jeudi 24 juin 2021

Arrêter les enfants?

 Le grand défi

               Même si l'hyper-croissance démographique inquiète les démographes, particulièrement dans les pays les plus pauvres, la dénatalité nous guette et touche déjà de nombreux pays, pour ne pas parler de la Chine où elle pose des problèmes spécifiques .Pour F.Bayrou, il faut des bébés pour sauver notre modèle social. Est-ce une bonne idée quand on évoque une décroissance nécessaire et qu'on redoute des catastrophes climatiques futures?          Des injonctions contradictoires nous hantent déjà. A Pékin, c'est une question de puissance qui se pose avec la perspective d'un vieillissement inéluctable de la population. Un problème apparemment insoluble ou en tous cas très compliqué, qui se pose aussi au Japon, en Allemagne....

      ___ Point de vue:   "...La fécondité est déjà en-dessous d’1 enfant par femme dans certains pays comme la Corée. Ce plancher pourrait être bientôt atteint par la Chine ou encore par l’Italie d’après-Covid. Qu’est-ce à dire ? Cette année, 600 000 Italiennes ont donné le jour à autant d’enfants, dont environ 300 000 filles. Ces dernières, dans une trentaine d’années, donneront à leur tour le jour à 150 000 filles, lesquelles engendreront 75 000 filles aux environs de 2080. Autrement dit, si la fécondité italienne se stabilise aux alentours d’un enfant par femme, le peuple qui a donné le jour à Michel-Ange et Raphaël aura disparu à la fin du siècle. Disons pour être plus précis qu’il ne sera quasiment plus représenté que par des vieillards nés au début de ce siècle....     Ne comptons pas sur les robots et l'automatisation pour suppléer au manque de bras et de cerveaux. Les machines augmentent la productivité des travailleurs mais ne peuvent remplacer totalement ceux-ci ni assurer la redistribution des richesses vers les inactifs. Ne comptons pas non plus sur les immigrants. Ils ne peuvent pas combler les déficits des caisses de retraite, comme l'ont démontré par l'absurde les démographes de l'ONU, que cite le rapport Bayrou (Les migrations de remplacement : solution au déclin et au vieillissement des populations ?) : leurs cotisations bénéficient aux retraités d’aujourd’hui mais nullement à ceux de demain et eux-mêmes sont appelés à vieillir et piocher dans les caisses de retraite...;Le Haut-Commissariat au Plan insiste donc sur la nécessité de maintenir la natalité à un niveau satisfaisant pour garantir la perpétuation de notre modèle social. Il s'illusionne toutefois en opposant le modèle français de la redistribution au modèle anglo-saxon de la capitalisation. Dans le premier cas, les besoins liés au chômage, à la santé et à la vieillesse sont financés par les cotisations prélevées sur les revenus des actifs ; dans le second par l'épargne des intéressés. Mais dans les deux cas, on se ramène à un prélèvement sur la richesse nationale future. Peu importent donc le mode de prélèvement et les taux de cotisation. L'important pour le maintien de notre prospérité commune est de s'assurer que notre production de biens sera suffisante pour subvenir aux besoins de tous : actifs et inactifs.    La richesse nationale est la somme des valeurs créées par les producteurs : paysans, ouvriers, ingénieurs, informaticiens, etc. Ces producteurs génèrent une valeur ajoutée dix ou vingt fois supérieure à leur rémunération du fait d'une très haute productivité liée à leur savoir-faire et à leur organisation. La différence est redistribuée sous la forme de services de confort (coiffeurs, livreurs de pizzas, journalistes, etc.), de services sociaux (santé, aides sociales) ou de services régaliens (police, administration). La valeur créée par les travailleurs de ces services-là est rarement supérieure à leur rémunération du fait de leur faible productivité (coiffeurs, livreurs et journalistes ne font pas plus de prestations à l'heure en France qu'en Égypte ou au Mali).     Notre modèle social et notre prospérité commune dépendent en définitive du nombre et surtout de la qualité des futurs producteurs. Ceux-ci se recruteront parmi les enfants nés ou à naître, moins sûrement parmi les pauvres hères qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie...

                        _____L'évolution démographique dans le monde pose des problèmes théoriques et pratiques d'un nouveau genre, qu'on peut  considérer comme difficilement solubles dans l'état actuel des choses.  Même si elle est inégale selon les continents et les pays, si elle a régressé ou s'est stabilisée ici ou là, elle continue à faire son chemin, et, sauf événement majeur, devrait continuer à atteindre des sommets, au regard des limites des ressources de la planète, pensables actuellement.

