jeudi 2 avril 2020

Sécurité et libertés

Vigilance citoyenne
                                    " Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux."
        A l'heure où nous vivons (mal) une restriction sévère de certaines de nos libertés, il est bon de faire quelques rappels simples.

   La liberté est un absolu et les libertés civiles et politiques constituent des valeurs qu'il est toujours nécessaire de défendre, dans une histoire qui les remodèle et les redéfinisse sans cesse.  Mais il n'y a pas de libertés sans lois, comme le signale Rousseau. Sans lois justes et équitables, démocratiquement établies et véritablement appliquées, toujours améliorables.
   Mais cet équilibre entre liberté et obéissance, soumission réfléchie  aux lois; est toujours imparfait et parfois menacé. Il doit toujours être repensé.
   Parfois, il arrive que les pouvoirs sortent des limites qui leur sont assignées et que l'arbitraire et des intérêts privés  viennent à s'imposer ou à entraver les libertés ou que les valeurs sécuritaires prennent le pas, provisoirement ou plus durablement, sur les libertés fondamentales
    En des temps d'exception, il arrive qu'il faille restreindre certaines libertés pour le bien commun, parfois de manière urgente. Comme en ces temps dits "de guerre", où pour le bien de tous, la force de l'Etat s'octroie, après débat en assemblée ou dans l'urgence, de limiter la liberté d'aller et venir, de se rassembler. On comprend facilement les raisons de cette dérogation qui doit rester temporaire.
  Mais le droit de presse et le droit à la libre critique ne doivent pas, eux, être jugulés. Comme en temps de guerre où souvent la première victime est souvent la vérité, où la propagande prime sur l'analyse lucide et informée.
  A période d'exception, droit exceptionnel. Pour un temps déterminé qui doit faire l'objet d'un débat.
   En 1914, le parlement a réussi  à conserver l'essentiel de ses prérogatives, tant bien que mal.
      Certains s'inquiètent de l'étendue des pouvoirs discrétionnaires que l'Etat peut s'octroyer parfois:
 La loi du 23 mars s’inspire, elle, de la loi de 1955 prise au début de la guerre d’Algérie, et accorde au premier ministre des pouvoirs importants, sans autorisation judiciaire, qui lui permettent de limiter la liberté d’aller et venir, de se réunir, d’entreprendre et lui donnent la possibilité d’ordonner toute réquisition de biens ou de services : des « pouvoirs exorbitants » pour la Ligue des droits de l’homme, et ce « régime d’exception, par nature..
   Le droit du travail se trouve provisoirement restreint ou revu. On en comprend la nécessité pour un temps limité, avant une restauration progressive des règles communes.
 C'est aux organismes régulateurs et aux citoyens d'être vigilants et de pas devenir passivement victimes de restrictions du droit du travail, de surveillance généralisée à la chinoise, de l'arbitraire de pouvoirs profitant du désarroi et de la peur parfois instillée, comme le voyait déjà Machiavel. Instrumentaliser la crainte réelle ou fabriquée est la pire pratique d'un pouvoir qui veut avoir les coudées franches, contrôler durablement les masses.
  Bush et les néoconservateurs ont abusé de la loi Patriot Act à la faveur des mesures prises après les attentats de New York. Pire, aujourd'hui en Hongrie, V.Orban s'est octroyé quasiment les pleins pouvoirs à la faveur des mesures de confinement. Il remercie le coronavirus, venu fort à propos.
  Les risques ne sont pas abstraits. La vigilance citoyenne s'impose toujours. Les circonstances exceptionnelles peuvent être l'occasion de dérapages sévères, comme l'article 16, toujours en vigueur dans notre constitution. L'examen des mesures prises parfois n'est pas un luxe, car les failles ou ses détournements du droit peuvent se glisser partout.
  Et les techniques de manipulation ne manquent pas.
 La sécurité est nécessaire, mais pas prioritaire en droit, toujours subordonnée qu'elle doit être aux valeurs de liberté.
                 “Nous vivons une période extraordinaire. […] Le coronavirus indique une transformation radicale, du type qui ne se produit qu’une fois par siècle et qui fait éclater toutes les idées communes d’avant. Toutes les conditions qui ont mené à la Première Guerre mondiale, puis à la crise économique de 1929 sont à nouveau réunies. Depuis des décennies, la désindustrialisation, la délocalisation des emplois, puis l’automatisation ont privé de nombreux travailleurs de leur sentiment de sécurité et de leur dignité, ce qui, dans les pays occidentaux, les a rendus vulnérables aux démagogues. Dans le même temps, le ralentissement de la modernisation économique ou le processus bâclé d’urbanisation lancé par les puissances ‘en rattrapage’ comme l’Inde ou la Russie ont créé, de façon prévisible, la base politique pour des figures et des mouvements d’extrême droite.
     Cette crise remet l’État au centre. Mais il serait judicieux de se souvenir que,] entre la Première et la Seconde Guerre mondiale, l’État a tellement pris le contrôle de ses citoyens que certains pays sont carrément devenus fascistes. L’histoire des guerres et des génocides dans la première moitié du XXe siècle nous apprend que l’accumulation de ‘bio-pouvoir’ – la technologie de contrôle et de manipulation d’un grand nombre d’humains – peut permettre des crimes épouvantables. De toute évidence, les techniques de surveillance à la disposition de l’État contemporain, comme cela est manifeste en Chine, ne peuvent que limiter encore davantage les droits humains et les libertés. Le Léviathan est de retour.” (Pankaj Mishra)
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