mardi 14 avril 2020

Re-souveraineté?

Qui sont les néo-coronaconvertis?      
                                La question de la souveraineté, en ces temps où le phénomène de la mondialisation maximale est l'objet de profondes remises en question, voire de vives critiques, même de la part de certains de ceux qui la défendaient hier avec une foi inébranlable, revient au premier plan  
                  Par conviction ou par opportunisme? La question se pose, à l'heure ou l'Etat, par nécessité, reprend l'initiative, comme ce fut partiellement le cas lors de la crise de 2008, où les positions furent longtemps étroitement  contradictoires sur le sujet. Jupiter  parle de refondation et veux changer de logiciel! Chiche!

          Les récents coronaconvertis, qu'on n'attendait parfois pas, sont-ils crédibles à terme?
   Points de vue:
              ___ ".... La crise sanitaire que nous vivons a fait d’un coup exploser tous les verrous idéologiques et politiques, toutes les idées préconçues, toutes les réserves prudentielles que l’on pouvait opposer à une remise en question majeure de l’éco-système libéral et productif hégémonique depuis la crise des années soixante-dix. De fait, la modernisation de l’État-providence, telle que la concevait le projet macroniste au début de son quinquennat n’apparaît plus recevable intellectuellement ni politiquement praticable en l’état. Il faut changer de braquet, de paradigme, de philosophie de l’histoire et donc de politique, c’est aujourd’hui une évidence.   Toutes les grandes crises qu’a traversées notre pays à l’époque contemporaine ont débouché sur des reconfigurations essentielles de notre éco-système politique et social, à commencer par le choc initial de la Révolution française, qui nous a fait basculer de la société d’ordres à la société de classes, et de la monarchie absolue vers la démocratie représentative. Au sortir du second conflit mondial, en 1945, le modèle de la démocratie libérale issu du XIXe siècle s’est mué en une nouvelle démocratie plus sociale, plus solidaire, plus protectrice, qui s’est appelée l’Etat-Providence. Ce fut en France le fruit d’une évolution intellectuelle commencée dès les années 1920, jalonnée par les acquis du Front populaire, et que l’union nationale de la Libération a rendu possible, par la convergence des gauches, inspirant le Conseil National de la Résistance, et du dirigisme gaullien. La nationalisation de l’énergie, du transport et du crédit, la création de la Sécurité sociale, la création des comités d’entreprise furent les piliers de cette nouvelle démocratie qui se voulait protectrice et sociale, fondée sur la vigilance et l’interventionnisme d’un État à la fois planificateur, stimulateur et redistributeur.      Ce modèle qui avait fait rêver nos grands-parents a volé peu à peu en éclats à partir du moment où la crise des années soixante-dix a inoculé le virus du chômage de masse et de la stagflation dans les sociétés industrielles. Mais l’on voit bien à la faveur de cette crise sanitaire à quel point le remède néo-libéral, administré selon les lois aveugles de la financiarisation mondialisée, a été bien pire que le mal.         Ce que nous indique la crise actuelle, annoncée par celles qui l’ont précédées, c’est que l’Etat-Providence ne doit pas s’adapter aux contraintes de la mondialisation mais bien que la mondialisation doit s’adapter aux exigences de l’État-providence. Il est urgent de rapatrier vers la France un certain nombre d’industries délocalisées par la logique du profit. Il faut nationaliser un certain nombre de secteurs industriels stratégiques et investir massivement dans la réorganisation de notre système de santé, comme le réclament les professionnels depuis des décennies. Idem pour les enseignants, scandaleusement sous-rétribués par rapport à leurs homologues européens ou pour les forces de l’ordre, usées jusqu’à la corde par la crise des gilets jaunes.       Ce réinvestissement massif dans la fonction publique d’État, ces relocalisations, ces renationalisations auront bien sûr un coût, à l’instar des réformes déployées à l’origine de l’État-providence.... 
          __ "...  Nous avons besoin de plus de production de ressources en France et donc d'une adaptation des lois et codes, plus d'affinage et de métallurgie des métaux stratégiques (comme c'était le cas en France avec le Comptoir-Lyon-Alemand-Louyot avant que son actionnariat ne le fasse sauter à la dynamite pour vendre ses stocks de métaux stratégiques), plus de travail dans l'acier en France et en Europe, plus de production dans les turbines énergétiques comme le faisait Alstom en France et en Europe et jusqu'à plus d'usines de machines à laver en France et en Europe. L'ensemble de ces « plus » deviennent une autosuffisance désirée et des emplois choisis, c'est-à-dire les nouveaux dividendes du capitalisme de souveraineté qui n'est pas donc l'antithèse de l'union européenne. Certes, c'est une renaissance moins rémunératrice pour l'actionnaire individuel mais plus enrichissante pour la communauté. A l'image des scientifiques qui effacent magistralement leurs egos et coopèrent pour lutter contre le coronavirus, les politiques devront coopérer pour se sauver de la crise ?
