La vitesse est dépassée?
C' est ce qu'on entend dire...Mais on n'a plus le temps...,de moins en moins, semble-t-il.
L'accélération est partout , des rythmes de vie aux TGV et aux flux financiers.Le trading haute-fréquence menace les équilibres boursiers, le TGV, pour un gain d'un quart d'heure, joue parfois dangereusement avec la sécurité, le stress quotidien perturbe l'équilibre psychique.
___Dans les faits, combien ont l'impression de passer à côté de leur vie, surtout en milieu urbain et dans beaucoup de conditions de travail actuelles, où la rentabilité (qui inclut la vitesse) est la norme, où les conditions de déplacement (liées au prix de l'immobilier obligeant à se loger loin de son travail) sont souvent stressantes et chronophages, où les tâches parfois inutiles mangent la vie et où parfois les loisirs eux-mêmes sont vécus fébrilement, où l'informatique et ses applications diverses donnent l'impression d'un suivi constant? Les règles insidieuses de la pression consommatrice imposent le devoir de consommer des produits souvent inutiles dont on pourrait manquer...Le manque: donnée centrale. Manque de temps.Manque de temps pour aller faire les soldes, pour répondre à l'abondance des e-mails, pour suivre les sollicitations de son portable, pour parler à ses enfants, les écouter...
On vit montre en main. Le temps semble de moins en moins contrôlé. Effet psychologique de structures qui nous imposent leur rythmes, le temps étant ce qu'il est: subjectivement, la durée vécue. Habiter le temps devient rare.
Nos sociétés sont malades de la vitesse
" ... le phénomène historique de l’accélération fut au départ porté par des sociétés occidentales, qui l’appelaient de leurs vœux, y voyant une promesse de progrès et d’autonomie. Mais, désormais, il court-circuite les institutions et les cadres politiques grâce auxquels il a pu se déployer. Il devient une « force totalitaire interne à la société moderne », dans le sens d’un principe abstrait et omniprésent auquel nul ne peut échapper. Dans son quotidien, l’individu a l’impression de ne faire qu’« éteindre le feu », sans jamais pouvoir prendre du recul sur sa propre vie ; et, au niveau collectif, les communautés politiques perdent la maîtrise de leur destin. Paradoxalement, cette course folle s’accompagne alors d’un sentiment d’inertie et de fatalisme...
Si, au cours des dernières décennies, le travail s’est intensifié et tend, pour certaines catégories de salariés, à envahir la sphère personnelle, sa durée officielle n’a cessé de baisser depuis le début de l’époque moderne. Les sujets ont donc plus de temps libre, mais ils n’en sont pas moins emportés par le rythme infernal de la vie collective. En outre... ils consacrent souvent leurs loisirs à des activités de peu de valeur à leurs propres yeux, comme regarder la télévision : ils souffrent d’une sorte d’inhibition à faire ce qu’ils ont réellement envie de faire.
Rien d’étonnant à cela. Car le problème du temps n’est pas seulement quantitatif — on en manque toujours —, mais aussi qualitatif : on ne sait plus l’habiter, l’apprivoiser. La conception que l’on s’en fait a été forgée par l’éthique capitaliste, à l’origine d’inspiration protestante, mais largement sécularisée : il est une ressource abstraite qu’il s’agit de « mettre à profit de manière aussi intensive que possible ...
La logique de rentabilité et de compétitivité, propre à l’activité économique (« la concurrence ne dort jamais »), s’étend à tous les domaines de la vie. Le temps libre, d’autant plus précieux qu’il a été gagné, doit lui aussi être géré efficacement ; mais cette réticence à courir le risque de le dilapider a de lourdes conséquences. Il en résulte un handicap qui, pour le coup, est également partagé du haut en bas de l’échelle sociale : « Pas plus que l’exploiteur, l’exploité n’a guère la chance de se vouer sans réserve aux délices de la paresse », écrit Raoul Vaneigem. Or, « sous l’apparente langueur du songe s’éveille une conscience que le martèlement quotidien du travail exclut de sa réalité rentable » ... si l’on veut reprendre la main sur le cours de l’histoire individuelle et collective, il faut avant tout se dégager des « ressources temporelles considérables » pour le jeu, l’oisiveté, et réapprendre à « mal » passer le temps.
Ce qui est en cause, ajoute-t-il, c’est la possibilité de « s’approprier le monde », faute de quoi celui-ci devient « silencieux, froid, indifférent et même hostile » ; il parle d’un « désastre de la résonance dans la modernité tardive ». La chercheuse Alice Médigue, elle aussi, identifie un « phénomène de désappropriation » qui maintient le sujet contemporain dans un état d’étrangeté au monde et à sa propre existence.."
La vitesse dévore notre temps, comme le symbolise le mythe de Chronos.
"Un poète grec du temps de Ciceron, Antipatros, chantait l'invention du moulin à eau (pour la mouture du grain ) : il allait émanciper les femmes esclaves et ramener l'âge d'or. (...) Hélas ! les loisirs que le poète païen annonçait ne sont pas venus ; la passion aveugle, perverse et homicide du travail transforme la machine libératrice en instrument d'asservissement des hommes libres : sa productivité les appauvrit " (Paul Lafargue)
La sieste serait-elle un remède?
Encore faut-il avoir le temps...
"Il n’est point de problème qu’une inaction prolongée ne puisse résoudre ». (Les Shadocks)
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