mercredi 7 novembre 2018

Dissoudre le peuple?

Mais quel peuple?
                          Quand un peuple devient ingouvernable aux yeux d'un gouvernement sans principes et entrave ses décisions arbitraires, la bonne décision serait-elle de le dissoudre afin de gouverner à sa guise?...
...Selon la préconisation humoristico-critique de B.Brecht visant le régime autocratique  de son époque.
  Question absurde, bien sûr, mais doit-on pour autant idéaliser le peuple, cette notion si équivoque, enjeu de tant de discours politiques de toutes tendances. Une notion indispensable mais piégée. Parfois idéalisée de manière mythique, comme si elle était par définition source de vérité et de pouvoir éclairé?
     Un constat: le peuple vote (trop) souvent de manière discutable à un moment donné, parfois même contre ses propres intérêts.
   Les exemples surabondent dans l'histoire récente: sans parler du plébiscite en faveur d'un führer jugé libérateur, il y a ceux du Brésil, très récent, ceux des USA, qui dérivent.
  Les joueurs de flûte ont parfois du succès, jouant sur la flatterie et les peurs, réelles ou fabriquées, à la faveur d'un contexte difficile. Une rhétorique habilement menée peut aboutir au pire des régimes.   Comment une majorité peut se précipiter dans les bras d'un homme dit providentiel qui prétend les libérer, alors qu'il joue habilement, machiavéliquement, sur les tendances à la servitude volontaire d'une partie de l'opinion? Question problématique et déstabilisante, surtout après coup. Comment une grande majorité d'Allemands, passée par les urnes, a pu se précipiter de manière somnambulique dans le drame qui se préparait?
    Rien de nouveau depuis Platon.
         De quel peuple parle-t-on, cette notion ambiguë, surtout depuis la Révolution? Une notion mobilisatrice mais dont certains usages ne cadrent pas avec les exigences démocratiques proclamées, parfois perverties verbalement et dans les faits. Une démocratie dite populaire ne se construit pas que par des mots.
  Une ambiguïté souvent soulignée, venue de divers horizons.
 Des confusions qui affectent aussi la notion de populisme, souvent trop rapidement vilipendée.
   Le mot peuple signifie trop ou trop peu, selon l'acception qu'on lui donne dans tel ou tel contexte historique ou champ de réflexion politique.

 ...Il est possible de soutenir que l’ambiguïté qui caractérise la notion de « peuple » n’est ni accidentelle, ni préjudiciable à son usage politique ou philosophique, voire que c’est cette ambiguïté qui en fait l’intérêt, parce qu’elle en soutient sa fonction politicienne donc polémique. Que veut dire Mirabeau ? Que notre « peuple » renvoie à trois termes, donc trois sens en latin : la nation, c’est-à-dire ici l’ensemble des citoyens, détenteurs de droits politiques, le populus ; le « petit peuple » (Montesquieu), la plebs, par opposition à l’aristocratie ; la foule ou la canaille, la multitudo ou la turba, la populace caractérisée par ses mouvements violents, irrationnels. L’exigence de clarté conceptuelle voudrait qu’on bannisse un tel mot, incapable de nommer ce qu’il vise. L’intelligence politique du Marquis y voit un avantage : le peuple n’est pas une chose simple qui pourrait se ranger sous une étiquette claire. Il procède au contraire, dans son existence politique, du nom qu’il reçoit, en raison des relations et des conflits dans lesquels il est pris. Le peuple n’est pas une réalité substantielle. La multiplicité des hommes que l’on nomme « peuple » est populusen tant que formant une nation, entité juridique douée d’une volonté unifiée ; plebs si on ne prend en compte que cette partie de la nation, socialement définie par son dénuement, voire sa pauvreté ; vulgus, voire canaille si on se place du point de vue méprisant des « Grands » qui lui reprochent la grossièreté dans laquelle ils la tiennent[3]. Mais c’est justement cette dernière dénomination qui révèle l’intérêt du politique dont la tâche semble bien être de nouer ensemble ces deux aspects. Machiavélisme de Mirabeau qui ne confond le Prince, ni avec les Grands, ni avec le Peuple. En régime républicain, c’est-à-dire sous le principe de la représentation, il faut à la fois s’adresser à la plèbe  au nom du populus, et tenir en respect l’aristocratie en raison du même principe, en lui faisant miroiter la menace du vulgus...
     Le peuple est toujours au centre de polémiques qui ne tarissent guère, quand on a compris que toute société est traversée par des contradictions et des conflits d'intérêt.
    Sans une éducation digne de ce nom et particulièrement une éducation politique éclairée, la notion de peuple ne risque guère de sortir du flou et parfois des contradictions.
      Un peuple peut se tromper et être trompé, mais cette notion est incontournable. On ne peut en faire l'économie, à condition de le clarifier à chaque usage.__L'exalter Ou le former?

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