Certains faits divers, qui font beaucoup de buzz, fonctionnent comme des paravents ou des masques
___L'affaire Depardieu, celle d'Arnault et autres Mulliez ou Afflelou sont finalement plutôt anecdotiques.
Ce sont des arbres qui cachent une vaste et sombre forêt.
Le problème est celui, crucial, de la convergence fiscale, souvent réclamée, jamais réalisée, malgré les voeux pieux, les petits livres verts, dans une Europe qui se voulait solidaire...
Elle débouche sur des régressions économiques et sociales et entretient la zizanie entre pays
__________Pourtant "...la recherche d’une harmonisation fiscale figurait dans le Traité de Rome de 1957. La fiscalité indirecte, pour des impôts tels que la TVA, était la plus concernée_-("elle fait peser un risque sur l'équilibre des économies européennes, voire sur le sens du projet européen"). La fiscalité directe (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés…) l’était beaucoup moins
dans la mesure où la souveraineté des Etats était réaffirmée et où
l’unanimité était la règle pour l’adoption de tout amendement. Autant
dire qu’on figeait la situation.
Pourtant, on aurait pu espérer que les pays membres évoluent
progressivement sur la voie de l’harmonisation. Car il n’existe pas de
coordination économique possible en Europe sans rapprochement des
politiques fiscales. Pour construire et approfondir l’Europe, il fallait
en passer par la fiscalité.
Mais c’est tout le contraire qui se produisit. Un conseil des
ministres des Finances (Ecofin) en 1992 décida notamment que
l’harmonisation des régimes fiscaux des Etats membres, et notamment de
la fiscalité directe, n’était pas une condition nécessaire à
l’achèvement du marché intérieur. On s’en tiendrait, dans le meilleur
des cas, à la coordination.
Toutefois, dans la mesure où aucune contrainte juridique n’était
imposée, c’est bien le principe de concurrence qui l’emportait. Il
aurait fallu octroyer à la Commission européenne des compétences
spécifiques qui auraient permis de passer outre la règle de l’unanimité
pour faire converger les fiscalités en Europe. Mais pour conserver la
maîtrise de leur politique budgétaire, les Etats s’y opposèrent, et la
France ne fut d’ailleurs pas le dernier à poser son veto...
...le résultat est là: sans poursuite vers plus de convergence fiscale,
la coordination des politiques économiques en Europe est effectivement
en panne. Ainsi, les candidats à l’exil fiscal peuvent-ils applaudir à la
construction européenne qui leur permet d’utiliser en toute légalité les
différentiels de fiscalité des pays membres et les mettre en
concurrence au nom de la liberté de circulation des hommes et des
services à l’intérieur du Marché unique. Gérard Depardieu est de
ceux-là, comme beaucoup d’autres grandes fortunes pour qui «leur patrie
est leur compte en banque», selon les termes de Benoît Hamon, ministre
en charge de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation.
Toutefois, l’exil fiscal des particuliers n’est rien face à
«l’optimisation» pratiquée par les entreprises, à la limite de la
légalité mais pas franchement hors-la-loi. Google, au cœur d’une
polémique, ne fait rien d’autre que de très nombreuses entreprises, qui
s’établissent dans un pays pratiquant le dumping fiscal –à l’exemple de
l’Irlande qui n’applique qu’un taux de 12,5% d’impôt sur les sociétés.
Ensuite, le génie financier s’exprime dans les prix de transfert.
Les filiales implantées dans les pays où la fiscalité est la plus basse
ont tout intérêt à surfacturer leurs services aux consœurs du même
groupe installées dans des pays où la fiscalité est élevée. Ainsi, les
sociétés les moins imposées sont les plus bénéficiaires, et les plus
imposées n’enregistrent que des déficits ou presque. Enfin, un passage
par un paradis fiscal... et les administrations fiscales sont bernées..."
Nouvelle version des arroseurs arrosés...
L'Europe joue contre son propre camp.
"... L’histoire revient comme un boomerang à la tête de ceux qui l’ont faite.
Et de «découvrir» que les décisions auxquelles ils ont largement
contribué, contre toute critique, facilitent la fuite fiscale. Depardieu
pas bien? Evidemment! Mais pourquoi s’en offusquer quand on a soi-même
largement participé à cette construction politique qui depuis des années
permet aux multinationales de priver les recettes publiques de
centaines de milliards d’euros à l’échelle de l’Union et favorise les
délocalisations? Pourquoi aujourd’hui froncent-ils les sourcils au JT de
20 heures, après avoir accepté dans les années 1980 et 1990 une Europe
qui permet les holdings « boîtes aux lettres » au Luxembourg ou aux
Pays-Bas?.."
_____________________Les paradis, ces enfers citoyens, que l'on a répété maintes fois vouloir supprimer, ne se sont jamais mieux portés.
Certaines banques se spécialisent dans la pêche aux grosses fortunes sans que s'offusquent beaucoup les instances bruxelloises.
La concurrence n'est pas seulement fiscale, elle est aussi salariale, favorisant les délocalisations et affaiblissant les économies.
L'OMC, le bras armé de la concurrence dérégulée sans frontières, n'y voit rien à redire...
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