   Bien que nous ne connaissions pas encore le pic de cette crise dont nous espérons pourtant commencer à sortir en fin du deuxième trimestre de cette année, les indicateurs sont mauvais : le marché automobile est attendu à -25 %, le tourisme, et donc l'aéronautique, est prévu en difficulté pendant deux ans, avant de retrouver le « monde d'avant », les statistiques avancées d'achats indiquent une récession et sont historiquement bas en Italie. Dans ces conditions, il est impossible pour les États européens de démarrer un nouveau modèle de capitalisme de souveraineté sans accommodements, sans mutualisation d'une nouvelle dette dont la trajectoire sera stratosphérique. La Banque centrale européenne (BCE) doit avoir un nouveau rôle, gérer cette nouvelle dette, sans exclure de l'effacer d'une manière ou d'une autre, sans nouvelle taxe.
            Nous ne connaissons pas encore le pic de la crise, mais la Chine sort déjà du marasme, son indice d'achats est supérieur à 50. Depuis 30 ans, son intelligence économique a entièrement tourné ses doctrines agricoles, énergétiques et métallurgiques et minières vers sa souveraineté, elle en est championne du monde.
          Il faut donc nous activer car son industrie va bénéficier avant la nôtre d'avantages compétitifs liés aux prix des ressources naturelles. Ceux des métaux sont affaiblis sauf l'or. Les cotations des matières premières agricoles baissent également sauf celles liées au stockage (l'huile de palme, le blé, le thé, le café, le riz). Le prix du gaz naturel est historiquement bas (sous les 2 dollars), le pétrole entre 20 dollars et 30 dollars est déjà surstocké un peu partout. Il tombera à 10 dollars, à moins que plus d'aires de stockage deviennent disponibles et, surtout, si une alliance inédite entre Washington, Toronto, Moscou et Riyad marginalise la guerre énergétique et abaisse de 10 % à 15 % l'offre mondiale d'hydrocarbures. Mais forcer la baisse de la production privée états-unienne est  légalement très hypothétique. De plus, cette cohabitation entre capitalisme privé du pétrole de schiste très endetté et Etats de l'OPEP et OPEP+ porterait le risque d'une méga crise obligataire chez les producteurs nord américain.Avec de tels handicaps, muter d'un ancien capitalisme vers un nouveau rencontre au moins  deux obstacles, l'un technique l'autre moral
           Le premier problème de la souveraineté est sa dimension. Trop courte et elle réplique notre situation de dépendance lamentable liée au laissez-faire d'aujourd'hui, qui s'incarne par des États qui se font une guerre de pirates pour des masques sur des aéroports chinois ; c'est ce que j'ai nommé il y a déjà bien longtemps la « consommation compétitive » dans le cadre de la doctrine des métaux stratégiques lié aux énergies renouvelables. Trop longue et la souveraineté impose la fin de l'interdépendance organisée qui garantit une paix entre nations, notamment celle chère à l'Union européenne. Le curseur a des conséquences populistes évidentes, il doit trouver un juste milieu et sera d'ailleurs différent selon les pays.
        Deuxièmement, il n'y a pas deux mois, l'expression «souveraineté industrielle ou économique » était un oxymore pour les mêmes qui la revendique aujourd'hui. Abandonner la mondialisation et endosser bravement cet autre modèle n'est pas si simple. « Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré », n'est pas Clovis qui veut. Avant de devenir le bâtisseur de nouvelles doctrines industrielles, énergétiques et agricoles souveraines, avant de muter en un crédible mystagogue de la doctrine du capitalisme souverain, il faut en avoir été un vrai guerrier. C'est à dire être dans l'idée de « l'étrange défaite » de Marc Bloch, avoir souffert dans sa chair d'étranges défaites économiques, en avoir subi les conséquences : être une gueule-cassée de la mondialisation, un blessé du licenciement ou avoir été un mort industriel ; bis repetita: Péchiney, Comptoir-Lyon-Alemand-Louyot, Metaleurop, l'uranium, le nickel, Alstom, le ciment, etc.
          Ces hommes là savent ce que souveraineté veut dire, ils ont éprouvé et résisté à son absence, tout comme les experts de l'intelligence économique qui ont déjà et depuis longtemps dénoncé avec sagesse et réflexions les fausses vérités de la dépendance industrielle. Les inclurent pour bénéficier de leurs vécus est indispensable. Agir différemment, avec indifférence, sera toujours comme être entre deux hésitations, indécis entre deux communicants et cela pousse à la révolte..."
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