La com' ou la littérature?
_Menaces sur l'enseignement de la langue
-« Bien sûr, le monde peut se passer de la littérature. Mais il peut se passer de l’homme encore mieux » (JP Sartre)
Quelques raisons de lire...
-Depuis un certain nombre d'années, tend à s'imposer, au gré des circulaires ministérielles, une conception de l'enseignement des lettres de plus en plus appauvrie, en quantité et en qualité:
réduction des heures d'enseignement du français au collège, plus ou presque plus de place pour l'histoire de la littérature( si nécessaire pour comprendre les influences ,les connexions des sensibilités, des genres,des styles), éclatement des approches par des études de textes coupés des oeuvres et des contextes, tendance à ramener la langue à un simple outil à valeur purement et seulement utilitaire, professionnelle (surtout dans l'enseignement technique).
A l'heure où la maîtrise de leur propre langue maternelle fait problème pour de nombreux élèves et de plus en plus de jeunes adultes, où les nouveaux moyens de communication dominent les échanges, tendant à appauvrir la communication, réduisant le vocabulaire, la maîtrise de la syntaxe, du style, de la sensibilité et de la capacité de s'exprimer avec justesse et précision, on abandonne de plus en plus, de renoncement en renoncement, les possibilités d' approfondir le rapport au monde et à soi, de développer le plaisir que peut donner le contact régulier avec l'oeuvre littéraire sous toutes ses formes.
Ces abandons sont les effets d'une société de plus en plus utilitariste et mercantile et renforcent la tendance où l'on produit des ingénieurs qui ne savent pas rédiger un rapport clair et bien écrit et ne lisent plus, des jeunes qui ne savent pas mettre des mots sur leurs émotions, sur leur vécu, et n'ont plus parfois que la violence verbale pour faire valoir leur point de vue.
Cercle vicieux: puisque "les élèves ne lisent plus", abaissons le niveau d'exigence. Une bataille perdue d'avance?...Surtout quand l'acte éducatif tend à devenir problématique.
Sans être passéiste ou puriste, on peut légitimement s'inquiéter d'une dérive qui menace la richesse de l'espace intérieur comme la qualité des relations culturelles et sociales. La scolastique souvent désséchante , qui prend trop souvent le pas sur le contact éclairé et vivant avec les oeuvres ne favorise pas l'"amour des lettres".
La littérature ne "sert à rien", mais comment ne pas reconnaître son importance vitale de ressourcement, d'ouverture, d'expériences uniques, de plaisir gratuit, quelle que soit sa forme ?
Vous avez dit "plaisir"?
"...Alors que tout sens de l'effort est présenté comme une contrainte insupportable, la sous-littérature trouve sa justification, pour les pédagogistes, dans un plaisir immédiat pour les élèves - comme si on ne pouvait éprouver aucune joie à triompher d'une difficulté ( le mot " plaisir " a disparu du BO 2000). A force de trop vouloir assister les élèves par des béquilles, on va finir par les amputer, alors que le but de tout enseignement est d'exalter en l'élève sa puissance d'être et d'agir. Dès lors que l'école a cessé d'être un sanctuaire et que l'extérieur et le monde du travail y ont pénétré, sa finalité n'est plus l'accroissement de la vie : "il s'agit [désormais] d'ajuster une pièce, de vérifier un chèque, de calculer une pression" (M. Henry). L'irruption de la "culture jeune" à l'école a rendu poreuse la frontière entre la vie privée de l'élève et la sphère publique. La lecture - voire l'écriture - privée des adolescents et leur intimité sont habilement récupérées par l'Institution qui se gardera bien de les guider vers une culture référentiaire commune. Les élèves ne sont plus que des particules atomisées et autofondées. Voilà où conduit le dogme de l'adaptation au "nouveau public" scolaire, à une atrophie et à un contrôle accru des élèves.__J.P. Le Goff analyse parfaitement ce que signifient lire et écrire : "La pédagogie, pour indispensable qu'elle soit, est démagogie lorsqu'elle dénie ce décentrement et l'effort qu'il implique, lorsqu'elle laisse penser que la culture ne serait qu'une simple réponse aux besoins et aux désirs des jeunes. […] En ce sens, la lecture et l'écriture comportent nécessairement au départ une dimension "fastidieuse" et une rupture avec la logique de la suprématie du "moi". […] Lire et écrire ce n'est donc pas d'abord "prendre du pouvoir" sur les autres et se débarrasser d'un lien de dépendance, c'est au contraire s'insérer dans un ordre symbolique commun qui constitue un héritage. […] Le langage est "tâche autant qu'héritage" ; les jeunes ne peuvent être d'emblée des créateurs et des novateurs, ils sont d'abord des héritiers. Une des missions essentielles de l'école est précisément de leur transmettre cet héritage." D'aucuns semblent considérer Rabelais, Molière ou Voltaire comme des "auteurs morts ou en bonne voie de l'être" et sous-entendent que Gargantua, L'Ecole des femmes et Candide, dont seraient indignes pour on ne sait quelles raisons et au nom d'on ne sait quels préjugés les élèves d'aujourd'hui (en tout cas s'il est avéré qu'ils sont incapables de les étudier à 16 ans, la responsabilité incombe aux précédentes réformes de nos "réformateurs" au collège, et surtout au primaire), doivent vite être enterrés au Panthéon. Au contraire les nouveaux programmes, jeunistes et "light", ont une fois de plus pour conséquence (pour charge ?) d'amoindrir les élèves, ce que confirme en particulier la disparition de l'histoire littéraire. -Pour résumer, une conception de l'enseignement de la littérature est donc mise à mal, celle d'un enseignement humaniste. On peut donc craindre que, à terme, les menaces qui pèsent sur l'enseignement littéraire ne se portent sur la littérature elle-même, car trouvera-t-on encore des lecteurs pour les œuvres majeures de demain ?.." (C.Billon)
Il est urgent de repenser l'enseignement du français
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