jeudi 5 décembre 2019

Confusions et zizanies

Antisémitisme et antisionisme: le piège
                                    Faut-il encore le répéter: l'antisémitisme est à condamner sans ambiguïté. Sous toutes formes, anciennes ou contemporaines. Chez nous et ailleurs.
    C'est récurrent en France. Mais pas seulement. Certains s'obstinent à amalgamer antisémitisme et antisionisme, du moins antisémitisme et une certaine critique d'un sionisme, mis en cause par un certain nombre de Juifs eux-mêmes, qui refusent les formes prises par la politique israëlienne;  alignée plus ou moins explicitement sur les principes déjà anciens du sionisme de Herzl et de Jabotinsky.
     Le gouvernement actuel d'extrême droite de Tel Aviv ne perd pas une occasion de pratiquer l'amalgame; toute critique de la ligne Netanyaou, après Sharon surtout, dans ses rapports avec la colonisation continue de la Cisjordanie, doit selon lui être considérée comme antisémite.  Si Israël doit être reconnu de droit, dans les limites définies pas l'ONU, la volonté d'extension non dite mais effective et continue, à la faveur des conflits armés ou pas, mérite d'être contesté.
   La résolution LERM récente divise jusque dans les rangs de juifs, croyants ou pas
          "...Chez LREM, moins de la moitié du groupe a pris part au vote : 84 députés ont voté pour, 26 contre, 22 se sont abstenus. Les Républicains (LR) ont apporté 46 voix.  C’est peu de dire que la résolution de Sylvain Maillard fracture la majorité. Soutenu à bout de bras par Gilles Le Gendre, président du groupe au Palais-Bourbon, et Stanislas Guerini, délégué général du mouvement, le texte voté par les députés indique que « critiquer l’existence même d’Israël en ce qu’elle constitue une collectivité composée de citoyens juifs revient à exprimer une haine à l’égard de la communauté juive dans son ensemble ». En clair : la définition de l’antisémitisme est élargie à l’antisionisme......Le même jour, c’est une autre tribune, cette fois-ci signée par 127 intellectuels juifs, et toujours publiée dans Le Monde, que plusieurs élus de la majorité s’étaient transmise. « Nous prions l’Assemblée nationale de ne pas soutenir une résolution qui assimile à tort l’antisionisme à l’antisémitisme, affirment les signataires, avec force arguments. Ne soutenez pas une résolution qui approuve la définition politisée de l’antisémitisme par l’IHRA, d’autant plus si elle le fait sans se distancier des exemples problématiques de la définition qui concernent Israël
    Autrement dit il serait interdit de critiquer Israël, sa politique extensive et coloniale du moment, maites fois condamnée.. C'est le suggère Esther Benbassajuive laïque parlementaire. Comment sortir de ce piège?  
   L'exclusion de l'autre, sous toutes ses formes, est une valeur bien partagée. Hélas!  ______      
             Depuis des temps indéterminés.A certaines époques plus qu'à d'autres. De l'ethnocentrisme diffus au racisme institutionnel, il y a bien des degrés dans le rejet psychologique, culturel, parfois physique de l'autre.  L'antisémitisme, en particulier, ne date pas hélas! d'aujourd'hui.
   Le dénoncer sous toutes ses formes est un devoir autant moral que civique  L'affaire est entendue. Comme toutes les autres formes de racisme, qui ne se limite pas à cet aspect.
   Ses formes le plus virulentes se développent le plus souvent sur un terreau favorable, quand la peur sociale domine, souvent amplifiée par des crises diverses, exploitée parfois politiquement pour détourner des colères, des frustrations. La théorie du bouc émissaires est maintenant mieux identifiée. 
  Mais se pose la question du comment. Comment protester au mieux, collectivement, sous forme de pétitions, par exemple. Sans tomber dans les approximations, les confusions, les amalgames, la polémique discutable.
    L'Appel récents des 300, à cet égard, s'est attiré nombre de critiques, certains ayant dû signer sans avoir lu le texte ou l'ayant seulement survolé.
   Il est des démarches qui peuvent être contre-performantes et, en mélangeant le vrai au faux, se retourner contre leurs auteurs en ne jouant pas dans le sens désiré.
      Surtout quand le sujet est sensible et déclenche trop d'erreurs historiques, d'a priori, de parti-pris, de polémiques masquées.
   Des amalgames aussi, basées sur trop d'approximations et de généralisations.
   Malgré les tensions récentes très médiatisées, parfois imprudemment, il semble que, s'il y a autant de préjugés (ce qui est difficilement mesurable), les actes de racisme en France ont plutôt tendance à diminuer et à être catalogués comme tel trop rapidement, comme dans le cas très litigieux de Mme Knoll.
