jeudi 5 novembre 2009

Un passeur d'humanité

Le départ discret d'un chercheur d'exception










Un éclaireur à la recherche des invariants derrière la diversité humaine


Au delà des éloges de circonstances et des discours convenus, parfois simplificateurs, un homme complexe, parfois ambigü, partagé entre passion de l'humanité et pessimisme profond sur l'histoire
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[-J'ai eu l'honneur et le plaisir de suivre certains de ses séminaires, dans les années 60, et de faire un mémoire de Maîtrise sur sa pensée en rapport avec celle de Rousseau, qui le fascinait, celui du Discours sur l'Origine (les Notes, surtout)-Un homme impressionnant, mais affable et disponible,passionné par ses recherches et leur transmission.-MT]

-"... Depuis trois ou quatre cents ans que les habitants de l'Europe inondent les autres parties du monde et publient sans cesse de nouveaux recueils de voyages et de relations, je suis persuadé que nous ne connaissons d'hommes que les seuls Européens; encore paraît-il aux préjugés ridicules qui ne sont pas éteints, même parmi les gens de lettres, que chacun ne fait guère sous le nom pompeux d'étude de l'homme que celle des hommes de son pays. Les particuliers ont beau aller et venir, il semble que la philosophie ne voyage point, aussi celle de chaque peuple est-elle peu propre pour un autre. La cause de ceci est manifeste, au moins pour les contrées éloignées: il n'y a guère que quatre sortes d'hommes qui fassent des voyages de long cours; les marins, les marchands, les soldats et les missionnaires. Or, on ne doit guère s'attendre que les trois premières classes fournissent de bons observateurs et quant à ceux de la quatrième, occupés de la vocation sublime qui les appelle, quand ils ne seraient pas sujets à des préjugés d'état comme tous les autres, on doit croire qu'ils ne se livreraient pas volontiers à des recherches qui paraissent de pure curiosité et qui les détourneraient des travaux plus importants auxquels ils se destinent...
" (JJRousseau)
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-L'Encyclopédie de L'Agora: Claude Lévi-Strauss

L’hommage des anthropologues à Claude Lévi-Strauss | Mediapart:
"Depuis plus d'un demi-siècle, plusieurs générations d'anthropologues ont eu à se positionner face à la figure tutélaire de Claude Lévi-Strauss. Deux d'entre eux, Maurice Godelier et Laurent Barry, lui rendent un premier hommage.Né en 1934, directeur de recherches à l'EHESS, Maurice Godelier fut l'assistant de Claude Lévi-Strauss avant de devenir à son tour un très grand anthropologue, dont l'œuvre fut récemment récompensée par la très prestigieuse médaille d'or

du CNRS. Joint hier soir par téléphone depuis Athènes, il se souvient de Lévi-Strauss et souligne l'importance de sa contribution aux sciences sociales.

Maurice Godelier rend hommage à Claude Lévi-Strauss© (entretien Sylvain Bourmeau)

Né en 1964, Laurent Barry est maître de conférences à l'EHESS et membre du fameux Laboratoire d'anthropologie sociale, créé et longtemps dirigé par Claude Lévi-Strauss. Soixante ans après Les Structures élémentaires de la parenté, il a fait paraître cette année (directement en Folio) un ouvrage somme sur La Parenté, un objet longtemps délaissé par les anthropologues

Comment avez-vous rencontré l'œuvre de Claude Lévi-Strauss, puis l'homme ?Laurent Barry.- La plupart des étudiants découvrent l'œuvre de Lévi-Strauss par la lecture d'un ouvrage paradoxal, Tristes Tropiques (1955). Je parle d'ouvrage « paradoxal », dans la mesure où, s'il s'agit indéniablement du livre le plus populaire de Claude Lévi-Strauss et du plus facile d'accès, c'est aussi un ouvrage de renoncement. Après deux échecs successifs dans ses candidatures au Collège de France, Lévi-Strauss croit que sa carrière universitaire est dans une impasse. Il baisse les bras et renonce pour un temps à la démarche délibérément « scientifique » adoptée dans son Magnum opus, Les Structures élémentaires de la parenté (1949), pour se tourner vers un genre plus littéraire et personnel, et peut-être aussi plus en vogue dans les milieux intellectuels existentialistes ou marxistes qui dominent les lettres françaises des années 50. Cela donnera Tristes Tropiques.
Souvent, c'est bien longtemps après l'avoir lu que les étudiants qui poursuivent une carrière de sociologue ou d'ethnologue se décident à aborder le reste de l'œuvre de Claude Lévi-Strauss, quant aux autres, ils en restent généralement là.Or, c'est précisément par ce « reste » – qui est pour moi l'essentiel – que j'ai découvert Lévi-Strauss. Par un recueil d'articles, Anthropologie structurale, publié en 1958, qui prolongeait les enseignements des Structures élémentaires de la parenté (que je n'avais pas encore lu) en formalisant la notion de « structure ». C'est aussi dans ces textes (et dans Anthropologie structurale II publié quinze ans plus tard, en 1973) qu'on trouve exposé le plus clairement et le plus synthétiquement, il me semble, à la fois sa démarche méthodologique (celle du « structuralisme »), mais aussi la revendication lévi-straussienne visant l'autonomie et la spécificité de la démarche ethnologique vis-à-vis du long cortège des sciences sociales et de la discipline qui ouvrait alors la marche : l'Histoire.


