D'une grande banalité.
Trois fois rien: une petite armature de bois ou de métal soutenant un rideau, à une ou plusieurs places.
Un bout de tissu qui fait toute la différence.
Il est censé être le lieu où le secret du vote peut s'exercer, où un citoyen peut décider de son choix ultime à l'abri du regard d'autrui, loin de l'intimité familiale, de l'espace social, face à sa conscience et à l'intérêt général. Seul.
Il nous apparait aujourd'hui comme la normalité, s'imposant comme un objet indispensable, dont l'absence choquerait même un citoyen peu motivé.
Mais il n'a pas toujours existé. Il a fallu du temps pour l'imposer.
C'est une invention récente.
 " Il aura fallu attendre la loi de 1913, en France, pour son adoption qui 
alla de paire avec l'utilisation de l'enveloppe pour y glisser le 
bulletin de vote. Au préalable, l'électeur pliait en deux le bulletin de
 son choix et le 
donnait au scrutateur qui l'introduisait dans l'urne ce qui n'assurait 
pas réellement le secret du vote.."
          " Il aura fallu attendre la loi de 1913, en France, pour son adoption qui 
alla de paire avec l'utilisation de l'enveloppe pour y glisser le 
bulletin de vote. Au préalable, l'électeur pliait en deux le bulletin de
 son choix et le 
donnait au scrutateur qui l'introduisait dans l'urne ce qui n'assurait 
pas réellement le secret du vote.."Il a d'abord provoqué la risée des députés.
On prêtait même "avec une « douce hilarité », des caractéristiques bien mystérieuses à ce que Charles Ferry désignait comme une « chinoiserie ». Après l’avoir qualifié de « cabanon », « cabinet », « cellule » et « confessionnal laïque et obligatoire », ils l’assimilaient par dérision à « l’alcôve », symbole des ébats amoureux : « Un adversaire ira même jusqu’à anticiper le temps où les femmes seraient électrices pour s’inquiéter des rencontres furtives des deux sexes dans l’obscurité… » D’autres, moins libertins, comparaient l’isoloir à un « couloir d’écoulement » servant à évacuer « des mauvaises odeurs qu’il est facile d’imaginer ». Aux égouts, quoi..."
En Allemagne, il fut introduit plus tôt, en 1903
Il représente la garantie du secret du vote, loin du regard d'autrui, mais fut d'abord considéré avec méfiance par les notables.
Dans l'histoire du vote, il met fin aux pressions sur l'opinion, aux marchandages en tous genres
 Comme le souligne Garrigou, "En réalité, l’ironie des députés cachait surtout leur réticence à 
l’égard de la capacité universelle à voter. Ils doutaient d’autant plus 
de l’aptitude du peuple à faire le bon choix que le suffrage devenait 
incontrôlable : « L’ancienne procédure électorale du vote secret en 
public accomplissait en effet une fonction de contrôle censitaire du 
vote. Les électeurs restaient toujours sous les regards des membres du 
bureau de vote. En disparaissant derrière un rideau, l’électeur 
échappait provisoirement à tout contrôle ». Autrement dit, la « cabine »
 mettait en danger les hommes de pouvoir qui, pour être élu, avaient 
pris la fâcheuse habitude d’exercer des pressions sur les masses... 
Finis les votes à mains levées ou par acclamations, pendant lesquels 
l’unanimité était souvent la règle ! « Ainsi les débats […] 
dressèrent-ils un rideau de fumée d’où percent des logiques de classes 
sociales et des désaccords profonds, mais peu avouables, sur un 
principe : l’égalité des capacités politiques »
 Comme le souligne Garrigou, "En réalité, l’ironie des députés cachait surtout leur réticence à 
l’égard de la capacité universelle à voter. Ils doutaient d’autant plus 
de l’aptitude du peuple à faire le bon choix que le suffrage devenait 
incontrôlable : « L’ancienne procédure électorale du vote secret en 
public accomplissait en effet une fonction de contrôle censitaire du 
vote. Les électeurs restaient toujours sous les regards des membres du 
bureau de vote. En disparaissant derrière un rideau, l’électeur 
échappait provisoirement à tout contrôle ». Autrement dit, la « cabine »
 mettait en danger les hommes de pouvoir qui, pour être élu, avaient 
pris la fâcheuse habitude d’exercer des pressions sur les masses... 
Finis les votes à mains levées ou par acclamations, pendant lesquels 
l’unanimité était souvent la règle ! « Ainsi les débats […] 
dressèrent-ils un rideau de fumée d’où percent des logiques de classes 
sociales et des désaccords profonds, mais peu avouables, sur un 
principe : l’égalité des capacités politiques »Les manipulations en tous genres étaient monnaie courante auparavant, à la mairie comme au travail, à la ville comme à la campagne, lorsque le vote était institué.
Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'autres formes de pression qui savent s'exercer en dehors de l'espace du vote...
L'isoloir fut donc une conquête populaire, même s'il ne garantissait pas par lui-même, comme par magie, les choix éclairés, ce qui a fait dire à JP Sartre:
« L’isoloir, planté dans une salle d’école ou de mairie, est le symbole de toutes les trahisons que l’individu peut commettre envers les groupes dont il fait partie. Il dit à chacun : “Personne ne te voit, tu ne dépends que de toi-même ; tu vas décider dans l’isolement et, par la suite, tu pourras cacher ta décision ou mentir”. »
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