Il y a 80 ans...
__________L' arrivée de Hitler reste encore en partie une énigme historique.
L'énoncé des faits, depuis la fin de la guerre de 14 est relativement facile à établir.
Mais les causes profondes, les rapports de force et les objectifs masqués des protagonistes affichés ou secrets, l'entrelacement des passions et des intérêts restent encore largement à décrypter.
Les desseins d'un homme seul, arrivant par sa seule volonté au pouvoir, conforme au discours officiel du régime, ne sont absolument pas explicatifs mais relèvent d'une histoire "héroïque" naïve.
Les manuels évoquent les divisions et les erreurs de la gauche, la faiblesse d'une jeune démocratie, l'humiliation de la défaite et du Traité de Versailles, la renaissance du militarisme, l'occupation de la Ruhr, les erreurs de Brüning...
Mais tous ces ingrédients n'auraient pas à eux seuls contribué à conduire à l'aventure hitlérienne. Il aura fallu une succession de crises, monétaires, puis productives, un chômage massif.
Les causes économiques sont souvent mises en avant, notamment les conséquences de la crise économique et l'hyper-inflation allemande sous la république de Weimar, mais on les considère souvent comme importantes, sans plus, sans voir que le soutien final des groupes financiers et des industriels les plus puissants fut l'élément décisif dans la consécration du futur Chancelier.
On peut noter l'importance du 30 janvier : Le 4 janvier 1933, l'ancien chancelier von Papen et le banquier von
Schroeder rencontrent Hitler à Cologne afin de définir un projet de
gouvernement. Quelques jours plus tard, Hugenberg se rallie lui aussi à
la solution Hitler. Von Papen arrive alors à convaincre Hindenburg que
la nomination d'Hitler à la tête d'un gouvernement au sein duquel
figureraient les principaux représentants de la droite nationaliste
permettrait tout à la fois de "domestiquer les nazis" et d'obtenir une
majorité à l'Assemblée. De leur côté, les principaux représentants des
milieux financiers et industriels allemands (Krupp, Thyssen, Siemens,
Schacht) envoient à Hindenburg une adresse lui conseillant d'appeler
Hitler au pouvoir. Le 28 janvier 1933, Hindenburg demande à von
Schleicher sa démission. Deux jours plus tard, il nomme Hitler
Chancelier du Reich.
___Le 30 janvier, Hitler prend le pouvoir et le 1er février il déclare: « Donnez-moi quatre ans et vous ne reconnaîtrez plus l'Allemagne ». Effectivement, ce fut un champ de ruines..
Sa résistible ascension a connu bien des complicités, des atermoiements et des réticences avant de connaître l'accord fondamental des forces économiques qui comptaient. Mais, elle aurait pu être tuée dans l'oeuf.
.Dés1923, le patron sidérurgiste Stinnes disait à l’ambassadeur
américain : « Il faut trouver un dictateur qui aurait le pouvoir de
faire tout ce qui est nécessaire. Un tel homme doit parler la langue du
peuple et être lui-même un civil ; nous avons un tel homme . »
Avec la crise économique de 1929, ces mêmes cercles ont décidé de
miser sur le parti de Hitler qui a reçu de leur part un soutien accru.
Sans leurs millions, Hitler ne serait jamais devenu aussi important.
___Le 19 novembre, des banquiers, de grands industriels et de grands
propriétaires terriens demandent au président Hindenburg de nommer
Hitler à la chancellerie. La rencontre entre le Premier ministre en
exercice von Papen et Hitler dans la villa du banquier von Schröder le 4
janvier 1933 a scellé les arrangements qui ont conduit au 30 janvier
1933.
Certains patrons ont encore des doutes sur la capacité d’Hitler
à contrôler son arrière-ban, chauffé par des discours démagogiques
contre le grand capital. Mais Hitler les rassure. Le 20 février 1933, il
reçoit le gratin du grand capital allemand. L’aile dite anticapitaliste
du parti, qui avait cru à la démagogie de Hitler et pensait que les
nazis prendraient aussi des mesures contre le grand capital, est
éliminée. Pendant la nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934, Hitler
fait assassiner 1 000 cadres de ses propres sections d’assaut (SA).
Ce sont les Thyssen, Krupp, Siemens et autres qui ont déterminé la
politique économique de Hitler. Il suffit de voir la composition du Haut
comité économique sous le gouvernement nazi. Nous y trouvons Gustav
Krupp von Bohlen, roi de l’industrie d’armement, Fritz Thyssen, baron de
l’acier, C. von Siemens, roi de l’électricité, Karl Bosch, de
l’industrie des colorants.
Le gouvernement Hitler bloque les salaires au niveau très bas de
1932, où ils étaient arrivés en raison de la crise. Les travailleurs
sont privés de tous leurs droits et menacés d’emprisonnement dans un
camp de concentration en cas de grève.
La loi nazie du 15 mai 1934 limite la liberté de changer d’employeur.
Un livret de travail est introduit en février 1935. Sans ce document,
aucun travailleur ne peut être engagé. Tout comme en Belgique au 19e
siècle, un ouvrier qui désire travailler ailleurs peut en être empêché
par son patron si celui-ci détient son livret de travail....
_______C’est au cours de l’année
précédente que le mouvement de ralliement de la grande bourgeoisie
au nazisme commença à se développer. " Le premier
trimestre 1932 marque ainsi un ralliement massif, sinon général
du grand patronat industriel à une solution politique dont les principaux
bénéficiaires seraient les nazis. (…) le 26 janvier 1932,
le banquier von Schröder, mécène de longue date du NSDAP,
organise à Düsseldorf une rencontre entre le dirigeant nazi
et environ 300 représentants du monde industriel. La partie n’est
pas jouée au départ, car beaucoup n’ont jamais eu le moindre
contact avec Hitler et se montrent plutôt méfiants à
son égard. Or, en deux heures, le führer emporte l’adhésion
enthousiaste de la majorité de l’assistance. Sur le conseil de Thyssen
et de Schacht, il a troqué la chemise brune contre le complet bleu
marine et le discours qu’il prononce est un modèle d’habileté,
à la fois rassurant pour le patronat, dont l’autorité sera
non seulement maintenue mais renforcée par un gouvernement national-socialiste,
et prometteur d’un avenir grandiose. Les diatribes contre le pacifisme
et l’hommage rendu à l’armée ne peuvent laisser planer aucun
doute dans l’esprit de ses auditeurs : la politique des nazis sera une
politique de réarmement et d’autarcie, ce qui ne peut déplaire
aux producteurs de charbon et d’acier auxquels il s’adresse. Pour conclure,
après avoir fustigé l’égalitarisme et la démocratie,
Hitler brosse un tableau en noir et blanc du présent et du futur
de l’Allemagne : " Aujourd’hui, nous nous trouvons au tournant du destin
allemand. Si l’évolution actuelle se poursuit, l’Allemagne sombrera
forcément un jour ou l’autre dans le chaos du bolchevisme, mais
si une évolution est brisée, notre peuple sera pris dans
une discipline de fer. " Il est ovationné. "
Dès le début de l’année
1933, ce mouvement de rapprochement va enfin connaître son dénouement,
et l’alliance nouée entre le mouvement hitlérien et les deux
principales fractions de la classe dirigeante traditionnelle.
Par intérêt et anticommunisme à courte-vue, Londres et Wall Street ( dont Prescott Bush et H.Ford) ont aussi contribué indirectement à mettre Hitler au pouvoir.
L'aide de goupes industriels américains à l'effort de guerre nazi, jusqu'en 1942, commence à être bien connue.
__Les accoucheurs du Führer
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