mardi 25 septembre 2018

Compétitivité

C'est devenu la loi et les prophètes.
                                         Un thème, une injonction qui revient en boucle depuis des années.
      Déjà Mme Parisot martelait cette ardente obligation.
   La compétitivité est devenue un leitmotiv obsédant. 
 La guerre est déclarée. La conquête des marchés est ouverte. Plus que jamais.
Guerre de mouvement ou de tranchées? Bridé par les contraintes imposées par ses institutions, ses règles et sa monnaie-carcan, l'Euroland risquent fort de faire du surplace, voire de perdre du terrain à part l'Allemagne caracolant sur l'euro fort qui l'avantage.

    Nouveau Graal? quadrature du cercle? ou mythe pour temps de crise qui s'approfondit, que le bon M.Trichet appelle gentiment "processus d’adaptation » (sic!)?
     ►Madame Parisot affolait le bon peuple: " L' angoisse des patrons est à son comble"! et annonce un "avis d'ouragan" et la nécessité d'un "choc de compétitivité", notion qui divise la majorité.
     Diable! Certains pourtant voient l'avenir en rose et les rémunérations des PDG sont toujours plus élevées, malgré la crise.   
      ►De quoi parle-t-on? "Pour briser la spirale dépressive, il faudrait trouver de nouvelles recettes fiscales, faire supporter aux ménages les charges sociales qui leur reviennent, créer les conditions d'une croissance, tout en stoppant les délocalisations..."___Mais sans  réforme fiscale profonde[Celle que Piketty avait élaborée], sans révision des règles du jeu européen et de leur carcan, sans remise en question du modèle de la mondialisation financière et commerciale débridée prônée par l'OMC, comment serait-ce possible? Ce ne serait que s'engager dans une nouvelle spirale dépressive. Et sur quels leviers de croissance pouvons-nous compter par les temps qui courent?
     ►P.Moscovici voulait mobiliser les énergies pour les futures batailles, en courtisant le Medef: " Le gouvernement est pleinement décidé à affronter le défi économique de la compétitivité, car ce n'est qu'en renforçant nos capacités de croissance que nous gagnerons la bataille de l'emploi". Mais il rassure en jouant sur les mots: "Ce que nous faisons en France ce n'est pas une politique d'austérité, c'est une politique de sérieux."
  En tous cas, le gouvernement s'engage sur une voie étroite et dans la division, à contre-courant des promesses de campagne. 
    ►Jean-Paul Chifflet, le nouveau président de la Fédération bancaire française, renchérit dans l'incantation:« Il faut faire mieux, il faut faire plus, il faut faire plus fort », 
      ►Mme Lagarde , qui n'a pas trop de soucis matériels (elle continuera, elle, à gagner 551 700 dollars par an (427 000 euros) — soit 11 % de plus que son prédécesseur), n'en est pas à une approximation près:  "Un des signes avant-coureurs du succès de cette approche est la reprise des exportations. En faisant baisser les prix des facteurs de production, en particulier le prix du facteur travail, on espère rendre le pays plus compétitif et plus intéressant pour les investisseurs étrangers. On le voit déjà un peu au Portugal, en Espagne, et on commence à le voir un peu en Grèce(sic!)
  Suivons donc le modèle (?) grec ...et la logique imparable du FMI, même si elle est peu cohérente...
______"Comme l’euro est une monnaie qu’on ne dévalue pas, la relance des exportations doit passer avant tout par la baisse des prix. Celle-ci découlera principalement de la baisse des salaires, pas de celle des profits, laquelle serait sans doute moins « intéressante pour les investisseurs étrangers ». Et l’exemple de cette stratégie que recommande le FMI est déjà donné par les pays d’Europe du Sud. Ceux-là même dont une partie de la population plonge dans la précarité, voire la misère, du fait des politiques d’austérité recommandées par Mme Lagarde. 
    Il y a peu, justement, le New York Times évoquait la situation de la Grèce. Et le quotidien américain insistait, presque surpris, sur le caractère intraitable du FMI, toujours demandeur de nouvelles baisses des salaires (et des pensions de retraite) à un gouvernement de droite, certes bien disposé à l’égard de l’institution financière et de la « troïka » (Union européenne, Banque centrale européenne et FMI), mais un peu las de tailler à la hache dans les salaires, les emplois et les budgets sociaux d’un peuple déjà très éprouvé.
   « De nombreux Grecs parlent à présent de désordres civils quand le froid va s’installer et que beaucoup de gens ne pourront plus payer leur chauffage, indiquait le New York Times. Les prix de l’énergie, y compris de l’essence, ont augmenté, or les Grecs ne peuvent plus tirer sur leur épargne pour absorber ce genre de dépenses. Par ailleurs, on s’interroge sur la disposition de la police à maintenir l’ordre dès lors qu’elle aussi doit subir des baisses de salaires. La semaine dernière, des policiers qui manifestaient devant le bureau du premier ministre ont dû être repoussés par des brigades anti-émeutes.  »
