En trompe-l'oeil...
Difficile de trouver un ouvrage court, clair et abordable sur l'épineuse question de l'énergie, à l'heure où les enjeux se brouillent, l' avenir est plein d'incertitudes, notamment sur la question de la commercialisation/financiarisation, souvent discutée et discutable.
Ce petit livre de trois auteurs peut y aider beaucoup, malgré certains questionnements problématiques, des approfondissements incomplets. Mais c'est une bonne boussole.
Notamment sur le problème de la privatisation, voie sur laquelle l'Europe s'est engagée avec plus ou moins de bonheur. S'il est un domaine où elle n'a guère de sens, c'est bien dans ce domaine, étant donnée la particularité de la matière produite et consommée.
Certains et non des moindres annonçaient depuis longtemps que dans ce domaine, la privatisation/déréglementation. mènerait à des impasses, à des surcoûts, voire à des absurdités
Le dogme européen en la matière a été contesté très tôt même par ceux qui voulaient introduire un peu de souplesse dans l'héritage de l'après-guerre.
Si les auteurs ne contestent pas la légitimité du marché concurrentiel dans la production en général, le domaine de l'énergie, notamment de l'électricité, est un domaine particulier, spécifique, où la concurrence ne peut être que factice et sans portée positive pour le consommateur, au contraire. A l'encontre des petits pois ou des voitures, les prix de fourniture des gaz et d' électricité suivent une tendance haussière dans de nombreux pays européens, que la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables ne fait qu'accentuer (surtout en Allemagne: en 2013, les consommateurs allemands ont payé 20 milliards d'euro pour subventionner les énergies renouvelables). C'est un choix, mais aucun lien avec un processus de libéralisation mal conçu ou une régulation trop permissive des marchés de détail...Un examen rigoureux du marché britannique, considéré comme un modèle à suivre par Bruxelles, révèle que ce marché est dominé par un oligopole de six entreprises verticalement intégrées qui détiennent une part de marché de 95%. Elles exercent collectivement un pouvoir de marché dans la mesure où elles se partagent le marché en l'absence de toute menace concurrentielle crédible....On évoque des ententes sur les prix, dans une demande qui demeure "captive". Les consommateurs sont face à des offres commerciales complexes dont le coût final n'est pas lisible...la concurrence est ineffective..A la rente de monopole s'est substituée une rente de l'oligopole....Cet oligopole énergétique n'était pas prévu par les réformes....
_______ La financiarisation à outrance doublée d'aventures extérieures aventureuses a conduit EDF à une situation aujourd'hui très problématique et à des perspectives assez sombres.
Le ciel n'est pas dégagé pour notre fournisseur, qui est dans une situation périlleuse, en essayant de faire la part des
variations conjoncturelles, des erreurs stratégiques et des défaillances
éventuelles du politique, du régulateur et de l’actionnaire.
Certains vont jusqu'à parler de possible faillite:
Le fournisseur affiche un bénéfice net d'1,18 milliard d’euros, en baisse de
68 % par rapport à l’année dernière. Tous les problèmes se sont cumulés
en même temps, pour EDF comme pour tous les électriciens européens. En
vrac : un effondrement historique du prix du gaz et du pétrole,
entraînant tous les prix en chute libre ; la montée en puissance des
énergies renouvelables ; une transition énergétique qui conduit à des
économies d’énergie doublée d’une désindustrialisation qui se traduit
par une baisse de la consommation ; sans compter un hiver des plus doux.
Résultat ? L’Europe de l’énergie, fondée sur la seule concurrence, est
en train de boire le bouillon. Les surcapacités de production sont
devenues structurelles. Plus aucun producteur ne peut envisager
d’investissement ou rentabiliser son exploitation, alors que les prix de
marché se sont effondrés.
____En un an, les prix de marché ont
chuté de plus de 30 %. Aujourd’hui, ils sont autour de 28 euros le MWh,
quand le groupe a bâti son budget autour d’un prix de marché autour de
35 euros, et que le prix du MWh nucléaire est autour de 42 euros. Ouvert
au grand vent de la concurrence, EDF voit désormais 70 % de ses ventes
exposées au prix de marché. 1 euro de différence sur le prix de marché a
un impact de 300 millions d’euros dans ses comptes. C’est dire
l’ampleur des enjeux.
Si tous les électriciens européens se
trouvent confrontés aux mêmes problèmes, EDF a un avenir encore plus
assombri. En réponse à ses impératifs propres, liés à la production et
aux demandes en tous sens de l’État, le groupe public a inscrit un
programme d’investissement pharaonique, alors que son endettement est
déjà de plus de 40 milliards d’euros – l’équivalent de ses fonds
propres.
