mercredi 11 février 2015

Medias: retour sur investissement

La grande connivence
                                  La presse d'opinion est malade. 
                                                            On la dit même toujours mourante.
         Mais ce n'est pas pour autant que ses propriétaires bradent les titres, même si ceux-ci se réduisent comme peau de chagrin, si les contenus s'homogénéisent, se ressemblent de plus en plus. Sauf ceux qui, refusant les contraintes de la publicité et la pression de l'argent, s'exténuent à garder une certaine liberté de ton et d'analyse.
   Posséder un journal est d'une importance bien plus grande qu' économique.
        Il s'agit de faire l'opinion. Ou du moins de contribuer à la façonner, à l'orienter, à peser subtilement sur sa vision du monde et ses choix.

     Certes, il ne s'agit pas de faire de la propagande, comme à une certaine époque, mais de modeler les manières de voir  l'actualité, d'interpréter les événements majeurs, de leur donner un certains sens, de pratiquer insidieusement  une certaine autocensure...sur toutes les questions afférentes aux pouvoirs, aux intérêts économiques de premier plan.
        C'est ce qu'on a appelé le  journalisme de révérence, qui se garde bien d'aller trop loin dans la critique, qui s'ingénie à ne pas traiter frontalement les sujets qui nous intéressent au plus haut point, ou à en biaiser le sens.
       Une presse de connivence. Un métier qui a mal tourné, disent certains journalistes, regrettant le formatage parfois toxique d'une certaine presse, la servilité dans laquelle ils se trouvent parfois sur certains sujets sensibles, le silence qui leur est imposé.. Comme des chiens de garde.  Les exceptions deviennent rares. Les journalistes d'investigation indépendants, aux coudées franches, fondent comme neige au soleil.
         L'indépendance de la presse devient de plus en plus un mirage
  Alors, faire une critique des media en vue de les réformer a-t-il encore un sens et une portée?
          S'échiner à  ramer à contre-courant contre les mastodontes de la presse n'est-il pas devenu vain?
             La concentration s'accélère dans ce domaine, et pas dans le meilleur sens.
                                      Ces dix dernières années, Libération puis Le Monde ont cessé d’appartenir à leurs journalistes et ils appartiennent dorénavant l’un et l’autre à un banquier et à un industriel des télécommunications. Edouard de Rothschild puis Patrick Drahi dans le premier cas, Matthieu Pigasse et Xavier Niel dans le second.
Désormais, tout candidat à la direction du Monde comme de Libération est d’abord désigné par le (ou les) propriétaires du titre. Ce n’était pas le cas il y a quinze ans. Ainsi, alors même que la critique radicale des médias se développait, le rôle des actionnaires s’est considérablement accru presque partout. Et celui des sociétés de rédacteurs s’est réduit d’autant.
Pour le dire autrement, la liste des maîtres de la presse parisienne épouse aujourd’hui plus étroitement qu’il y a quinze ans le classement des milliardaires français.
- Les Échos de Bernard Arnault (1re fortune française),
- Le Point de François Pinault (3e),
- Le Figaro de Serge Dassault (4e),
- Libération et L’Express de Patrick Drahi (6e),
- Le Monde et Le Nouvel Observateur de Xavier Niel (7e),
- Direct Matin et Canal Plus de Vincent Bolloré (10e).etc...
        Malgré les pertes enregistrées et les aides de l'Etat, sans lesquels peu survivraient.
                    Par exemple, d’après ses propriétaires, Libération perdait l’année dernière chaque jour 22.000 euros, soit près de 16 % de son chiffre d’affaires. Serge Dassault aurait perdu avec Le Figaro 15 millions d’euros en moyenne par an depuis cinq ans. Bernard Arnault a accumulé plus de 30 millions de pertes depuis le rachat des Échos. Claude Perdriel tournait à 5 millions de déficit avant qu’il ne cède son Nouvel Observateur et Rue89 aux propriétaires du Monde qui, eux aussi, perdent de l’argent.