   Sans sortir du modèle  imposé par un euro fort, facteur de déséquilibre interne, sans avoir la volonté politique de sortir de la loi des marchés et sans instaurer une forme raisonnée et limitée de protectionnisme, comme le font les USA et la Chine, entre autres, il est sûr que la Bataille de la Marne n'aura pas lieu... 
 ___________►Selon Gilles Ardinat, la compétition a été érigée abusivement comme norme au niveau des territoires: 
    "Ce ne sont plus seulement les économies qui doivent être en compétition. Le stratégie de lisbonne fixait en 2000 un "nouvel objectif" à l'Union européenne: "devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde".
     Les villes, les régions et plus seulement les nations devraient concentrer leurs énergies sur cet objectif prioritaire...selon les théories de management américaines: contrôle des couts de production, benchmarking, marketing territorial, recherche de capitaux ...Les territoires doivent se vendreCe que François Cusset appelle  la foire aux fiefs: transposition d'une notion microéconomique dans la sphère politique; une analogie dénoncée par Paul Krugman:" La compétitivité est un mot vide de sens lorsqu'il est appliqué aux économies nationales." Un tertitoire ne se réduit pas à des données économiques, son action s'inscrit dans le temps long de l'histoire, pas dans l'immédiateté des marchés,dont la prospérité repose souvent sur un dumping généralisé, une réduction des salaires, etc...L'obsession d'une convergence des compétitivités sur le modèle allemand est une fable (1). Si tous les pays  décidaient simultanément de contraindre leur demande, ils précipiteraient une grave dépression. Tout le monde ne peut pas dégager des excédents commerciaux en même temps..."
     ►___Mais pour Karine Berger, la réduction du prix du travail, presque toujours mise en avantn'est pas une priorité: "La compétitivité française est un vrai défi dans les années à venir. Mais la compétitivité d'un pays, c'est d'abord sa capacité à produire de la richesse, à produire de la valeur ajoutée. Et la production de valeur ajoutée, c'est beaucoup plus des technologies, de l'innovation, de la productivité que des baisses de coût de production. Le vrai défi pour la France, c'est de relancer sa valeur ajoutée industrielle, et cela passe par des efforts d'investissements recherche lourds et risqués.__Par exemple, tout le secteur des énergies renouvelables est, à terme, un secteur à forte valeur ajoutée, mais qui implique des efforts de recherche, de développement, et c'est sur cela que la politique économique doit aussi faire des propositions. Par ailleurs, le paquet compétitivité du gouvernement essaiera de résoudre un autre problème de compétitivité de l'économie française qui est celui du financement de l'économie.  Dans le contexte actuel, la compétitivité existe essentiellement par l'innovation technologique et la progression de la valeur ajoutée. Ce n'est pas moi que le dis, c'est Paul Krugmanprix Nobel d'économie."___Le choc de l'offre est une notion propre à fapper les esprit, mais sans grande consistance. 
            Cette notion a montré son échec et a mis en évidence un certain nombre de discours économiques:
   Dans un ouvrage récemment paru aux éditions Flammarion, Une autre voie est possible, Éric Heyer, Pascal Lokiec et Dominique Méda démontent systématiquement ce discours négatif et ses objectifs et recherchent des voies alternatives pour préserver les forces du modèle social français et les vraies solutions au ralentissement économique français et européen....
   Ils rappellent que: . moins que la dette publique et le système social, ce sont les insuffisances et les dysfonctionnements de la zone euro qui pèsent sur le pays, notamment en raison des immenses excédents allemands et de la politique de modération salariale de notre voisin transrhénan. Il présente les impasses de la politique de compétitivité-coût menée par ce gouvernement et nombre de ses prédécesseurs, et propose des réformes audacieuses dans la gouvernance des entreprises et la gestion de la transition écologique...avant la crise, des éléments de politiques économiques pouvaient conduire à cette faiblesse de la zone euro. On a en effet créé une zone euro pour cesser de se faire compétition entre nous, mais on a poursuivi la compétition par des dévaluations salariales et fiscales et pour essayer de gagner en compétitivité. C’était le choix allemand : gagner rapidement des parts de marché à l’exportation en comprimant les coûts salariaux, par les salaires et les cotisations, plutôt qu’en augmentant la productivité, ce qui aurait été trop long. Cette stratégie n’est pas nouvelle, elle correspond à ce que l’on appelle le consensus de Washington qui veut que, dans une économie mondialisée, les États doivent se délester de tous leurs poids.
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- La compétitivité, ou la loi des multinationales
Un choc de compétitivité pour les actionnaires ?
Ce que serait un vrai « pacte de compétitivité »
Le « choc de compétitivité », une idée paresseuse à enterrer 
Christophe Barbier, le petit soldat du « choc »
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