Heureux les pauvres?
Difficile de parler de la pauvreté en termes généraux, trans-historiques et trans-culturels.
Elle est toujours à contextualiser, dans une époque particulière, dans des données économiques variables, selon des critères et des jugements de valeur évolutifs.
Ce n'est pas une donnée historique permanente, mais relative et historique, elle n'a pas le même sens aujourd'hui qu' hier. Le pauvre est considéré de plusieurs manières selon les époques, les croyances, les idéologies et il y a bien des degrés, dans nos sociétés, qui caractérisent diverses formes de pauvreté, entre pauvreté absolue et pauvreté relative, notions dépendantes d'un niveau moyen de ressources, dans un mode de production particulier Chez nous comme ailleurs.
La pauvreté peut être reconnue comme telle ou peut être non reconnue, voire déniée.
Au Moyen-Age, du moins à une certaine période, elle faisait partie du lot commun et s'intégrait dans une vision du monde où le manque de ressources n'apparaissait pas pour la majorité des croyants comme un scandale, mais comme s'intégrant à une vision biblique qui imposait un ordre naturel (voire surnaturel) dans l'espace social.
« Dieu aurait pu faire tous les hommes riches, mais il
voulut qu’il y ait des pauvres en ce monde, afin que les riches aient
une occasion de racheter leurs péchés » (Vie de St Eloi)
Mais à partir du 14° siècle, la tendance s'inverse, et les gueux n'ont plus la même aura. Ils commencent à être redoutés et parfois relégués. Les très pauvres et les infirmes commencent à être ostracisés et souvent rendus responsables de leur propre sort, conséquence du péché, originel et individuel.
Ce n'est vraiment qu'au 19°siècle que les débuts de la société industrielle avec ses déplacements, ses concentration de travailleurs déracinés, voient apparaître une conscience de la pauvreté, parfois de l'extrême misère, comme une injustice à combattre et que naissent des courants de pensée socialisante et les débuts d'une conscience politique, réformiste, parfois révolutionnaire.
On ne peut plus valoriser les pauvres, l' Eglise étant déclinante, et il devient difficile de les ignorer, toute une littérature, de Hugo à Zola s'employant à décrire un monde parfois ignoré.
L'art d'ignorer les pauvres resurgit à nouveau aujourd'hui. On utilise des euphémismes (on disait déjà naguère "économiquement faibles"), on les dénie ou à nouveau on les culpabilise. Ils méritent leur sort. C'est tout particulièrement vrai aux USA, où grossit la pauvreté, parallèlement aux très grosses fortunes qui explosent (mais pas seulement aux USA), le mérite personnel par le travail et la réussite financière jusqu'à l'excès étant, comme le mythe du self made man, surévalués. Il n'y aurait pas de pauvres, mais seulement des paresseux.
La peur du déclassement et de la précarité, qui peuvent arriver rapidement, contribue à fausser les jugements et les choix. Le rejet du pauvre du salaud de pauvre, est parfois même revendiqué.
Les plans pauvreté ne sont pas exempts d'ambiguïtés.
Tant que les causes profondes ne sont pas mises à jour pour s'y attaquer, dans le contexte d'une démocratie qui ne soit pas seulement formelle, la pauvreté, sous toutes ses formes, a encore de beaux jours devant elle, ainsi que son déni, partiel ou total.
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