Au coeur de la polémique
Dans l'usine à gaz des institutions européennes, la Banque centrale européenne représente une IFMI (une institution financière mal identifiée).
Les récentes manifestations de la coalition Blockupy à Francfort, au pied du nouvel immeuble au coût pharaonique, rappellent aussi les critiques faites à l'égard de ses attributions, de son fonctionnement, de sa gestion technocratique et de l'idéologie qui l'inspire, de type ordolibéral.. ___ Critiques qui viennent même parfois de certains membres de l'institution elle-même et de ses propres salariés.
Mario Draghi ne fait pas l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire. Les tensions sont vives avec la Bundesbank notamment, obsédée par la culture de l'épargne et tétanisée par un risque même mineur d'inflation.
On a beaucoup reproché à Super Mario, l'ancien de chez Goldman Sachs, de s'être comporté en magicien , en injectant une masse considérable de liquidités pour relancer l'activité économique en Europe. Or, l'investissement ne se décrète pas.
C'est, a-t-on dit, comme si la BCE continuait à arroser le désert
Certes, elle n'est pas seule responsable de la politique d'austérité qui freine l'économie, mais elle y contribue fortement et ses décisions parfois erratiques brouillent sa perception. Et une banque communautaire ne peut avoir de sens que dans un cadre fédéral (objectif inatteignable?), pas dans le contexte de pays en concurrence entre eux, sans réelle solidarité ni volonté de convergence fiscale, salariale, sociale.
___________Comme le dit Edwin Le Heron: "La BCE devrait avoir des comptes à rendre":
"...L'ordolibéralisme et la pensée économique dominante considèrent, à tort
selon moi et selon toute vraisemblance, que la monnaie est neutre à long
terme sur l'économie, que la monnaie n'impacte que l'inflation et que
donc elle peut être confiée à des économistes technocrates. Or la
monnaie, qui est un bien public, est essentielle pour le financement de
l'économie, particulièrement pour les PME qui n'ont pas accès aux
marchés financiers, pour l'innovation, pour gérer les relations sociales
et en particulier la répartition des revenus et enfin pour financer
l'Etat. Confier la monnaie à une autorité indépendante qui n'a aucun
compte à rendre aux autorités politiques est donc en effet non seulement
un énorme déficit démocratique, mais également une énorme erreur
économique car dès lors les politiques économiques (monétaire,
budgétaire,...) ne sont plus coordonnées avec toutes les implications
que nous constatons aujourd'hui. D'ailleurs, la BCE affirme aujourd'hui
que les politiques non conventionnelles avaient pour objectif de
relancer la croissance économique, c'est bien l'aveu que la monnaie
n'est pas neutre. Cette conception européenne est d'ailleurs considérée
comme un non sens aux États-Unis ou le président de la Fed se considère
pleinement investi d'une mission politique. Je pense que le président de
la BCE doit toujours être désigné par l'exécutif, donc le Conseil
européen. Par contre, la BCE devrait avoir des comptes à rendre, et non
seulement rendre compte, devant le Parlement européen sur le modèle de
la Fed. De plus comme tout pouvoir législatif, le Parlement européen
devrait définir le mandat de la BCE et pouvoir sanctionner son président
en cas de non respect du mandat....
...Il est impossible de partager une monnaie commune sans avoir plus de
solidarité, notamment financière, entre les États. L'ordolibéralisme,
c'est-à-dire en caricaturant à peine que tout le monde se comporte comme
l'économie allemande, n'est pas viable. Déjà parce que tous les pays ne
peuvent avoir par définition un excédent commercial. La course à la
compétitivité par la baisse des salaires effondre la demande et est
mortifère pour l'Union européenne. Soit on ira vers plus de fédéralisme,
soit l'euro disparaîtra dans sa composition actuelle....
La BCE a sa responsabilité dans ce désenchantement des européens
vis-à-vis de la construction européenne. Elle vante une vision
technocratique de la monnaie focalisée sur l'inflation, éloignée des
préoccupations des gens. Paradoxalement, lorsqu'elle a pris des mesures
qui clairement favorisaient l'emploi, elle a refusé de communiquer
dessus de peur qu'on lui reproche de s'occuper de ce qui ne la regarde
pas. C'est dommage! Car l'absence de coordination est aujourd'hui
surtout le fait des gouvernements européens entre eux, plus que de la
BCE, plus à l'écoute qu'on ne le pense de la situation économique...."
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Merci d'avoir parler de mon livre. Une banque centrale n'est effectivement pas une institution si facile à comprendre et sur laquelle on projète souvent trop de fantasmes.
RépondreSupprimerTrès cordialement,
Edwin Le Heron
Bonjour l'auteur,
RépondreSupprimerMerci pour votre réaction, que je n'attendais pas. C'est une surprise qui honore ma modeste fonction de passeur.
Effectivement, cette institution a une certaine opacité, que vous avez contribué à réduire, du moins dans mon esprit.
Cordialement
Marcel Thiriet