  Il faut rester prudent et méfiant vis à vis des chiffres qu'on fait parler trop vite, sans tenir compte du contexte.
    Sans contester les véritables dérives, qui ne sont pas que salafistes, il faut tenir compte de l'arrière-plan politique auquel certains font référence sans le dire clairement.  Il y a une prise de parti et une confusion manifeste entre une cause noble et la défense d'une politique qui l'est moins. Des officines de Netanyahou au Crif, l'amalgame est largement diffusé; la critique de la politique sioniste actuelle serait une forme moderne de l'antisémitisme. 
    Il faut rappeler que  l’antisionisme n’est pas un antisémitisme réinventé. Beaucoup de Juifs eux-mêmes, religieux ou non, savent faire la distinction, en Israël ou ailleurs, entre l'Etat actuel sans frontières définies  et colonisateur et la politique menée depuis dix ans surtout pas l'équipe actuellement au pouvoirComme disait de manière raccourcie Esther BenbassaLa thèse de l’antisémitisme a été utilisée comme une arme pour rehausser l’image d’Israël et défendre sa politique. 
   L'histoire est souvent oubliée. Un certains nombre de Juifs européens, comme Buber ou Einstein, furent opposés déjà au mouvement sioniste naissant, dans toute sa rigueur initiale.
   Qu'il soit déjà ancien, de 610 à 1492, plus récent, de1300-1800 notamment, ou cruellement moderne, l'antisémitisme est une constante épisodique en l'Europe, sur fond historique de doctrine chrétienne ostracisante. Les problèmes de la Palestine et du “rêve brisé”   comme dit Charles Enderlin sont encore vifs.
     La grande confusion risque encore de durer, alimentée par un conflit qui s'éternise, de même que des amalgames et les non-dits.
        ...Amalgame entre antisionisme et antisémitisme qui assimile la contestation de la politique coloniale et raciale d’Israël à l’égard des Palestiniens (sans oublier les discriminations à l’égard des Falachas juifs d’Ethiopie et de la récente émigration africaine, commises notamment par les courants ultra-orthodoxes) à la dite « volonté de destruction des juifs » par des mouvements extrémistes au Proche-Orient. En oubliant que l’Etat israélien s’autoproclame « Etat juif » et s’arroge le droit de parler au nom des juifs du monde entier. Amalgame dont plusieurs personnalités « hors de tout soupçon »  ont fait les frais (Maspero, Charles Enderlin et tant d’autres) lorsque l’on a cherché à les faire condamner par la justice comme antisémites ou en les empêchant de continuer à exercer leur métier. De même pour tous ceux et celles, juifs et juives, qui ont subi diffamations ou calomnies publiques comme par exemple l’ex-ambassadeur et ancien déporté Stéphane Hessel, auteur du manifeste «  Indignez-vous », Edgar Morin ou l’ancien président du CRIF, Théo Klein dés qu’ils refusèrent de cautionner inconditionnellement la politique l’Etat d’Israël. Et dernièrement, l’actrice Natalie Portman, traînée dans la boue parce qu’elle avait refusé de participer aux cérémonies du prix Genésis ne voulant soutenir ni la politique de Netanyahou ni « la violence, la corruption, les inégalités et l’abus de pouvoir ».
     Il ne faut pas pour autant négliger, dans les prisons comme dans les quartiers que la République française nomme de « non droits », la progression d’idéologies salafiste et wahhabite, qui reprennent la « théorie du complot juif », revisitée par l’extrême-droite et relayée par les réseaux sociaux. Il faut rappeler que cette même république a été sourde aux appels de travailleurs sociaux – laïques et musulmans (mais pourquoi définirait-on certains citoyens par leur appartenance religieuse ?) pour lutter contre les prêches de ces imams. Cette même république a été sourde également aux études des anthropologues et des sociologues sur la montée des mouvements religieux servant de rempart ou de colmatage socio-éducatif au retrait des services publics et des pouvoirs régaliens dans certaines périphéries paupérisées. Les attaques contre la pensée critique, appelée par le manifeste pensée de la « gauche radicale »  réduisent les analyses des phénomènes de paupérisation et de ségrégation sociale – conjugués à la montée du consumérisme et au ressentiment de ne pas être du bon côté de la fracture – à une position idéologique. Les détracteurs de la pensée critique, eux, pensent si bien qu’ils parlent d’épuration ethnique pour désigner la fuite des quartiers paupérisés vers des quartiers plus « sécurisés » et gentrifiés de certaines fractions de la population juive. Quand, dans l’Afrique du Sud post-apartheid, des fractions aisées de la population noire ont quitté les townships pour des quartiers blancs, et que les Blancs ont déserté ces mêmes quartiers a-t-on parlé d’une « épuration ethnique..?____
      Contre l’antisémitisme, avec détermination et sang-froid.
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