Du besoin (relatif) au mythe (évolutif).
L'objet voiture n'es pas un un objet comme un autre.
Il cristallise les rêves de toute une époque, dont nous commençons à peine à sortir.
Celle des débuts déjà, avec les voitures Ford réservées à une élite, puis aux classes les plus privilégiées.
Celle de notre époque, qui a banalisé l'objet, devenu le plus souvent purement utilitaire, mais qui garde toujours le rôle de marqueur social. De la C3 à la Mercedes haut de gamme jusqu'aux rares exemplaires de voiture très haut de gamme, il y a, à travers les options et les usages (ou les non usages), toute une symbolique de la réussite.
Même si la recherche planche sur une autre automobile, même si on en annonce la disparition.
Le sociologue André Gorz, dans les années 70, était un des premiers à théoriser le succès irrationnel de la voiture individuelle et ses conditions de développement et aussi de son déclin programmé.
Elle "offre l’exemple contradictoire d’un objet de luxe qui a été dévalorisé par sa propre diffusion. Mais cette dévalorisation pratique n’a pas encore entraîné sa dévalorisation idéologique : le mythe de l’agrément et de l’avantage de la bagnole persiste alors que les transports collectifs, s’ils étaient généralisés, démontreraient une supériorité éclatante...."
Comme Yvan Illich, plus tard, qui souligne les paradoxes et les contradictions liés à son succès:
«...; L’Américain type consacre plus de mille cinq cents heures par an (soit trente heures par semaine, ou encore quatre heures par jour, dimanche compris) à sa voiture : cela comprend les heures qu’il passe derrière le volant, en marche ou à l’arrêt ; les heures de travail nécessaires pour la payer et pour payer l’essence, les pneus, les péages, l’assurance, les contraventions et impôts… A cet Américain, il faut donc mille cinq cents heures pour faire (dans l’année) 10 000 km. Six km lui prennent une heure. Dans les pays privés d’industrie des transports, les gens se déplacent à exactement cette même vitesse en allant à pied, avec l’avantage supplémentaire qu’ils peuvent aller n’importe où et pas seulement le long des routes asphaltées....; »
Comme Roland Barthes, qui voit dans la voiture un mythe qui se renouvelle sans cesse.
La voiture fait partie intégrante du rêve américain, largement diffusé après-guerre. S'il est singulièrement émoussé, il en reste quelque chose, notamment avec la mythique Ford Mustang, accessible à quelques happy fews rêvant encore d'aventures symboliques, qu'ils peuvent faire rugir à leur guise. L'objet ne cesse de marquer la distinction, la hiérarchie sociale: le trader de chez Barclays ne peut rouler avec le même véhicule que l'ouvrier de chez GM.
Priorité a été donnée à la voiture, sous la pression des pétroliers, sur les transports en commun.
Nous avons des difficultés à sortir du piège dans lequel nous sommes maintenant enfermés. Le VAE peut suffire en milieu urbain, mais moins en province, où le lieu de travail et celui de la résidence se trouvent de plus en plus éloignés. Souvent par nécessité.
Se passer de voiture n'est pas à la portée de tous.
Le dépassement de l'automobile n'est pas si proche que souhaitée, même si l'électrique remplace partiellement le pétrole, même si le mythe s'affrite, devenant une contrainte, dans laquelle certains n'ont plus que la ressource d'y dormir.
A moins que des révolutions technologiques proches obligent à repenser complètement le problème du transport, individuel et collectif...
Tesla, c'est pas ça. L'électrique, c'est pas magique.
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