Beaucoup de bruit pour quoi?
Et rebelote avec un code, qui ne représente pas les Tables de la Loi, mais dont la rénovation en cours fait couler beaucoup trop de salive et d'encre, sur une base profonde de confusions.
Certains médias moutonniers finissent par imposer l'idée qu'il faut tout changer, que 63% des Français jugent (que) l'actuel Code du travail est un frein à l'emploi
Selon eux, l'actuel Code du travail est «trop complexe», alors que peu de pages finalement concernent directement le droit en lui-même:
Daniel Marchand et Michel Miné expliquent d’abord qu’en ce qui concerne
le temps de travail notamment, l’inflation du code est essentiellement
le produit des demandes patronales récurrentes ayant abouti à de
nombreuses dérogations et assouplissements. Pour Philippe Askenazy,
le code du travail est obèse parce qu’il est « encombré de centaines
d’articles qui n’ont aucune conséquence pour les employeurs et les
salariés ; des dizaines d’entre eux portent sur l’organisation de
comités Théodule, comme la Commission nationale des titres-restaurant ;
d’autres détaillent le droit local du travail d’Alsace-Moselle ou de
Saint-Pierre-et-Miquelon. » Il en conclut justement que la taille
du code lui-même ne révèle aucune information sur l’ampleur des droits
qu’il contient. Enfin, Alain Supiot note que le code du commerce, qui
est pourtant aussi volumineux que le code du travail, n’est, lui, jamais
suspecté d’entraver la bonne marche des entreprises. L’idée même
du surdimensionnement du code du travail recouvre donc beaucoup
d’acceptions différentes, et apparaît finalement moins consensuelle
qu’on voudrait nous le faire croire....
L’idée selon laquelle la complexité du code du travail serait néfaste à
la productivité ou à l’emploi ne repose sur aucune base scientifique.
Une étude récente du FMI conclut même que « la réglementation du marché
du travail n’a pas d’effets statistiquement significatifs sur la
productivité » . En l’absence de recherches véritablement
convaincantes sur la question, on se voit souvent contraint à devoir
écouter celui qui parle le plus fort. Et c’est ainsi essentiellement à
partir de témoignages d’avocats, de patrons petits ou grands, ou de
responsables de ressources humaines glanés ça et là que l’idée d’un lien
entre un code du travail « trop lourd » et la « peur d’embaucher »
fait petit à petit son chemin dans le discours politique.
On connaît l'effet pervers de certains sondages, sur ce type de questions ou d'autres, surtout quand ils portent sur des problèmes complexes et sensibles, faussement évidents,supposés connus par tous.
Il n’y a pas de consensus économique sur le lien entre la baisse
du chômage, le retour de l’emploi, et la modification du code du
travail. Le rapport lui-même n’établit jamais comment la prédominance de
la négociation collective, au-delà de « moderniser le dialogue social », peut être un levier pour faciliter les embauches..." Mediapart
Le rapport Badinter est beaucoup plus nuancé qu' annoncé et constitue une base pour une refonte espérée équilibrée, qui ne soit pas seulement formel et ne cède pas aux seuls intérêts du patronat, par exemple en matière de licenciement.
Le droit du travail n'est donc pas une vieille lune, surtout à l'heure d'une mondialisation où les normes s'effacent, la précarité se généralise, le dialogue social perd son sens dans le cadre d'une montée de la logique de la financiarisation de la production, soumise aux exigences de la spéculation et de la rente.
La réforme du code du travail demandera encore bien du temps pour se mettre en accord avec ses principes.
, ....Les données et les recherches disponibles à
ce jour ne permettent pas de comprendre pleinement les raisons du
faible nombre de négociations dans les entreprises. Mais il y a des
pistes sérieuses, qu’un nombre fort réduit de chercheurs s’efforcent de
creuser.
La piste principale, et la mieux
documentée, est celle de la discrimination syndicale et de la peur
qu’elle suscite chez les salariés qui pourraient envisager de prendre un
mandat de représentant. Les salariés ont peur de s’engager dans les
instances représentatives parce qu’ils craignent pour leur carrière.
Plus d’un tiers des salariés mentionnent ainsi la peur des représailles
comme une raison à la faible syndicalisation en France (sondage
TNS-SOFRES). Ces craintes ne semblent pas infondées : 40% des délégués
syndicaux estiment que leur mandat a été un frein pour leur carrière, et
l’étude de leurs salaires révèle qu’à diplôme, ancienneté et âge égaux,
ils sont payés en moyenne 10% de moins que leurs collègues non syndiqué
(12). L’analyse des salaires révèle également que tous les délégués
syndicaux ne sont pas logés à la même enseigne. Ceux qui ne négocient
pas avec leur employeur ne subissent aucune pénalité salariale, et sont
même parfois mieux rémunérés que les salariés non syndiqués.
À l’inverse les délégués des syndicats les
plus vindicatifs, ou ceux qui négocient sans parvenir à un accord avec
leur employeur subissent de très lourdes pénalités salariales. Cela
suggère que ces moins bons salaires reflètent une forme de punition
qu’infligent les employeurs à leurs « partenaires sociaux » les moins
complaisants. On comprend mieux alors pourquoi un tiers des délégués
syndicaux rechignent à négocier. Les cas avérés de discrimination ou de
répression ayant donné lieu à des réparations judiciaires se sont
tellement accumulés ces dernières années qu’ils ont fini par
sérieusement inquiéter les organisations syndicales. À tel point qu’en
2013, la CFTC, la CGT, FO, la FSU et Solidaires, ainsi que le Syndicat
des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature ont allié leurs
forces pour créer un Observatoire de la discrimination et de la
répression...
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