_____Sa participation au sauvetage d’Areva et la reprise de
l’activité conception des réacteurs nucléaires – Areva NP – va lui
coûter au moins 2,5 milliards d’euros. Le chantier de l’EPR de
Flamanville, dont la mise en fonction est sans cesse reculée – on parle
désormais de 2018 –, est chiffré à 10,5 milliards d’euros. Mais il faut
ajouter la participation d’EDF au programme d’enfouissement des déchets
nucléaires à Bure (Meuse), estimé à 25 milliards d’euros, le projet
d’EDF de construire deux EPR en Grande-Bretagne, évalué en l’état à 25
milliards d’euros. Sans parler du programme baptisé « grand carénage »,
consistant à assurer la maintenance et la remise à niveau du parc
nucléaire français. La Cour des comptes, dans son dernier rapport annuel publié début février,
chiffre le coût de ce programme destiné à s’étaler jusqu’en 2030 à 100
milliards d’euros. Sans parler des coûts futurs de démantèlement des
centrales, jugés notoirement sous-estimés.
_____Dans le même temps, la Commission européenne attaque les concessions hydrauliques détenues par EDF,
au nom de la concurrence, alors qu’il s’agit de l’essentiel de son
activité dans les énergies renouvelables, son activité la plus rentable
aussi. De son côté, le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, pousse, avec
l’assentiment d’une partie de l’État, à l’ouverture du capital de RTE,
le réseau de transport et de distribution électrique, colonne vertébrale
de tout le système électrique en France, afin de dégager des ressources
financières. Si ces deux opérations sont menées jusqu’au bout, EDF se
verrait privé d’une partie de ses recettes les plus sûres...
___ Le 22 octobre 2015, les élus du comité central d’entreprise d’EDF, représentant l’ensemble des organisations syndicales, a lancé une première alarme pour dénoncer les menaces qui pèsent sur EDF.
Début décembre, ils sont allés plus loin en introduisant une procédure
d’alerte auprès de la direction d’EDF, dénonçant la situation critique
du groupe. Fin janvier, jugeant que les explications de la direction
étaient notoirement insuffisantes, ils ont prolongé leur droit d’alerte
et engagé une expertise économique. « Les perspectives de Bruxelles,
de l’État français mais aussi celles de la direction d’EDF obèrent à
court terme l’avenir de l’entreprise », accusent-ils dans un communiqué. Du jamais vu dans l’histoire d’EDF...
._____ La valse des présidents qui se succèdent à la tête de l’entreprise
publique tous les cinq ans, les changements de direction opérationnelle
qui s’ensuivent et qui s’apparentent à des mouvements de cabinets
ministériels, ont fini par user les meilleures volontés. « Depuis Alphandéry [président d’EDF en 1994], l’État
utilise EDF. Il n’y a aucune continuité, aucune transmission de savoir
et d’expertise. Les promotions internes n’existent plus. L’aspect social
de l’entreprise n’intéresse plus personne. Ce ne sont plus que des jeux
de [grands] corps et de cour », résume un cadre dirigeant qui a plus de vingt ans de carrière dans la maison....
______Dans son rapport annuel, la Cour des comptes reprend exactement la même analyse que les syndicats d’EDF : « À
hypothèses constantes de consommation et d’exportation d’électricité à
cet horizon, l’objectif fixé par la loi aurait pour conséquence de
réduire d’environ un tiers la production nucléaire, soit l’équivalent de
la production de 17 à 20 réacteurs. Seule une augmentation très
significative de la consommation électrique ou des exportations serait
de nature à limiter le nombre des fermetures. Or, à l’horizon 2030,
l’hypothèse d’une telle augmentation n’est pas retenue par les experts.
Au contraire, le rapport Énergies 2050 confirme les équilibres actuels.
En effet, sur les 21 scénarios de sources diverses qui ont été analysés,
15 considèrent que la demande d’électricité en France se situera, à
cette date, entre 500 et 600 TWh, deux seulement considèrent qu’elle
sera supérieure », écrit le rapport qui considère qu’EDF doit revoir
son programme « grand carénage » pour l’adapter à des critères de
production et financiers plus réalistes.... (Merci à Mediapart)
_____: De plus, l'engagement d'EDFsur l'EPR britannique (sans parler du très onéreux site finlandais) tourne très mal: Hinkley point
c’est l’aventure internationale de trop, celle qui pourrait être fatale
à l’entreprise publique. « Hinkley
Point, c’est un cauchemar. Il faut à tout prix sortir de ce bourbier le
plus vite possible. EDF risque d’en mourir, avec leurs conneries », dit
un ancien directeur d’EDF. « Il y a urgence de tout arrêter. L’affaire
est trop mal engagée. Il n’y a que des coups à prendre », renchérit un
cadre dirigeant. « Quand je vois Macron dire qu’il est pour le projet
[Emmanuel Macron a apporté son soutien au projet d’Hinkley Point], je me
dis qu’il ferait mieux de se taire. Il est irresponsable », surenchérit
un proche du dossier. « C’est
la première fois dans l’histoire d’EDF qu’un projet industriel fait
l’unanimité contre lui parmi les syndicats. Tous sont opposés à Hinkley
Point. Même la CGT, qui pourtant soutient traditionnellement ce type de
programme, est vent debout contre le projet », relève un autre cadre
dirigeant.
- Le courant ne passe plus.
___Remettre les pendules à l'heure.
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