Pourquoi achètent-ils encore des titres de presse, quand ils savent que ça ne leur rapportera rien ?
Si Patrick Drahi, patron milliardaire de Numericable, a cependant décidé d’engloutir 14 millions d’euros dans le sauvetage de Libération, c’est qu’il en attend un autre retour sur investissement. Pour les géants de l’industrie du numérique, il s’agit d’acheter à bon prix des contenus pour leurs tuyaux. À terme, l’édition numérique de Libération pourrait, par exemple, devenir une prime offerte aux abonnés de Numéricable.
                         Les industriels et banquiers s’emparent de la presse même si ça ne leur rapporte plus rien. 
                         Et les journalistes sont d’autant moins en mesure de s’opposer à ces patrons et aventuriers que la presse va mal. .. Une presse qu’ils achètent à présent pour une fraction misérable du prix qu’ils auraient payé il y a quinze ans.
D’après ses propriétaires, Libération perdait l’année dernière chaque jour 22.000 euros, soit près de 16 % de son chiffre d’affaires. Serge Dassault aurait perdu avec Le Figaro 15 millions d’euros en moyenne par an depuis cinq ans. Bernard Arnault a accumulé plus de 30 millions de pertes depuis le rachat des Échos. Claude Perdriel tournait à 5 millions de déficit avant qu’il ne cède son Nouvel Observateur et Rue89 aux propriétaires du Monde qui, eux aussi, perdent de l’argent.
Pourquoi achètent-ils encore des titres de presse, quand ils savent que ça ne leur rapportera rien ?
Si Patrick Drahi, patron milliardaire de Numericable, a cependant décidé d’engloutir 14 millions d’euros dans le sauvetage de Libération, c’est qu’il en attend un autre retour sur investissement. Pour les géants de l’industrie du numérique, il s’agit d’acheter à bon prix des contenus pour leurs tuyaux. À terme, l’édition numérique de Libération pourrait, par exemple, devenir une prime offerte aux abonnés de Numéricable.
Mais ce n’est pas le seul motif.
« On y regarde à deux fois avant d’attaquer le patron d’un journal, rappelait Capital en août dernier. L’obscur boss de Numericable, Patrick Drahi, n’était qu’un "nobody" quand il est parti à l’assaut de SFR. Moyennant quoi, il fut attaqué sur tous les fronts : exil fiscal, holdings douteuses aux Bahamas, nationalité française incertaine... D’où Libération. Ce n’est pas TF1, bien sûr, mais l’effet dissuasif n’est pas nul. »
« Xavier Niel, poursuivait le même article de Capital, est, lui, passé du statut de pirate des télécoms à celui de membre de l’establishment depuis qu’il est devenu copropriétaire du Monde en 2010. Et cela à peu de frais : sa fortune varie chaque jour en Bourse de plus de 30 millions d’euros, la somme qu’il a investie dans le quotidien du soir. »
____A son époque déjà Françoise Giroud écrivait à sa manière::
                                                                                 Journaliste, je dépends de ceux qui possèdent les journaux. Attendre des représentants du capital qu’ils vous fournissent gracieusement des armes - c’est-à-dire en l’occurrence des journaux - pour s’élever contre une forme de société qui leur convient, et une morale qui est la leur, cela porte un nom : l’imbécillité. Mais la plupart de ceux qui travaillent dans les grands journaux sont, en gros, d’accord avec cette société et cette morale. Ils ne sont pas achetés ; ils sont acquis. La nuance est importante. Ceux qui ne sont pas achetés peuvent, en théorie, créer d’autres organes pour exprimer leurs vues. En pratique, les fonds nécessaires à la création d’une telle entreprise ne se trouvent pas dans les poches des révolutionnaires.
  ___Reste encore à actualiser un vrai projet pour une presse libre.
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