 % de l’ensemble. Les dix mieux dotés se sont attribué la moitié de l’augmentation des dons privés en 2006 ; l’université californienne Stanford, qui dispose déjà d’une dotation en capital (endowment) de 14 milliards de dollars, a récemment lancé une campagne afin de recueillir 4,3 milliards de dollars supplémentaires. On le voit, la sélection permet surtout d’assurer à une petite élite des ressources quasi illimitées. Une version informelle, à l’américaine en quelque sorte, des « grandes écoles » françaises . Le fait « d’aller au college », qui fut longtemps le dénominateur commun par excellence de la société américaine, sert aujourd’hui de loupe dévoilant l’inégalité croissante du système social (lire « “Diversité” contre égalité ? »).La situation tranche avec celle des années de prospérité consécutives à la seconde guerre mondiale. Washington confiait alors aux universités publiques une mission de réduction des inégalités...
l’arrivée au pouvoir de la droite dans les années 1980 en appréciant les efforts qu’elle a déployés pour détruire cette social-démocratie à l’américaine, pour en limiter le coût et contrecarrer ses effets égalitaires. La « guerre culturelle » cibla d’abord les universités des Etats à forte tradition sociale. En attaquant le « politiquement correct » et d’autres courants de pensée produits par le monde universitaire, la droite chercha à entamer le pouvoir de la « nouvelle classe ». Ses attaques se concentrèrent sur les idées qui la caractérisaient le mieux : la lutte contre la discrimination raciale, le désir d’autonomie dans le métier. Mais elles mirent aussi en cause un « enfermement » scientifique qui ne répondait pas assez à la logique du marché, un savoir sans retombées économiques immédiates.-Cette guerre des idées passa par une guerre économique engagée contre les aspirations et les exigences de la nouvelle majorité éduquée. La fiscalité et la privatisation en furent les bras armés. Des crises de financement artificiellement orchestrées aboutirent à une diminution des fonds alloués au système public d’éducation. Car la réduction des budgets des universités d’Etat ne reflète pas une baisse des revenus des contribuables (et parents), mais un recul sensible de la part de l’impôt sur le revenu affectée à ces établissements publics d’enseignement supérieur que fréquentent 80 % des étudiants américains . Ils ont vu leurs budgets réduits d’un tiers depuis vingt-cinq ans. Pour l’université de Californie, qui se situa à l’avant-garde de la recherche, la chute est de 40 % depuis 1990.Afin de combler ce manque, les universités publiques ont eu recours au mécénat, en particulier pour financer des recherches spécifiques ; elles ont également sollicité plus de fonds privés et accru considérablement leurs frais de scolarité...."
-Au coeur des universités américaines -Agoravox (témoignage)
"Les universités américaines sont largement idéalisées outre-atlantique. En réalité, certaines dérives ont rendu cette expérience universitaire moins agréable, moins intéressante et beaucoup plus coûteuse qu’auparavant...."
-Délits d’initiés sur le marché universitaire américain:
"...Le processus d’exclusion sociale opère à tous les niveaux d’un système rodé à habiller une sélection de classe sous couvert de performance universitaire. L’exemple le plus flagrant d’une telle distorsion est le traitement de faveur accordé aux « legs » (legacies) par la plupart des institutions d’élite. Ce terme désigne le traitement préférentiel en matière d’admission dont bénéficient les enfants et petits-enfants des alumni (anciens élèves). Pour les enfants de ceux qui contribuent généreusement au fonds de dotation de l’université, l’admission est presque acquise, à moins qu’il s’agisse d’un élève incapable de feindre la moindre aptitude scolaire..."
- Class Rules: the Fiction of Egalitarian Higher Education (Peter Sacks)
-L'apprentissage de l'imbécilité dans la culture de l'argent (témoignage):
"... Et cela met en relief l’incapacité de l’enseignement étatsunien à produire des cerveaux équipés du strict nécessaire pour la survie démocratique : l’analyse et la capacité de poser des questions.En d’autres termes, je ne pense pas qu’une éducation sérieuse est possible aux É.-U. Tout ce que vous touchez dans les annales de la connaissance est un ennemi de ce système de commerce et de profit, à en perdre la raison. La seule éducation permise est celle qui adapte au statu quo, comme dans les écoles coûteuses, ou qui produit des gens pour maintenir et renforcer le statu quo, comme dans l’école publique où j’enseigne....
l’état de délabrement atteint par l’enseignement étatsunien est à la fois planifié et délibéré. C’est la raison pour laquelle nos médias réussissent si bien avec leurs mensonges..."
-Oubliez Harvard
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-Les universités américaines à la diète
-Les universités américaines dans la tourmente
Le texte de ce professeur est terrifiant et confirme nos pires craintes pour l'enseignement en France: Darkozy et Sarcos, dans un plan visiblement préparé de longue date, visent à "réformer" l'éducation publique française en ce sens.
RépondreSupprimerNous avons à l'évidence un bon nombre d'années de "retard" sur les USA dans ce domaine. Espérons que cette droite vendue à Baal l'argent n'aura pas le temps de mettre tous ses projets en application. Mais il faut continuer à se défendre pied à pied.
Merci pour ces textes édifiants.
Il ne serait pas incongru qu'un article sur Agoravox s'ensuivît, pour dessiller le plus d'yeux possibles...
Oui, nous avons "du retard"..!
RépondreSupprimerUn article, pourquoi pas?
Merci pour ta lecture et ton avis