Il y a virus et virus
Il en est un qu'on attrape souvent très tôt. Parfois dès l'enfance. Et qui dure le plus souvent, qui ne vous lâche plus. Heureusement sans faire de dégâts, au contraire. Il s'accompagne souvent d'une excellente forme physique et psychique ce qui paraît paradoxal. Rien à voir avec les effets de celui qui nous obsède actuellement et qui pourrit la vie des gens. Je veux parler du vélo-virus. Qui se développe aussi à la faveur du méchant virus, qui vient parfois au secours de ses victimes. Virus contre virus. Cette affection déjà ancienne, cette passion consistant à chevaucher sa monture d'acier, à la mener loin dans la campagne, à oublier le quotidien, à pédaler, même sans but, en perdant la notion du temps, en cultivant même une certaine euphorie, en s'abstrayant des soucis du moment, seul ou en groupe..,celle que chantait Yves Montand. "Quand je pédale, je tourne rond" disait un écrivain. On ne peut en dire autant du virus qui nous frappe méchamment et pourrit nos vies. Les médecins vous le diront: ne pas faire de vélo, c'est dangereux pour la santé.
Ce virus ne connaît pas de frontières. Comme l'autre. Quand on l'a attrapé quand on était petit, on peut difficilement s'en passer. Il n'y a pas beaucoup d'antidotes. Les endomorphines font leur oeuvre et contribue à une certaine sagesse vélocipédique. On dit que Socrate marchait beaucoup dans les rues d'Athènes, et, à l'occasion d'une discussions de rencontre, il lançait mine de rien ses interlocuteurs sur des sujets qui n'étaient pas au niveau des pavés: Qu'est-ce que la vérité? la justice? la beauté?..ces questions surgissaient d'elles-mêmes au bout d'un certain temps, pas toujours résolues, mais au moins mieux posées. Sans en avoir l'air, il pratiquait une certaine ironie bienveillante et pédagogique, propre à déstabiliser son interlocuteur et à l'aider à reconsidérer son point de vue, surtout par des interrogations orientées provoquant le doute et la remise en question. Certes, la machine velocipédique n'était pas encore d'actualité, qui aurait pu aider le futur exclu de la cité à étendre son pouvoir d'influence. ___ Karl Drais et les autres viendront plus tard, avec leurs machines à évasion, à rêver, à s'auto-propulser vers d'autres horizons. Si Platon aussi réfléchissait pedibus cum jambis, pour le cyclosophe Guillaume Martin, graine de champion, le guidon et la pensée sont compatibles. La pensée lui vient en roulant, même à fond la caisse. Certains autres en font aussi une machine à penser et à équilibrer les émotions, à activer les neurones.
____ Le vélo, c'est tout bon.
Et c'est bon pour tout et pour tous
La cardiologue vous le dira, l'écologiste aussi, sans parler de l'urbaniste avisé. La bagnole n'a plus d'avenir en ville.
Mais ça sert aussi à régénérer les neurones, à stimuler la pensée, et finalement à tourner rond.
Suffit pas d'en parler.
Du moins si on ne joue pas son Pantini, certaines substances à l'appui.
Pour un philosophe, ça va plus loin, ça aide à mieux penser et à aller à l'essentiel. Ça génère une attitude d'esprit particulière et souvent des idées neuves surgissent en roulant, re-cyclant celles qui, usées, sont un poids pour l'esprit, une inertie épistémologique.
Déjà Socrate l'aurait dit...si l'on en croit Francis, qui voit dans la pratique cycliste plus qu'une passion possible, mais aussi un entrainement à la pensée renouvelée. Sans être un super-champion. Si on ne reste pas la tête dans le guidon.
Le vélo peut aider à réconcilier le corps et l'esprit, la théorie et la pratique et à stimuler une certaine sagesse du corps, les deux étant interdépendants, comme le reconnaissait Nietzsche.
Mais on peut avoir aussi le nez dans le guidon, devenir une machine roulante obsédée par la performance, c'est possible aussi.
Guillaume est plutôt dans la lignée d’Alfred Jarry, Jules Renard, Cioran ou encore Maurice Leblanc, grands écrivains cyclistes, Bernard Chambaz allie dans cet essai souplesse des mots et ressort de la pédale. Mouvement, espace, durée, effort : tous les amateurs, passionnés, fous de vélo, trouveront au fil des réflexions de l’auteur de quoi réfléchir à leur tour sur des notions pour eux bien concrètes. Car détrompons-nous : le vélo n’est pas détaché des idées ! De concept en concept, convoquant avec espièglerie les plus grands philosophes – Heidegger, Kant, Spinoza ou encore Husserl –, Bernard Chambaz dévoile une autre facette du vélo : celle d’un objet qui prolonge notre être et nous donne à penser....
Descartes faisait aussi du vélo. Sans aucun doute.
Et il a des émules, comme Eric Fottorino, qui dit justement: le vélo est un jeu d'enfant qui dure longtemps. Même comme ancien directeur du Monde.
Il roule et il pense. Plus ou moins bien, mais il le fait:
Même si c'est souvent, à un certain niveau, penser ou panser. La chute n'est pas exclue. Mais il faut savoir aventurer sa vie, comme disait un certain penseur.
L'expérience intime du vélo nous ramène à Descartes: pedalo, ergo sum...
Il n'y a pas que la santé et le loisir qui comptent. Depuis le début, la petite reine occupe souvent la pensée des hommes.
Comme disait l'autre: Quand je pédale je tourne rond...
Qui veut penser plus loin ne ménage pas sa monture
________________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire