La vague de protestation qui gagne les grandes villes des USA constitue-t-elle un virage décisif dans le mandat de Trump et donc dans l'histoire des USA?
Difficile à dire, tant les réactions sont diverses et parfois instrumentalisées, même si pour l'essentiel elles sont une manifestation inédite après l'assassinat de Floyd
C'est comme si le passé ne passait pas, après Détroit et 1968
Le Covid-19 a agi comme un révélateur qui a réactivé certaines plaies internes, pas seulement raciales.
Quand le Président brandit la bible, le fusil n'est pas loin..
*Points de vue:
___A Minneapolis, tout semblait calme, mais..."derrière la courtoisie affichée, se cache une tout autre réalité : l’agglomération des Twin Cities est aussi classée quatrième pire endroit pour les Noirs américains, dont les revenus y sont plus faibles que dans les années 1970, alors que la situation économique des blancs s’y est améliorée depuis la crise de 2008. De plus, Minneapolis affiche le plus faible taux d’accession à la propriété des Afro-Américains de tout le pays. Ce faible taux de propriétaires noirs est, en partie, le fruit d’une discrimination officielle au logement (au travers de « conventions raciales » surnommées les Jim Crow du Nord) qui a perduré jusqu’en 1953, l’accession à la propriété étant un facteur important d’accumulation de richesse au fil des générations. L’arrivée de nombreux réfugiés somaliens dans les années 1980 et 1990 n’a fait qu’accentuer cette situation, faisant même naître un sentiment anti-immigrés chez certains blancs. Les plus progressistes, qui se montrent ouverts à la culture afro-américaine, ne sont pourtant guère conscients de cette réalité. Cela fait partie de ce que certains experts ont appelé le paradoxe du Minnesota, parfaitement illustré par la phrase de l’ancien basketteur professionnel Jalen Rose : « J’aimerais que les gens aiment les Noirs autant qu’ils aiment la culture noire.“
"... Lorsqu’il fut élu, Barack Obama, premier président noir à accéder à la présidence des États-Unis, promettait une Amérique enfin débarrassée de ses profondes tensions raciales. Ces tensions, aussi anciennes que la République américaine, ne se sont jamais résorbées. Elles puisent leur origine dans l’esclavage (dix des douze premiers présidents états-uniens possédaient des esclaves), mais aussi dans des décennies de ségrégation méticuleuse et de criminalisation des Noirs. L’élection d’Obama en novembre 2008 fut même considérée comme l’avènement d’un pays enfin « post-racial », voire la victoire ultime du mouvement des droits civiques, qui lutta dans les années 1950 et 1960 pour l’égalité réelle et l’accès au vote des Noirs américains. Son deuxième mandat fut pourtant marqué par une série de meurtres policiers, souvent documentés par des images incontestables, qui déclenchèrent de 2012 à 2016 une série de soulèvements et de contestations des violences policières, organisés par Black Lives Matter (« Les vies noires comptent »).
Ce réseau diffus a poussé une génération radicale de jeunes Noirs à l’action et a participé à la résurgence actuelle de l’activisme aux États-Unis Le mouvement, dont les leaders épuisés ont parfois payé très cher leur engagement, s’était retrouvé dans les basses eaux au début du mandat de Donald Trump, pourtant le président contemporain le plus ouvertement raciste que les États-Unis aient élu. Depuis 2017, certaines meurtres, comme l’assassinat du jeune Stephon Clark à Sacramento, en Californie (lire notre reportage), avaient parfois relancé la discussion sur les violences policières. Dans le même temps, certains départements de police, comme à Chicago (Illinois), New York ou Saint-Louis (Missouri), avaient commencé, même timidement, à réviser leurs pratiques notoirement brutales et historiquement racistes envers les Noirs.
La semaine où les États-Unis atteignaient les 100 000 morts du Covid-19, une pandémie qui a précipité 40 millions d’Américains dans le chômage – statistique inédite depuis la Grande Dépression du début des années 1930 –, le pays a basculé dans une nouvelle crise qui révèle à nouveau toute l’ampleur des tensions raciales dans l’Amérique de Donald Trump. Tout a commencé par le meurtre policier d’un homme noir de 46 ans, George Floyd, le 25 mai, à Minneapolis (Minnesota). Sur la séquence tournée par un témoin, et qui a fait le tour du monde, son meurtrier, le policier Derek Chauvin, presse la gorge de Floyd pendant huit minutes avec son genou, alors que Floyd, la tête de côté sur le sol, lui explique qu’il ne peut plus respirer. Même si Chauvin a depuis été arrêté, inculpé pour meurtre au troisième degré et homicide involontaire – ce qui reste une rareté aux États-Unis –, le pays s’est embrasé en une semaine. Selon un décompte du New York Times, des manifestations de protestation, souvent pacifiques, parfois émaillées d’actions violentes contre les personnes et de dégradations, ont surgi dans 140 villes états-uniennes. Vingt-et-un États sur 50 au moins ont fait appel à la garde nationale, et plus de 4 000 personnes ont été arrêtées au cours du week-end. À ce stade, selon notre décompte, trois morts seraient à déplorer, à Louisville (Kentucky), Indianapolis (Indiana) et Detroit (Michigan). Lorsqu’il fut élu, Barack Obama, premier président noir à accéder à la présidence des États-Unis, promettait une Amérique enfin débarrassée de ses profondes tensions raciales. Ces tensions, aussi anciennes que la République américaine, ne se sont jamais résorbées. Elles puisent leur origine dans l’esclavage (dix des douze premiers présidents états-uniens possédaient des esclaves), mais aussi dans des décennies de ségrégation méticuleuse et de criminalisation des Noirs. L’élection d’Obama en novembre 2008 fut même considérée comme l’avènement d’un pays enfin « post-racial », voire la victoire ultime du mouvement des droits civiques, qui lutta dans les années 1950 et 1960 pour l’égalité réelle et l’accès au vote des Noirs américains. Son deuxième mandat fut pourtant marqué par une série de meurtres policiers, souvent documentés par des images incontestables, qui déclenchèrent de 2012 à 2016 une série de soulèvements et de contestations des violences policières, organisés par Black Lives Matter (« Les vies noires comptent »). Ce réseau diffus a poussé une génération radicale de jeunes Noirs à l’action et a participé à la résurgence actuelle de l’activisme aux États-Unis. Le mouvement, dont les leaders épuisés ont parfois payé très cher leur engagement, s’était retrouvé dans les basses eaux au début du mandat de Donald Trump, pourtant le président contemporain le plus ouvertement raciste que les États-Unis aient élu. Depuis 2017, certaines meurtres, comme l’assassinat du jeune Stephon Clark à Sacramento, en Californie (lire notre reportage), avaient parfois relancé la discussion sur les violences policières. Dans le même temps, certains départements de police, comme à Chicago (Illinois), New York ou Saint-Louis (Missouri), avaient commencé, même timidement, à réviser leurs pratiques notoirement brutales et historiquement racistes envers les Noirs.
La semaine où les États-Unis atteignaient les 100 000 morts du Covid-19, une pandémie qui a précipité 40 millions d’Américains dans le chômage – statistique inédite depuis la Grande Dépression du début des années 1930 –, le pays a basculé dans une nouvelle crise qui révèle à nouveau toute l’ampleur des tensions raciales dans l’Amérique de Donald Trump. Tout a commencé par le meurtre policier d’un homme noir de 46 ans, George Floyd, le 25 mai, à Minneapolis (Minnesota). Sur la séquence tournée par un témoin, et qui a fait le tour du monde, son meurtrier, le policier Derek Chauvin, presse la gorge de Floyd pendant huit minutes avec son genou, alors que Floyd, la tête de côté sur le sol, lui explique qu’il ne peut plus respirer. Même si Chauvin a depuis été arrêté, inculpé pour meurtre au troisième degré et homicide involontaire – ce qui reste une rareté aux États-Unis –, le pays s’est embrasé en une semaine. Selon un décompte du New York Times, des manifestations de protestation, souvent pacifiques, parfois émaillées d’actions violentes contre les personnes et de dégradations, ont surgi dans 140 villes états-uniennes. Vingt-et-un États sur 50 au moins ont fait appel à la garde nationale, et plus de 4 000 personnes ont été arrêtées au cours du week-end. À ce stade, selon notre décompte, trois morts seraient à déplorer, à Louisville (Kentucky), Indianapolis (Indiana) et Detroit (Michigan). Manifestation à Houston, le 29 mai 2020. © Agence France Presse Manifestation à Houston, le 29 mai 2020. © Agence France Press De nombreuses villes ont imposé un couvre-feu. Le New Yorker évoque déjà « les pires émeutes depuis une génération » : par leur intensité et leur ampleur, elles dépassent les épisodes les plus intenses du mouvement Black Lives Matter. Et elles ne semblent pas près de s’éteindre, tant la colère et l’indignation sont profondes. Cette semaine, déjà historique, fut un tourbillon. Un moment de nombreuses manifestations pacifiques et solidaires dans les villes du pays, contre l’impunité policière et le suprémacisme blanc, mais aussi un déferlement de violences policières, documentées par les réseaux sociaux, comme à New York, où une voiture de police a chargé les manifestants, jusqu’aux petites villes de Salem (Oregon) ou Omaha (Nebraska) Une cinquantaine de journalistes ont été ciblés par des balles en caoutchouc et des lacrymogènes, parfois mis en joue ou arrêtés en plein tournage. Certaines manifestations ont été émaillées de violences gratuites contre des personnes (avec des stupidités totales, comme cette attaque sur le campement d’un sans domicile fixe d’Austin (Texas) dont le matelas a été brûlé) et des dégradations de biens privés, comme à Los Angeles, dans les quartiers chics de Santa Monica ou Long Beach. À Minneapolis, où la contestation a éclaté, un commissariat a été totalement incendié. Une image du sinistre, semblant surgie d’un film, a fait le tour des réseaux sociaux. Dans la même ville, un camion a chargé des centaines de manifestants sur l’autoroute sans provoquer de blessés. Son conducteur a été molesté, mais sa vie n’est pas en danger. Dans le sud états-unien, à Richmond (Virginie), Charleston (Caroline du Sud) ou Birmingham (Alabama), des monuments confédérés célébrant l’héritage de l’esclavage ont été ciblés. Dans le même temps, des scènes inédites ont vu le jour. La cheffe de la police d’Atlanta (Géorgie) est venue dire sa solidarité aux manifestants. À New York, en Floride, à Seattle (Oregon), à Spokane (Washington) ou dans l’Oklahoma, des policiers se sont agenouillés face aux manifestants en signe d’apaisement, un geste inédit. Dans le Michigan, un shérif est venu manifester avec les protestataires. Ces gestes inattendus, relayés par nombre de médias, marquent une première, mais ils sont accueillis avec méfiance par nombre d’activistes ou de commentateurs de gauche, qui y voient un coup de com’, alors que d’autres policiers, dans les mêmes villes, s’en prennent aux manifestants.
Pendant ce temps, Donald Trump a fait comme à son habitude : tweetant frénétiquement, il a incité à l’escalade contre les « racailles », au lieu de chercher un apaisement. « Quand les pillages commencent, les tirs commencent », a-t-il menacé vendredi 29 mai, justifiant la répression en utilisant une formule proférée dans les années 1960 par le chef de la police de Miami (Floride) contre les manifestants des droits civiques. Alors que les manifestants encerclaient la Maison Blanche, le président s’est réfugié ce soir-là dans un bunker au cœur du bâtiment, normalement réservé aux attaques terroristes. Dimanche 30 mai, il a déclaré vouloir ajouter le mouvement antifasciste, qu’il nomme « Antifa » comme s’il s'agissait d’un seul groupe, sur la liste des organisations terroristes. « Les antifas, ce n’est pas une organisation, a réagi Lee Carter, un élu socialiste de Virginie. Il n’y a pas de membres et pas de leaders. Il s’agit d’un blanc-seing délivré aux “feds” [autrement dit les agents du FBI – ndlr] pour appréhender tous ceux qu’ils jugent politiquement dérangeants, au nom des lois antiterroristes qui vous privent de quasiment tous vos droits constitutionnels. »
Le président réclame le retour de « la loi et l’ordre », un vieux slogan des républicains déjà utilisé par le président Nixon lors de l'élection présidentielle de 1968. Il continue de tancer les médias, qualifiés de « fake news », et exhorte les gouverneurs des États à la répression musclée, tandis que « sa » chaîne Fox News décrit une Amérique au bord du chaos. Lundi 1er juin, lors de sa première sortie télé, le président a menacé d'envoyer l'armée sur son propre peuple, avant d'ordonner le gazage des manifestants près de la Maison Blanche. Puis il a posé une Bible à la main devant l'Eglise Saint-John, l'église des présidents américains, endommagée au cours du week-end. Pendant ce temps, son adversaire démocrate à la présidentielle de novembre, Joe Biden, a prononcé quelques mots, évoquant une « nation furieuse face à l’injustice », et condamné les émeutes violentes, s’aventurant au-dehors de sa résidence du Delaware, où il est confiné depuis le mois de mars pour parler à un manifestant de sa ville. L’ancien vice-président démocrate de Barack Obama est persuadé que Donald Trump, après sa gestion catastrophique du coronavirus et alors qu’une crise économique et sociale historique point aux États-Unis, est en train de perdre toujours plus de terrain en vue de l’élection présidentielle du 3 novembre. Chaque jour qui passe montre probablement l’incompétence et la toxicité du président américain. Il continue pourtant d’occuper le terrain et se pose plus que jamais en rempart du « peuple » américain. Impossible à ce stade de dire si cela lui profitera, ou bien si ces manifestations massives marquent le début de la fin pour le 45e président des États-Unis...."
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