jeudi 17 janvier 2019

Le fric et le numérique

Adieu le cash?
                      On en parle. Il va devenir difficile de répondre à la demande inopinée:  T'as pas cent balles?
    Car le porte-monnaie vit sans doute ses dernières heures,  ce qui aura au moins pour avantage de ne plus trouer les poches ou de gonfler le porte-feuille de manière indiscrète et inesthétique.

   En route pour la modernité numérique jusqu'au bout!
        Tout le monde s'y met.  Pas que pour des raisons d'hygiène. La Suède est sur le chemin. Même l'Eglise, avec ses quêtes numériques!
  A Londres aussi. Tant pis pour les défavorisés,  pour les exclus bancaires.
      Certains voient l'accomplissement du  scénario pour 2022.
   C'est tout bon pour les banquiers, mais jusqu'où faut-il pousser le bouchon?
         À Davos, au Forum économique mondial, l'an dernier, John Cryan, le patron de la Deutsche Bank, avait produit son petit effet en prédisant que « le cash n'existera probablement plus dans dix ans. Ce n'est pas quelque chose de nécessaire, c'est terriblement inefficace et cher » - pour les banques, surtout. Les Allemands sont pourtant les plus gros utilisateurs d'argent liquide en Europe ! Les habitudes de paiement, très culturelles, ont la vie dure. Presque partout dans le monde, « cash is king» - « le cash est roi » et fait de la résistance face aux assauts de la carte bancaire, du virement par Internet ou mobile, du sans-contact, voire des monnaies virtuelles comme le bitcoin : il est encore utilisé dans 85 % des transactions (en volume) selon une étude mondiale de MasterCard. Y compris dans l'Hexagone, même si la carte est le moyen de paiement préféré des Français (plus des deux tiers des opérations seraient réalisés en liquide)....
       Mais parée de toutes ces vertus, la version entièrement numérique de l'argent peut aussi présenter de fâcheux inconvénients. Un monde où toutes les transactions seraient enregistrées, traçables, potentiellement monétisables au plus offrant (l'employeur, l'assureur, etc), pourrait prendre des allures de cauchemar orwellien, avec au choix l'État, les GAFA, ou d'autres, comme puissance sachant tout de nos moindres dépenses quotidiennes, si révélatrices de l'intime (maladie, grossesse, séparation, addiction, etc) exerçant un contrôle social sans précédent. La banque centrale verrait son pouvoir de politique monétaire démultiplié, sur des dépôts captifs : elle pourrait contraindre les citoyens à consommer en imposant des taux négatifs. Ou les inciter à investir dans une valeur refuge (l'or, une monnaie étrangère non dématérialisée).

    Le passage à l'argent tout-numérique devra se faire par étapes au risque d'aggraver l'exclusion bancaire, pour les populations n'ayant pas les moyens d'accéder à ces alternatives de paiement par smartphone ou ordinateur, pas formées ou rétives à ces nouveaux outils, ou bien vivant dans des régions isolées dépourvues d'Internet à haut débit. Plus largement, la perspective d'un monde des paiements entièrement électroniques pose le problème de la résistance d'un tel système aux chocs, catastrophe naturelle ou piratage entraînant un black-out électrique : le chaos ou le retour au troc ?..
      Tout semble dit.
             Alors, est-ce la fin de l'argent liquide?
      On voit mieux les limites de la mutation numérique en ce domaine, qui ne crée pas seulement des réticences affectives, pas seulement pour les Allemands attachés pour des raisons historiques à l'argent liquide.
      Le mobile ne remplacera pas complètement le porte-monnaie. Même en Suisse...
           Bitcoin ou carte bleue, le projet pour 2022, séduisant à première vue, va connaître bien des résistances, pas seulement pour des raisons affectives.
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