Histoire revisitée
On risque toujours d'être mal compris quand on remet en perspective historique les intentions et les conditions du débarquement américain, uniquement américain, sur les côtes normandes.
Celui qui eu lieu en Provence présentait un aspect différent.
Le storytelling est bien enraciné et continue à fonctionner, se renforçant à mesure de commémorations officielles où l'unanimisme conventionnel et quasi religieux s'impose, sur fond d'images d'Epinal.
Pourtant, on oublie que le général de Gaulle lui-même a refusé un moment que soit fêté l'événement. Il eut des mots très durs sur l'entreprise US, si l'on en croit Philippe de Gaulle qui disait dans son livre « De Gaulle, mon père »… « Mon
père le répétera souvent, les Américains qui sont morts en libérant la
France sont morts pour les États-Unis d’Amérique et pour personne
d’autre ».
De Gaulle ajoutait: « Le débarquement du 6 juin, ç’a été
l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient
bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme
ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire
en Allemagne !
Ils avaient préparé leur AMGOT qui
devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs
armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours
forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.....
Vous croyez que les Américains et les
Anglais ont débarqué en Normandie pour nous faire plaisir ? Ce qu’ils
voulaient, c’était glisser vers le nord le long de la mer, pour détruire
les bases des V1 et des V2, prendre Anvers et, de là, donner l’assaut à
l’Allemagne. Paris et la France ne les intéressaient pas. Leur
stratégie, c’était d’atteindre la Ruhr, qui était l’arsenal, et de ne
pas perdre un jour en chemin..."
Non pas qu'un hommage ne doive pas être rendu aux milliers de GI's, souvent mal préparés, qui ont laissé leur vie à Colleville ou à Epinal, dans des combats plus rudes que prévus sur un terrain difficile, malgré les leurres d'Overlord, mais les exigences historiennes exigent que soient éclaircis les buts de guerre élaborés à Wahington.
On oublie aussi souvent que les combats en Normandie dans les premiers jours firent plus de victimes civiles que de morts alliés.
Les recherches et études, souvent américaines, nous en apprennent un peu plus sur la nature des plans d'état-major qui furent à l'origine de leur entrée tardive sur le champ des opérations.
« Nous ne sommes pas venus en Europe sauver les Français. Nous sommes
venus parce que nous, les Américains, nous étions menacés par une
puissance hostile, agressive et très dangereuse… ». Formule sans ambiguïté tirée d’un opuscule que l’armée américaine distribuait à ses soldats, relevée aussi par Philippe de Gaulle.
Mettre fin au Reich déjà à genoux depuis Stalingrad et Koursk, contenir la progression soviétique, qui fut pourtant aidée puissamment en matériel. Le IIIe Reich a été vaincu dans les plaines russes.
Les USA ne voulaient initialement pas être des belligérants actifs. Ils
finirent par accepter que l’URSS, nouvel ennemi des Allemands, soulage
l’effort de guerre des Britanniques, qui rapportait beaucoup, même si
l’on ne croyait pas à un possible succès de l’Armée rouge. On commença
donc à fournir à Moscou les premières armes, moyennant paiement
comptant... "Un triomphe nazi sur les Soviétiques n’était plus souhaité
parce que cela se serait traduit par une mauvaise opération économique.
Une telle victoire hitlérienne aurait en effet asséché l’abondante
source de bénéfices que générait le prêt-bail."
Truman, au début
de l’opération Barbarossa, s’exprimait ainsi cyniquement : "Si nous
voyons l’Allemagne gagner, nous devrions aider la Russie et, si la
Russie est en train de gagner, nous devrions aider l’Allemagne, pour que
le plus grand nombre possible périsse des deux côtés."
Selon certains historiens (mais on ne peut refaire l'histoire...), la Seconde Guerre mondiale aurait pu prendre fin en 1943.
La préparation aux contacts avec la population française fut particulièrement orientée, comme le signale l’américaine Mary Louise Roberts, professeur à l’Université du Wisconsin-Madison. Le soldats furent conditionnés à rencontrer une population arriérée et des femmes jugées faciles, ce qui ne fut pas sans conséquences tragiques, pas seulement en Normandie.
L'image que donne du débarquement le film Le Jour le plus long tient du conte de fées. Ce qu'en montre (partiellement) Spielberg est plus proche de la réalité.
La face cachée des libérateurs ne fut connue que tardivement et les bombes alliées ne firent pas toujours dans le détail. Le bombardement du Havrefut inutile, celui de Caen reste encore discuté.
De plus, les anciennes collusions entre une élite industriels américaine et le régime nazi sont souvent passées souvent sous silence, par pudeur ou par atlantisme étroit.
Comme l'analyse l'historien belgo-canadien Pauwels, ce fut pour certains une bonne guerre. où de grands groupes industriels firent de bonnes affaires. Ford fut un admirateur de Hitler et le banqier Prescott Bush ne ménagea pas ses appuis.
