Miracle ou mirage?
La fausse bonne idée continue d'agiter le petit monde politico-économique.
L'exploitation du gaz de schiste commence à susciter des résistances en Grande-Bretagne (1), alors que David Cameron réitère son soutien. Son "geste fiscal" fait scandale.
L'UE reste dans la plus grande ambiguïté.
En France, les projets sont toujours gelés.
Le Conseil Constitutionnel vient d'entériner l'interdiction de la fracturation hydraulique et met fin "à un feuilleton juridique lancé par la compagnie texane Schuepbach
depuis dix mois. Après l'annulation, en octobre 2011, de ses
deux permis miniers du sud de la France, le pétrolier avait posé en
janvier 2013 auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise une
question prioritaire de constitutionnalité (QPC), transmise au Conseil d'Etat puis au Conseil constitutionnel."
La Pologne revoit à la baisse ses objectifs et aux USA, on s'interroge..
____Le doute s'installe
"... Même aux Etats-Unis, le seul pays qui exploite à large échelle les gaz
et huiles de schiste, la productivité des puits et le taux de
récupération font encore débat. Dans son rapport Golden Rules for a Golden Age of Gas, l'Agence internationale de l'énergie propose ainsi deux scénarios futurs, un haut qui voit la production de gaz de schiste grimper jusqu'en 2035, et un bas, qui prévoit une production qui croît jusqu'en 2017 avant de revenir aux niveaux de 2010. Avec d'autres facteurs qui interviennent, tels que
le coût de l'extraction et l'opposition d'une partie de l'opinion, rien
ne garantit que l'Oncle Sam tirera toujours autant profit de son sous-sol..".
En France, le PDG d'Axa prône l'exploitation, alors que les estimations ne sont pas fiables.
Mais le lobbying ne faiblit pas.
Jacques Julliard qualifie d'«environnementalistes en peau de lapin» ceux qui contestent les vertus de la prospection en ce domaine.
Or les choses sont moins simples que ce que pense le journaliste:
"En juin 2011, une enquête du New York Times révélait déjà
quelques fissures dans la construction médiatico-industrielle du «boum»
des gaz de schiste, en ébruitant les doutes nourris par divers
observateurs quant aux effets d'annonce des compagnies pétrolières
soupçonnées de «surestimer délibérément et même illégalement le rendement de leurs exploitations et le volume de leurs gisements».
- Début 2012, deux consultants américains tirent la sonnette d'alarme
dans Petroleum Review, la principale revue de l'industrie pétrolière
britannique. Tout en s'interrogeant sur la «fiabilité et la durabilité des gisements de gaz de schiste américains»,
ils relèvent que les prévisions des industriels coïncident avec les
nouvelles règles de la Securites And Exchang Com-mission (SEC),
l'organisme fédéral de contrôle des marchés financiers. Adoptées en
2009, celles-ci autorisent en effet les compagnies à chiffrer le volume
de leurs réserves comme bon leur semble, sans vérification par une
autorité indépendante.
Pour les industriels, la
surestimation des gisements de gaz de schiste permet de faire passer au
second plan les risques liés à leur exploitation. Or la fracturation
hydraulique n'a pas seulement des effets délétères sur l'environnement,
elle pose aussi un problème strictement économique, puisqu'elle génère
une production à très faible durée de vie. Dans la revue Nature, un
ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique, David King,
souligne que le rendement d'un puits de gaz de schiste décroche de 60 à
90 % au terme de sa première année d'exploitation.
Une
chute aussi brutale rend évidemment illusoire tout objectif de
rentabilité. Dès qu'un forage s'épuise, les opérateurs doivent à toute
vitesse en creuser d'autres pour maintenir leur niveau de production et
rembourser leurs dettes.
- Dans une étude publiée par la
revue Energy Policy, l'équipe de King parvient à la conclusion que
l'industrie pétrolière a surévalué d'un tiers les réserves mondiales
d'énergies fossiles. King récuse catégoriquement l'idée selon laquelle
l'exploitation des gaz de schiste pourrait résoudre la crise
énergétique.."
- Les spécialistes en placements financiers ne sont pas dupes non plus.
«L'économie
de la fracturation est une économie destructrice, avertit le
journaliste Wolf Richter dans Business Insider. Pour éviter que cette
dégringolade n'entame leurs revenus, les compagnies doivent pomper
encore et encore, en compensant les puits taris par d'autres qui le
seront demain. Hélas, tôt ou tard, un tel schéma se heurte à un mur,
celui de la réalité.»
- Arthur Berman, un géologue qui a travaillé pour Amoco, se dit lui-même surpris par le rythme «incroyablement élevé» de l'épuisement des gisements. Pour s'assurer des résultats stables, les exploitants vont devoir forer «presque
1 000 puits supplémentaires chaque année sur le même site. Soit une
dépense de 10 à 12 milliards de dollars par an... Si on additionne tout
cela, on en arrive au montant des sommes investies dans le sauvetage de
l'industrie bancaire en 2008. Où est-ce qu'ils vont prendre tout cet
argent ?»
Même Goldman Sachs se pose des questions...
Serait-on déjà passé de la panacée à la panique?
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-Publié dans Agoravox
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