dimanche 13 juin 2010

Humour noir

...Et critique sociale

______-L'humour noir , politesse du désespoir »-(A.Chavée) ,est un genre difficile à manier. Mais par sa radicalité et son traitement judicieux de la répulsion-dérision, du sentiment d'horreur, de désespoir , à la limite de l'acceptable, il peut parfois, mieux que des discours édifiants ne suscitant pas de réaction, créer un choc émotionnel permettant une prise de conscience salutaire, parfois un plaisir purement esthétique neutralisant l'horreur (de la mort, le plus souvent), parfois une révolte nécessaire.

[Crédit dessin]
-Goubelle, dessinateur-





-"...Dans un monde sans Dieu, sans morale, sans haut ni bas, l'humour noir est la « politesse du désespoir », l'outil par lequel l'homme « polit » la conscience de son propre néant. Cette conception de l'humour noir se retrouve, à la fin du siècle, dans l'œuvre de Dominique Noguez : de toutes les couleurs de l'humour qu'il identifie dans L'Arc-en-ciel des humours, le noir semble bien être la couleur primaire, primordiale, dont toutes les autres ne sont que des reflets. Pour Freud, l'humour sert avant tout à déplacer ou rejeter l'affect douloureux ; mais, comme le dit Noguez, « le malheur se venge » : l'humoriste est un être profondément mélancolique, qui ne peut rire sans pleurer, et dont les larmes, en un cercle vicieux mais esthétique, sont à la source de son rire..."

______"Apprendre à mourir! Et pourquoi donc? On y réussit très bien la première fois." (Chamfort)
-"Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon grand-père qui me l'a vendue sur son lit de mort" (W.Allen)





.__________Jonathan Swift, l'auteur de Gulliver, est un exemple célèbre d'auteur pratiquant l'humour noir radical, avec un sérieux et un détachement glaçants

§-Dans un monde soumis à l'exclusion et à la famine, il suggère de réinsérer les pauvres dans le cycle économique, puisqu'ils sont des bouches inutiles qui coùtent cher, donc de "rationaliser la mendicité" ("Projet d'attribution d'insignes distinctifs aux mendiants...")
-Dans sa "Modeste contribution..", il suggère aux riches de consommer la chair de bébés, de toute manière en surnombre . En supprimant les enfants, on leur évite la fatale plongée dans la misère et le crime... "J'admets qu'il s'agit d'un comestible assez cher, et c'est pourquoi je le destine aux propriétaires terriens: ayant sucé la moëlle des pères, ils semble les plus qualifiés pour manger la chair des fils."
"Un altruisme dévorant ", en quelque sorte...(Tordjman)
_______________________________Mangez les bébés...pour leur bien!

§-Aujourd'hui, où on constate l'augmentation spectaculaire de l'espérance de vie , donc des problèmes liés au vieillissement , à leur coût social et à la question épineuse du paiement des retraites, la question peut se poser de l'"utilité" des vieux..
Ne pourrait -on pas, là aussi, envisager des solutions radicales?
__Bonne question pour s'interroger sur la valeur de la vieillesse et sa valeur sociale
_____________________Supprimer les vieux?...

§-Les appels à la sagesse écologique semblent très peu entendus, du moins à l'échelle de la planète et sur les problèmes les plus cruciaux. Les solutions apportées semblent si dérisoires et si tardives par rapport aux enjeux que l'on peut se demander si l'humanité ne compromet pas l'existence de la vie sur terre par détérioration irréversible des écosystèmes.
D'où le titre provocateur:
__________-L'Humanité disparaîtra, bon débarras!

De la difficulté de définir l'humour noir...
-"...la Modeste proposition rappelle davantage d'autres textes du XVIIIe siècle, produits de l'autre côté de la Manche, et qu'on ne songerait pas raisonnablement à classer dans la famille de l'humour, des textes comme Candide ou les pages de L'Esprit des lois consacrées à l'esclavage. De tels rapprochements montrent la frontière parfois mince entre humour noir et ironie (et entre humour et ironie en général) : mais lorsque la fonction pragmatique d'une page réside dans la dénonciation, l'analyse doit renoncer à l'étiquette humoristique.
La Modeste proposition, quoique remarquablement noire par l'alliance de son sujet et du ton détaché de son narrateur, reste en deçà de la sphère spécifique de l'humour noir. On lui préférera, comme exemples plus satisfaisants, des textes comme De l'assassinat considéré comme l'un des beaux-arts de De Quincey, ou « L'appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir » de Villiers de l'Isle-Adam . Ce dernier texte a un fonctionnement relativement similaire à celui de la Modeste proposition, puisqu'il s'agit d'une sorte de traité publicitaire parodique, vantant les bienfaits de la dite machine pour habituer les enfants à l'idée de la mort, et finalement éradiquer les désagréments liés au deuil et à la peur du néant dans la société moderne.
Mais alors que les pages de Swift aspiraient à avoir une efficace politique immédiate, celles de Villiers de l'Isle-Adam, si elles dépeignent une idéologie peu reluisante, fonctionnent néanmoins de manière plus gratuite et ne visent pas principalement à dénoncer. L'humour noir y trouve une certaine autonomie poétique, qu'il serait peut-être vain de chercher avant le XIXe siècle. Si l'énonciateur d'un propos ironique et celui d'un propos relevant de l'humour noir se ressemblent à bien des égards, c'est à cause de l'apparent détachement qu'ils affichent tous deux face à leur sujet (on songe encore une fois au condamné à mort de Freud, mais aussi au narrateur de Candide).
La différence fondamentale, encore une fois, réside dans la visée pragmatique du discours : l'ironie en a une, l'humour peut-être pas. Tout au plus dira-t-on avec Freud que l'attitude « pince-sans-rire », « flegmatique », de l'humoriste, joue un rôle dans un processus de désinvestissement affectif : une personne usant d'humour noir le ferait avant tout pour elle-même. En somme, une définition satisfaisante de l'humour noir devrait se faire à la croisée du thématique et du psychologique. La notion de désinvestissement doit pouvoir être généralisée : Freud en parle uniquement à propos du sujet qui ferait preuve d'humour face à son propre malheur, ce qui semble exclure l'humour noir « gratuit », celui d'un De Quincey par exemple. Mais peut-être peut-on parler dans de tels cas d'effet de désinvestissement dans les textes littéraires : l'humour noir fonctionne parce que le lecteur perçoit ce désinvestissement, non seulement chez le narrateur (comme dans certains récits d'Ambrose Bierce) mais aussi chez l'auteur, ou du moins l'implied author (ce qui exclut du champ un texte comme la Modeste proposition, où le lecteur perçoit clairement, sous le calme au premier degré du narrateur, l'ironie indignée qui perce). ..
" (P.Moran)
__________________
-André Breton « Anthologie de l'humour noir ».
-Pourquoi j'ai mangé mon père
-
Manuel du savoir-mourir
-Le charme discret de la bourgeoisie - Luis Bunuel

-Grand Prix de l'humour noir

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