La brèche
_________ Hier soir, Elise Lucet nous a heureusement surpris sur Antenne 2.
Sa pugnacité enquêtrice sur un sujet d'intérêt national a tranché sur le caractère timoré des habituelles prestations de ce genre.
Son émission courageuse, malgré l'excès d'effets de scène, trop de lenteurs, de détours inutiles, de propos superfétatoires, d'un certain mélange de problèmes (l'évasion fiscale n'est pas le lobbying) s'est faite remarquer par son audace journalistique.
Il est vrai que cette question de l'énorme évasion fiscale commence à agiter certains gouvernements, hantés par leur popularité et les urgences budgétaires.
Les montages exotiques et les acrobaties financières des enfers citoyens commencent à devenir trop connus, suscitent la colère dans le contexte d'austérité, et on ne peut plus rester à la traîne de Washington, qui a ouvert quelques brèches. Il faut donc arrêter l'évasion.
Les fraudes et les paradis fiscaux concernant des particuliers (« Plus de 100 000 personnes dans 170 territoires sont concernées », rappelle le Guardian), certaines entreprises et des banques sont dans le viseur. (*)
__En France, on commence enfin à s'agiter..dans le bon sens. L'affaire Cahuzac n'y est pas pour rien...
"...Le compte-rendu du conseil des ministres annonce un gonflement des effectifs « de
la justice, de la police, et de l’administration fiscale pour lutter
contre les fraudes fiscales les plus complexes et les réseaux de
blanchiment ».
Renfort attendu : 50 enquêteurs de police judiciaire, 50 magistrats
et 50 inspecteurs du fisc. L’annonce sera forcément reçue comme une
bonne nouvelle par les principaux intéressés, mais aussi par tous ceux
qui multiplient, ces derniers jours, les propositions pour muscler la
lutte anti-fraude. Yan Galut, député PS du Cher et cofondateur de la
gauche forte, a ainsi déposé lundi 8 avril une proposition de loi
en ce sens avec une vingtaine de députés ; le parti socialiste a aussi
examiné la question lors de son bureau national mardi 9 avril ; les
Verts et le PCF ont annoncé leur intention de se saisir du sujet ; une
mission d’information sur les paradis fiscaux est enfin en cours à
l’Assemblée, sous la houlette d’Alain Bocquet (PC) et de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République). Tous appellent en choeur à
renforcer les moyens disponibles...
A priori, la mesure ne peut qu’être saluée. Néanmoins, les syndicats de
policiers et de magistrats accueillent plutôt cette annonce avec
circonspection : ils attendent de voir s’il s’agit vraiment de créations
de postes ou de simples redéploiements ou réaffectations d’effectifs,
comme cela se passait sous Nicolas Sarkozy, ou l’on déshabillait Pierre
pour habiller Paul...
. Sous l’impulsion des États-Unis, et sous la pression des révélations de l’initiative « Offshore Leaks »,
les pays européens les plus réticents, farouches défenseurs du secret
bancaire, sont en train de craquer. Après le Luxembourg, lundi, c’est
l’Autriche qui a indiqué mardi qu’elle devrait céder à ce modèle d’ici
le 1er janvier 2015.
Par ailleurs, le gouvernement a rappelé qu’il soutenait les
initiatives internationales, menées par l’OCDE à la demande du G20, pour
lutter contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises. Google,
Apple ou Starbucks sont dans le collimateur international parce qu’ils
sont passés maîtres dans l’art de ne pas payer d’impôt, en jonglant avec
les filiales judicieusement placées dans des paradis fiscaux (lire notre article). Un « avantage indu » fortement dénoncé par l’OCDE, qui devrait être abordé lors de la prochaine réunion du G20 qui s’ouvre demain..."
________Un tournant semble donc se concrétiser pour rendre possible une lutte frontale contre les enfers fiscaux.
Si on veut percer l'opacité en quelques années (ce qui ne peut se faire sans collaboration internationale étroite), on pourrait en France résorber le déficit.
Des mesures efficaces pourraient rapporter 30 à 50 milliards d'euros.
Mais les volontés politiques seront-elle assez fortes, assez constantes et convergentes? Le chemin va être long.
__Optimisons...le combat!
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(*)_"... Les sociétés financières, les hedge funds et les fonds d’investissement sont les grands utilisateurs des paradis fiscaux. Ils
connaissent sur le bout des doigts les méthodes pour échapper à l’impôt,
faire circuler l’argent de structure offshore en structure offshore
pour le mettre à l’abri des regards. L’opacité et le secret permettent
toutes les pratiques inavouables, les détournements, les corruptions
qu’officiellement, ils se sont engagés, charte déontologique à l’appui, à
bannir.
Le plus grand mérite des révélations de l’ICIJ est de mettre en
lumière le rôle des intermédiaires. Banques, avocats, notaires,
conseillers fiscaux, auditeurs, experts-comptables, c’est une véritable
industrie qui travaille au service des trous noirs de la finance. Tous
ces professionnels ont pignon sur rue, entendent afficher une parfaite
honorabilité. Mais dans les arrière-cours, ils emploient des escouades
de salariés dont la mission est de tricher, truquer, blanchir l’argent
sale, inventer les montages les plus sophistiqués pour faire évader
l’argent, tout en semblant afficher la plus stricte légalité.
Le Monde
a révélé le rôle obscur de certaines filiales de BNP Paribas et du
Crédit agricole dans les îles Vierges britanniques et dans les îles
Cook, servant de havres pour les entreprises fraudeuses. Sur son site
internet, la branche de gestion de fortune de BNP Paribas n’hésite pas à
vanter son savoir-faire dans l’instauration de trusts ou de fondations
dans les paradis fiscaux. C’est dire le sentiment d’impunité qui règne
dans le monde bancaire sur le sujet..."
[- Des ravages des paradis fiscaux par Nicholas Shaxson]
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_Paru dans Agoravox
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