En fait, l’attaque allemande contre l’Union soviétique n’aurait
pas été possible sans les produits pétroliers et le matériel militaire et de communication venant des USA (Opel, ITT...).
L’écroulement allemand sur le front Est, pas seulement les attaques des sous-marins allemands et l'attaque surprise de Pearl Harbor, entraîna la décision rapide
d’élaborer des plans pour une traversée de la Manche. Il fallait aider
Staline, "allié mal-aimé mais indispensable", mais aussi se préparer à
limiter ses succès et son avancée rapide possible vers l’ouest.
Dès 1941, Armand Bérard comprit les nouvelles orientations d'une guerre qui changeait de visage.
La monnaie d'invasion, conçue par les Américains, puis vite abandonnée, car critiquée par de Gaulle, témoigna de la volonté US d'administrer le pays, de contrôler une résistance française trop engagée à gauche, une France jugée trop incontrôlable, un de Gaulle dont on se méfiait, autant à Londres qu'à Washington.
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- Une falsification historique
"... Aussi longtemps que Hitler triomphait à l’Est, les américains lui ont
foutu une paix royale. C’est lorsqu’il est devenu faible, lorsqu’il
s’est avéré qu’il n’avait plus les moyens d’arrêter les progrès de
l’Armée Rouge qu’il est devenu pour les américains un problème. Toute la
réécriture de l’histoire de cette période repose sur un oubli
volontaire des dates et des faits. Tout le monde répète la vulgate
officielle, sans que personne n’ait la curiosité de se demander pourquoi
les américains, si épris de liberté, ont attendu l’été 1944 – moins
d’un an avant que les soviétiques atteignent Berlin, quelle coïncidence –
pour finalement intervenir en Europe...
... Dans sa lettre à Churchill du 8 mai 1943, Roosevelt résume parfaitement
sa vision de la France post-guerre : « Je suis de plus en plus convaincu
que nous devons considérer la France comme un pays occupé militairement
et gouverné par des généraux britanniques et américains (…). Nous
devrions garder 90% des maires nommés par Vichy et une grande partie des
fonctionnaires de base dans les municipalités et départements. Mais les
postes importants doivent être sous la responsabilité des commandants
militaires, américain et britanniques. Cela devrait durer entre six mois
et un an (…). Peut-être que De Gaulle pourrait devenir gouverneur de
Madagascar »...
... De Gaulle dit à Alain Peyrefitte le 30 octobre 1963 :
« Le
débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la
France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France
comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et
comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé
leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de
l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui
aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis. C’est
exactement ce qui se serait passé si je n’avais pas imposé, oui imposé,
mes commissaires de la République, mes préfets, mes sous-préfets, mes
comités de libération ! Et vous voudriez que j’aille commémorer leur
débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du
pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! Je veux bien que les choses se
passent gracieusement, mais ma place n’est pas là !
Et
puis, ça contribuerait à faire croire que, si nous avons été libérés,
nous ne le devons qu’aux Américains. Ça reviendrait à tenir la
Résistance pour nulle et non avenue. Notre défaitisme naturel n’a que
trop tendance à adopter ces vues. Il ne faut pas y céder !
En
revanche, ma place sera au mont Faron le 15 août, puisque les troupes
françaises ont été prépondérantes dans le débarquement en Provence, que
notre première armée y a été associée dès la première minute, que sa
remontée fulgurante par la vallée du Rhône a obligé les Allemands à
évacuer tout le midi et tout le Massif central sous la pression de la
Résistance. Et je commémorerai la libération de Paris, puis celle de
Strasbourg, puisque ce sont des prouesses françaises, puisque les
Français de l’intérieur et de l’extérieur s’y sont unis, autour de leur
drapeau, de leurs hymnes, de leur patrie ! Mais m’associer à la
commémoration d’un jour où on demandait aux Français de s’abandonner à
d’autres qu’à eux-mêmes, non !
Les Français sont déjà
trop portés à croire qu’ils peuvent dormir tranquille, qu’ils n’ont qu’à
s’en remettre à d’autres du soin de défendre leur indépendance ! Il ne
faut pas les encourager dans cette confiance naïve, qu’ils paient
ensuite par des ruines et par des massacres ! Il faut les encourager à
compter sur eux-mêmes !
Allons, allons, Peyrefitte ! Il
faut avoir plus de mémoire que ça ! Il faut commémorer la France, et non
les Anglo-Saxons ! Je n’ai aucune raison de célébrer ça avec éclat.
Dites-le à vos journalistes. »
Il reprend : « Ceux qui
ont donné leur vie à leur patrie sur notre terre, les Anglais, les
Canadiens, les Américains, les Polonais, Sainteny et Triboulet seront là
pour les honorer dignement. »...
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