On attendait une révolution
Il semble bien qu'on en soit loin.
Surtout en ce qui concerne les pratiques des laboratoires, leur lobbying, leurs produits et l'information qu'ils diffusent, directement et indirectement
Le mediator a été un tournant, mais la prise de conscience n'a été que très partielle et les mesures insuffisantes.
Tout le système pousse à la surmédicalisation, comme dans l'abus dans la prescription des statines, par exemple (question encore débattue)
Arte a diffusé récemment un document édifiant, montrant "Comment l'industrie pharmaceutique fabrique des malades à grand renfort de marketing avec la complicité des autorités et des médecins. Jusque
dans les années 1980, l'industrie pharmaceutique orientait ses
efforts vers la guérison des maladies existantes, même si les
pathologies affectant les populations pauvres, comme la malaria,
étaient négligées parce que peu rentables. Désormais, pour garantir
leurs retours sur investissement et recycler leurs médicaments, les
firmes inventent des pathologies, si possible chroniques. Une publicité déguisée en information médicale, doublée d'un
intense lobbying, se charge de les "vendre" au grand public et
aux praticiens. Ce film – auquel l'industrie a refusé de participer –
démonte les mécanismes d'une médecine sous l'emprise du marché...Comment
augmenter la consommation de médicaments ? En abaissant par exemple
la norme du taux de cholestérol afin de promouvoir des molécules,
qui, prises sans nécessité, comportent des risques sanitaires. Ou
en décelant dans la population féminine une nouvelle forme de dépression cyclique (le "syndrome dysphorique menstruel"), traitée avec une version recyclée du Prozac. Au Japon, la dépression constituait un
état rare, mais d'astucieux stratèges ont popularisé le concept
de "rhume de l'âme" et fait décoller le marché des antidépresseurs..."
Inventer des maladies pour vendre des médicaments, il fallait y penser...
Les labos sont en embuscade
En psychiatrie, en déshérence, les médicaments sont devenus la panacée. Les psychotropes règnent en maîtres. L'alliance avec les labos y est plus forte qu'ailleurs.
Nous sommes un des rares pays développés ou la formation des médecins
en pharmacologie soit à ce point négligée, et où leur formation post -
universitaire soit à ce point exclusivement dépendante de l’industrie
pharmaceutique.
C'est le savoir médical qui est lui-même sous influence.
Selon Mikkel Borch-Jacobsen, "... La recherche et l’information
médicales sont complètement sous influence pharmaceutique, à un degré
dont très peu de gens ont conscience. Ici en France, le public a été
très choqué par l’affaire du Mediator, qui a mis en évidence les liens
d’intérêts entre les laboratoires Servier et les experts qui étaient
censés évaluer l’efficacité et la sécurité de leurs médicaments.
L’affaire a été traitée sur le mode du scandale, c’est-à-dire comme une
transgression et une exception à la règle. Or cette affaire est bien sûr
scandaleuse – des gens sont morts – mais ce n’est nullement une
exception. Bien au contraire. L’affaire du Mediator
illustre une corruption de la biomédecine par l’industrie qui est
devenue tout à fait courante, pour ne pas dire systémique, à travers le
monde entier...
On a sciemment dissimulé ou minimisé les dangers présentés par les
antidépresseurs du type Prozac, par les antipsychotiques de seconde
génération, les traitements hormonaux de substitution, les
antidiabétiques Rezulin et Avandia, le médicament contre reflux
gastrique Prépulsid, les antalgiques opiacés comme l’OxyContin, les
coupe-faim «Fen-Phen» aux Etats-Unis ou le médicament contre le
cholestérol MER/29.
La liste de ces scandales sanitaires est littéralement interminable. À
chaque fois, des centaines, des milliers, voire dans certains cas des
dizaines de milliers de personnes sont mortes ou présentent de graves
séquelles. Or aucun de ces scandales n’aurait pu avoir lieu si les
procédures de contrôle scientifiques et régulatoires n’avaient pas été
défaillantes. On apprend régulièrement que les experts entretiennent des
liens financiers multiples avec les laboratoires produisant les mêmes
médicaments qu’ils ont à évaluer. Il en va de même pour les agences et
autorités sanitaires. Non seulement elles ne peuvent pas se passer des
experts pour effectuer leur travail, mais elles sont elles-mêmes en
perpétuelle situation de conflit d’intérêts.
Il faut savoir que la FDA américaine et l’OMS sont financées à 50%
par des fonds en provenance de l’industrie, l’agence européenne (EMA)
l’est à 70%, l’agence suédoise à 95%, et ainsi de suite. Comment veut-on
que ces institutions ne fassent pas preuve de bienveillance à l’égard
de ce «partenaire» privilégié qu’est pour elles l’industrie? Cela peut
aller très loin. L’épidémiologue et ex-député SPD Wolfgang Wodarg
raconte dans notre livre comment l’OMS s’est laissée complètement
manipuler par les fabricants de vaccins et d’antiviraux au moment de la
fausse alerte de pandémie de grippe H1N1....
Les Français n’ont pas besoin d’être alertés sur les méfaits de
l’industrie pharmaceutique, car ils sont devenus des «e-patients» qui
trouvent une information critique sur Internet. Peut-elle vraiment
ignorer que cette notion d’«e-patient» vient directement de
l’argumentaire des marketeurs de l’industrie? Ils la promeuvent
activement depuis plusieurs années (quelques exemples ici, là et là)?
Big Pharma ne demande pas mieux que les patients s’informent par eux-mêmes sur Internet, car c’est sur son
information qu’ils vont immanquablement tomber. Comme l’explique
l’expert en santé publique Antoine Vial dans notre livre, l’information
médicale a un prix et celle qu’on trouve sur les sites santé et réseaux
sociaux du web n’est gratuite et immédiate que parce que des labos ou
des agences de communication ont payé derrière pour placer tel ou tel
contenu ou pour obtenir telles ou telles données.
Face à une information gratuite, il faut donc toujours se demander
«Qui ?». Qui a payé pour le site de telle association de patients, pour
telle campagne de prévention? Qui a lancé le buzz au sujet de telle
pathologie, de tel médicament? Qui est derrière tel blog? Loin de
constituer un contre-pouvoir à la machine à désinformer de l’industrie
pharmaceutique, Internet est en permanence ventriloqué par elle. On ne
peut absolument pas faire confiance au Web pour obtenir une information
objective et de qualité sur les médicaments. Même l’encyclopédie en
ligne Wikipédia est manipulée..."
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