Ou du silex au silicium
Vers l'homo numeris?
Les hommes se font en créant leurs outils. Ils se modifient en façonnant leur milieu et les moyens élaborés pour en exploiter les ressources et le transformer.
C'est ce qu'a bien montré Leroi-Gourhan à travers ses études sur le développement de l'outil dans la préhistoire.
Le processus se poursuit aujourd'hui en accéléré.
Grâce aux développements de l'informatique et de la cybernétique, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de la robotique (la robolution, pour le meilleur ou pour le pire...), qui se développe à grande vitesse, non seulement dans différents domaines industriels, mais aussi domestiques. Avec tous les problèmes que posent ses retombées au niveau social et économique.
Mais c'est aussi au coeur de l'humain que ces nouvelles technologies commencent à connaître et vont connaître leur plus spectaculaires développements, par une sorte d'hybridation progressive, soit de manière externe comme des aides fonctionnelles extérieures (médicales ou non), soit, plus subtilement et plus problématiquement, comme des éléments internes augmentant le pouvoir de telle fonction ou remplaçant une fonction défaillante, pas seulement dans une perspective médicale.
C'est cette nouvelle relation de la fonction (cardiaque, par exemple) et de l'appareil (pacemaker), voire du neurone et de la puce... qui pose le plus de problèmes. Les prothèses bioniques , le développement de l'IA font des avancées étonnantes, sans qu'on puisse pour l'instant assigner de limites a priori à cette course en avant, peu connue du grand public.
Là, les fantasmes abondent, de Edgar Poe à Asimov, les hommes ont aimé projeter des conceptions d'hommes modifiés ou créés de toutes pièces, représentant un saut qualitatif si inédit, une telle transformation, que ce processus se faisait sous le sceau de la malédiction, d'une aventure qui tourne mal...Le littérature et la filmographie ont exploité ce thème.
De nombreux mythes alimentent encore aujourd'hui la notion si discutée de l'homme augmenté
Certes, le Le futur déjà à nos portes, mais il importe de sortir du domaine des fantasmes ambigüs pour envisager sans appréhension celui de l'envisageable rationnellement, sur la base de ce qui est connu et réalisable aujourd'hui.
Or les cyborgs sont déjà parmi nous, sous des formes diverses, parfois inattendues, parfois discutables, souvent spectaculaires, selon un mode de développement qui n'est pas ou peu réfléchi, suscitant parfois des résistances et des craintes sans doute salutaires, propices à la réflexion sur les limites de notre maîtrise technologique. Crainte parfois de voire s'installer une irréversibilité dans certaines applications problématiques, où semblent s'effacer les frontières de l'humain.
"...Nous vivons à une époque où l’évolution technologique
semble s’accélérer à tel point que certains techno-prophètes y voit la
possibilité d’apparition d’une singularité (KURZWEIL, 2005). Celle-ci, à
l’instar d’un trou noir, limiterait notre horizon prédictif à seulement
quelques années. Dès lors, il s’ensuivrait des changements radicaux de
notre environnement et une évolution sans précédent de l’espèce humaine.
L’homme deviendrait alors un cyborg, une sorte de créature hybride
mi-homme mi-machine. Il pourrait même télécharger son esprit dans un
ordinateur, se débarrassant ainsi finalement de toute contrainte
organique.
Il
est vrai que le développement convergent des nanotechnologies, des
biotechnologies et des cybertechnologies laisse augurer des avancées
importantes dans les années futures (HEUDIN, 2008). S’il est encore
difficile d’estimer les retombées potentielles d’une telle convergence,
nul besoin de faire appel à une hypothétique singularité technologique,
petite fille de la Loi de Moore qui n’en demandait pas tant. L’histoire
des sciences et des technologies est coutumière des annonces
prophétiques, qu’elles prédisent un avenir radieux ou bien au contraire
l’apocalypse. Ces annonces sont intéressantes en tant qu’expériences de
pensée ou pour écrire des scenarii de films à grand spectacle, mais
elles ne font généralement pas de bons programmes de recherche..." (JC Heudin)
__________Quand nous serons tous des cyborgs...il sera trop tard, jugent certains, voyant les dangers d'un transhumanisme sans contrôle, dont le foyer de développement est pour l'instant surtout californien ( voir le site internet
de la Singularity University, fondée par l’informaticien Ray Kurzweil
en Californie. Un établissement privé, financé par Google et la Nasa,
qui ne délivre pas de diplômes officiels mais passe la bonne parole
transhumaniste à des chefs d’entreprise, chercheurs et autres têtes.
Kurzweil est par ailleurs membre du conseil d’administration du MIT
[Massachusetts Institute of Technology, l’un des plus célèbres centres
de recherches du monde, ndlr] et membre de l’Army Science Advisory
Board, chargé de conseiller l’armée américaine dans les domaines
scientifiques et techniques.). Une affaire de gros sous à la clé...
L'homme augmenté n'est pas qu'un rêve innocent...
Le biologiste J.Testard
fait une mise au point utile sur la faiblesse, l'irrationnelle et la
potentielle dangerosité de ces fantasmes si séduisants et puissants.
Le déraisonnable et l'inhumain nous guettent, prévient A.Kahn.
Les risques sont multiples, les nanotechnologies présentant notamment encore de nombreuses inconnues.
Un homme augmenté? Mais de quoi?...
Il est à craindre que ce qui pourrait être augmenté, c'est une part d'hubris inquiétante.
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-Relayé par Agoravox
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