mercredi 22 juin 2016

Grèce: noeud coulant

 On en parle...
                   De temps en temps. De loin.Sans trop savoir...
                                        En évoquant timidement les tiraillements entre le FMI et Bruxelles sur la question de la dette. On repousse encore la poussière sous le tapis...en masquant le tout par des querelles d'experts dûment missionnés.

[19 trillions de dollars : le montant astronomique de la dette américaine.]

       Dette largement illégitime, dont on sait qu'elle ne pourra jamais être remboursée et sur laquelle il faudra bien trouver une compromis sans tuer le pays sous tutelle financière et continuer à le livrer au pillage économique.
    Pour les banques, pas de problèmes.
                                Pour le reste... le désastre continue. C'est l'enfer ordinaire.
         Les choses semblent se détendre et l’étau se desserrer. Néanmoins, il faut tout de même y regarder de plus près en distinguant les indicateurs financiers – relatifs à la dette – des indicateurs économiques – relatifs à la situation réelle du pays – et en regardant le jeu des acteurs. L’enfer grec n’est pas pavé que des bonnes intentions de ses créanciers qui persistent à appliquer les mêmes recettes, soit des politiques d’austérité d’une rare rigueur ; il est noyé par la complexité de la situation qui en fait oublier sa tragédie...
    Selon Eurostat, la dette publique représente encore 176,9 % du PIB grec et s’élève à 312 milliards d’euros (dernier trimestre 2015). En réalité, ces niveaux stagnent depuis le dernier trimestre 2013 et, malgré les efforts consentis, la dette reste à des niveaux élevés....
   Est-ce que la Grèce peut rembourser sa dette ? Le PIB grec a connu un recul de 0,5 % au premier trimestre 2016. Recul encore plus fort que prévu, alors que le PIB de la Grèce a reculé de près de 26 % depuis le début de la crise de la dette. Derrière ces chiffres – rarement observés !–, des réalités tragiques. Les jeunes s’expatrient massivement, le taux de suicide et la pauvreté ont explosé… La baisse du PIB est bien une destruction de richesse économique, sociale et démographique. Alors qu’il est encore exigé une réforme des retraites et des privatisations et que le solde public primaire est positif, les politiques d’austérité ont déjà prouvé toute leur inefficacité après 6 ans de saignées dans l’économie grecque sans réussites ni améliorations.
      En dehors des différents dispositifs et acteurs de la dette, la crise grecque nous rappelle que la problématique économique fondamentale demeure la croissance et comment la générer. Et non le pilotage d’indicateurs financiers – qui n’en sont que les résultats. Or, la baisse des revenus de près de 30 %, des dépenses publiques, la destruction des infrastructures – entre privatisations et abandons –, les ressorts de la croissance ne sont pas en mesure d’être activés.
Qui pour investir, consommer ? Plus grave encore : les structures, nécessaires à la pérennité de la croissance, sont touchées. Entre les atteintes démographiques, l’instabilité politique, la montée de l’extrême droite, la crise des migrants et le rapprochement avec la Russie, la Grèce connaît des heures troublées qui, en dehors des inquiétudes qu’elles peuvent suscitées, ne peuvent favoriser un climat économique favorable.
À moins d’un nouvel allègement et d’un changement de politique, l’optimisme ne peut être de rigueur. La Grèce n’en a pas fini de traverser l’enfer. Souhaitons qu’elle n’atteigne pas les deux derniers cercles de l’enfer de Dante, celui des trompeurs et celui des traîtres. À moins que ce ne soit déjà fait…
              La BEC, de son côté, a  confirmé qu'elle n'hésite pas à être le bras armé des créanciers. Le 4 février 2015, la dérogation avait été levée sur la conviction de la BCE que la Grèce ne voulait plus suivre le programme de la troïka. Cette décision était hautement contestable. Certes, l'usage des bons d'Etat n'est permis que lorsque ces États sont notés en catégories d'investissement par les agences de notation reconnues par la BCE. Lorsqu'un pays est « sous programme », la BCE accorde une dérogation en considérant que le pays est sur le chemin du retour à une meilleure notation.
           Mais le 4 février 2015, la Grèce n'était pas hors du programme. Le gouvernement grec avait indiqué vouloir renégocier les termes du programme, mais ce dernier a été renouvelé le 20 février jusqu'au 30 juin 2015. La suppression de la dérogation était une décision politique qui visait à provoquer une panique bancaire et à faire plier le gouvernement grec. La BCE jouait donc clairement dans le camp des créanciers en faisant dépendre le système bancaire grec de l'ELA, fil fragile et remis en question chaque semaine. Après l'annonce du référendum le 29 juin, le gel de l'ELA a provoqué la fermeture des banques et le menace explicite de la BCE d'exclure la Grèce de la zone euro. In fine, c'est bien cette action qui a fait céder Alexis Tsipras.
     Après la décision de ce dernier le 13 juillet 2015 d'accepter les conditions des créanciers et la signature d'un troisième mémorandum en août, la BCE a décidé d'attendre pour rétablir cette dérogation, ce qui repoussait encore davantage l'inclusion de la Grèce dans le programme de rachat de titres. C'était évidemment s'appuyer sur une méfiance entretenue par l'Eurogroupe pour faire accepter toujours plus de mesures au gouvernement grec. La BCE, en ne bougeant pas, maintenait le « nœud coulant » en place depuis le 4 février 2015. Cette stratégie d'appui aux créanciers de la BCE vient d'être confirmée ce jeudi 2 juin par Mario Draghi.     
      L'attitude de l'institution de Francfort demeure cependant problématique. Au niveau de la zone euro, la BCE tente avec raison de dynamiser la croissance et de lutter contre la déflation. Or, la Grèce est un pays en récession et en déflation. L'exclure du QE et placer des conditions de politiques déflationnistes à l'accès des banques au taux normal de refinancement n'a économiquement aucun sens. C'est donc que la raison de ce comportement n'est pas économique, mais politique et qu'une telle attitude serait impensable avec un pays d'une plus grande taille de la zone euro. La BCE sanctionne donc, sous couvert d'un respect prétendu des règles, la Grèce pour l'exemple et établit, elle, si fière d'être la seule institution « fédérale » de la zone euro, un « deux poids, deux mesures » qui pose problème en terme d'égalité des États membres de l'Union monétaire.
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