-Claude Lévi-Strauss, la mort de l'ultime monument intellectuel du XXe siècle | Media:
  • «Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m'apprête à raconter mes expéditions.» L'incipit du plus connu de ses livres, Tristes Tropiques, condense admirablement l'œuvre de Claude Lévi-Strauss, qui vient de mourir à la veille de fêter son 101e anniversaire.

    Quoi de plus étranger, en effet, à la pensée de l'ethnologue que l'exotisme? Tout au contraire, l'auteur d'Anthopologie structurale proposera de lire les représentations, les mythes et les systèmes de parentés à la manière des linguistes, comme un texte dont on peut relever les régularités, les mathématiques souterraines qui engendrent les formes culturelles.

    Entretien avec Pierre Dumayet, 1971
    Avec Bernard Rapp en 1991
    (Vidéos INA)
    Comment comprendre, dès lors, qu'une approche, quasi grammaticale des civilisations ait fasciné depuis presque la publication de sa thèse (Les Structures élémentaires de la parenté, 1949) les lecteurs? Pourquoi les Bororos, Caduvéos et Nambikwaras visités par Lévi-Strauss, et pas, par exemple, Marcel Granet, sociologue qui a décrit les «Catégories matrimoniales et relations de proximité dans la Chine ancienne»? C'est qu'il a baigné d'esthétique, de poésie, de rêve, de philosophie et d'exigence éthique sa quête rigoureuse des invariants débusqués dans un récit ou une pratique sociale, sa recherche d'une logique implacable qui ordonne des mondes considérés jusqu'alors comme bigarrés, incompréhensibles voire barbares.

    Pierre Bourdieu: «Le fait de faire de l'anthropologie était un acte politique, une façon de donner des instruments conceptuels pour comprendre des choses qui semblent a priori incompréhensibles, injustifiables ou absurdes.»

    Pierre Bourdieu dans «Réflexions faites», 1988

    Au point que le chercheur, conscient qu'il participait lui-même à la destruction de ce qu'il décrivait aurait, dit-on, proposé de se renommer «entropologue», fauteur d'entropie, une dégradation irrémédiable des choses. «Ce que je constate, ce sont les ravages actuels. C'est la disparition effrayante des espèces vivantes (...). Du fait de sa densité, l'espèce humaine vit sous un régime d'empoisonnement interne. (...) Et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde que j'aime», déclarait-il en 2005.

    Campus, 2005
-Claude Lévi-Strauss, le cru et le QI | Mediapart:
"...Claude Lévi-Strauss est un souverain passeur : «"Chaque homme, écrit Chateaubriand, porte en lui un monde composé de tout ce qu'il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu'il parcourt et semble habiter un monde étranger." Désormais, le passage est possible. D'une façon inattendue, entre la vie et moi, le temps a allongé son isthme.» (2)
Il est surtout un écrivain raccord avec les modèles avoués par sa prose : Rousseau, Chateaubriand, Proust. Il est aussi gorgé de Baudelaire : «Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. Une civilisation proliférante et sur excitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums des tropiques et la fraîcheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects, qui mortifie nos désirs et nous voue à cueillir des souvenirs à demi corrompus.» (3)
Tristes Tropiques (1955) ne saurait être réduit à un récit de voyage. C'est une sorte d'herbier de la fin des temps, dans lequel l'auteur contemple «l'abîme que nous frôlons» sur fond de dialectique du même et de l'autre, de l'identité et de l'altérité, de l'universel et du particulier. Mais aussi et surtout de l'innocence et de la culpabilité, en un récit à la première personne du singulier, empli de fièvre et de fulgurances...."

-Lévi-Strauss sans formol
-Claude Lévi-Strauss, le goût de l'Autre
-Décès de Claude Lévi-Strauss
-Claude Lévi-Strauss - Wikipédia
-Levi strauss - Recherche Google
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-Lévi-Strauss : découvreur d'humanité

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