lundi 17 juin 2019

Assignés à la télé

Que feraient-ils sans télé?
                                   Regardée, faute de mieux, comme un swing-gum des yeux, un passe-temps animé et parfois bruyant, perçu au fond d'un couloir. Tous ne sont pas appareillés.
     Souvent, on les met groupés d'office dans le salon avant de les descendre pour le repas, avec la même chaîne sous les yeux parfois vides. Les vieux.
   Les jours sont longs.

 Surtout quand on n'attend pas de visites. Une famille lointaine ou oublieuse. On ne sait plus où on en est dans le temps.
 TF1 ou A2 sont de parfaits auxiliaires du personnels insuffisants et pressés. Une nounou indispensable.
  Un personnel soignant débordé qui ne peut passer beaucoup de temps au chevet de mamies souvent désorientées ou prostrées, devenus parfois mutiques ou agitées, faute de relations. Il n'y a pas que les AVC. 
   Elles n'ont plus rien à dire, attendant la fin avec une une résignation triste.
Pas drôles, les journées qui se succèdent dans la plus grande uniformité et la solitude qui n'est même plus consciente d'elle-même.
 Elles ( et plus rarement "ils") n'attendent aucun lendemain.
    Elles survivent, maugréant sur une fin de vie qui n'avait pas été envisagée ainsi. La notion de bonheur et parfois de plaisir s'est souvent évanouie. Comme les souvenirs estompés ou gommés. On les appelle résident(e)s, c'est plus valorisant.
    Comme Mariette, qui finit par tout oublier ...
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.......Dans certaines maisons de retraite, la grande dépendance signe la pauvreté des stimulations cognitives et sensorielles. La télévision et ses émissions de la journée sont le plus soporifique des somnifères. L’objectif « soins à tous crins » finit par phagocyter tout projet de vie, et le résident se résume à être l’objet de ces mêmes soins, de démarches administratives, et sa journée se rythme autour de ses besoins élémentaires et vitaux : manger et dormir. On s’évertue, quand des animations sont organisées, à lui proposer des activités thérapeutiques pour essayer de le réparer, d’améliorer sa santé, sa mémoire, comme si tout ça, sous couvert de prévention, allait comme par miracle ressusciter un octogénaire en quinqua lucide. Alors que ce dont il a vraiment besoin, c’est se rapprocher de qui il est, pour qu’au moins lui-même ne l’oublie pas, par une diversité d’activités qui stimulent ses envies, ses sens, ses ressentis, ses émotions, son corps, qui ne se sont pas évanouis. On n’oublie jamais ce qu’on a aimé à 15 ans ! On n’oublie jamais qui on a aimé à 15 ans. On n’oublie jamais ses passions et d’ailleurs, c’est ce dont ces personnes âgées parlent le plus souvent, elles ressassent les leurs comme un souvenir essentiel, un antidote pour se garder en vie.        Proposer des activités, c’est aussi respecter l’individualité de chacun et ne pas penser forcément au « tout collectif » pour créer de l’émulation de groupe. Si le lieu est collectif, il est tout aussi privatif. Trouver des activités novatrices qui pourraient s’appuyer peut-être sur les nouvelles technologies, c’est bien, mais le hic c’est que les mettre en place entame le budget. Dans les maisons de retraite, les animations sont affectées au volet hébergement, ce qui est difficilement compréhensible puisque la littérature scientifique, les études, les médecins le répètent à l’envi : s’occuper, bouger, faire fonctionner sa créativité, imaginer, faire, observer, toutes ces actions ont un impact très significatif sur la santé, la plasticité cérébrale, la mémoire et la dépendance puisqu’elles favorisent des comportements plus adaptés à la recherche d’autonomie. […] Pourquoi ce budget est-il pris en charge par le volet hébergement qui est essentiellement aux frais du résident ? Alors que les animations pourraient être payées par le volet dépendance, abondé par les conseils départementaux ? Une telle ventilation permettrait d’octroyer davantage de moyens et donc de concevoir des animations plus élaborées et plus nombreuses dans le cadre du projet de vie proposé à chaque résident.....
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