   
           Même si certains sont (relativement) optimistes quant à la capacité de subvenir aux besoins humains dans d'autres conditions, si les naissances se "régularisent" ici ou là, si l'éducation des femmes (la clé de la natalité) peut encore largement progresser dans d'importantes parties du monde, si le sort économique de populations les plus démunies s' adoucit (il y a un lien entre le nombre des naissances et le niveau des ressources), même si on généralise l'éducation à la limitation des naissances surtout où cela s'impose le plus...il n'en reste pas moins qu'on voit mal comment ralentir drastiquement le niveau de population mondiale, qui semble avancer pas inertie comme un pétrolier géant continuant longtemps sa course avant arrêt définitif.
   Evidemment de nombreuses inconnues demeurent et les démographes ne sont pas toujours d'accord entre eux. (*) Il y a les paramètres, si nombreux, mais aussi les fantasmes.
       On ne tient pas toujours compte des problèmes économiques et politiques de répartition des ressources naturelles et de la fluctuation des marchés qui évoluent encore au gré de la spéculation.     Le problème des ressources est, surtout dans de nombreux cas, celui de l'accès aux biens essentiels, la répartition de ces biens sur une planète où l'on gaspille beaucoup et où la surconsommation d'une partie de la population met en péril la sous-consommation, chronique ou durable, de la plus grande partie de l'humanité. Même si des avancées se font jour, mais si limitées.
    De plus se greffe là-dessus la question des dérèglements climatiques, qui semblent non seulement durer mais aussi s'amplifier, qui vont mettre en péril certaines populations contraintes au déplacement et de grandes zônes d'activité agricole, notamment en bordure de mer, dont la montée  déjà constatée peut compromettre définitivement toute implantation durable dans certaines régions. Sans compter sur les périodes de sécheresse qui pourraient affecter durablement certaines zônes continentales prospères par déficit d'eau et par érosion des sols, comme en Californie.
     Bref, en prenant en compte certaines données seulement, sûres ou hautement probables, on voit mal comment notre pauvre terre (qui en a vu d'autres!), la seule en notre possession, pourrait résister à la pression de plus en plus grande de ce que certains ont appelé une bombe démographique, qui pourrait être source de désordres majeurs notamment en matière de déplacements massifs de populations désemparées.
     Sans être étroitement malthusien, on ne peut se voiler la face. Si on ne sait pas à combien de milliards d'hommes la démographie humaine pourrait décemment s'élever, à condition que disparaissent les inégalités criantes qui tendent à s'amplifier au niveau mondial, on peut être sûr qu'une croissance aussi exponentielle des naissances, surtout là où les ressources sont ou se font les plus rares, posera des problèmes de plus en plus insolubles.
       Faut-il alors arrêter de faire des enfants pour préserver, non seulement l'environnement, mais aussi la survie de notre espèce?
   Question absolument nouvelle, inédite, dans l'histoire des hommes. Largement grâce aux techniques et au progrès de la médecine.
    Mais qui nous met face à une injonction contradictoire: la baisse drastique des naissances, à condition qu'elle soit pensable et généralisable, mettrait aussi en péril le renouvellement de la société elle-même, comme la Chine a fini par le comprendre. Et le problème est souvent mal posé à cause d'une conception étroite et individualiste du problème.
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(*) Point de vue
                          La bombe "P" explosera-t-elle?
__Doit-on partager l'inquiétude de Claude Levi-Strauss, qui déclarait en 2008 :
«La question qui domine véritablement ma pensée depuis longtemps, et de plus en plus, c’est que, quand je suis né, il y avait un milliard et demi d’habitants sur la terre. Quand je suis entré dans la vie active, il y en avait deux milliards, et maintenant il y en a six milliards. Et il y en aura huit à neuf dans quelques années. Eh bien, à mes yeux c’est là le problème fondamental de l’avenir de l’humanité, et je ne peux pas, personnellement, avoir d’espoir pour un monde trop plein.»
?

____« La Terre peut nourrir 12 milliards d’hommes. » pense la géographe Sylvie Brunel
Joel Cohen répond en 1995 : « La population limite (human carrying capacity) dépendra de toute évidence du niveau matériel auquel les gens choisiront de vivre. » Ou plutôt, du niveau de vie qui leur sera imposé ! Une chose est certaine : « le nombre d’hommes sur terre a atteint ou atteindra dans le prochain demi-siècle le niveau maximum que la terre peut supporter en fonction du type d’existence que nous, nos enfants et petits-enfants avons choisi. »

       "...Dans le monde anglo-saxon où se sont développés les premiers mouvements inquiets des chiffres galopants de la démographie mondiale, à l’instar de l’Optimum Population Trust, ils demeurent minoritaires. En France, 
pays où la préoccupation et les politiques natalistes ont irrigué l’histoire, aussi bien sous Vichy qu’en République, ils sont embryonnaires. Seules quelques petites associations, comme Démographie responsable, appellent à une restriction (volontaire) des naissances...
   Le pasteur britannique (Malthus) s’est trompé dans ses calculs, en ne prévoyant pas que les sauts technologiques en matière agricole seraient capables de nourrir une population en forte augmentation. Les progrès – notamment la mécanisation et les révolutions vertes – ne permettent pas d’opposer de manière binaire une population dont la croissance suivrait une courbe géométrique à des ressources alimentaires dont l’augmentation ne serait qu’arithmétique. Ensuite, Malthus s’inquiétait avant tout de la croissance démographique des pauvres et du coût de l’assistance...
 ...
   Les mouvements (malthusiens))sont le signe d’une inquiétude croissante, qui retrouve les préoccupations démographiques des années 1960 et 1970, lorsque Paul Ehrlich annonçait l’explosion, imminente, de la
«Bombe P», ou lorsque le commandant Cousteau ou René Dumont, le premier candidat écologiste à une élection présidentielle française, affichaient clairement leur volonté de maîtriser l’augmentation de la population...

   Cette inquiétude, même si elle puise ses raisons dans l’état de la planète ou les projections des chiffres de la population mondiale, n’est pas tant l’expression d’une réalité démographique ou écologique que d’une perception culturelle.
   C’est tout l’intérêt de la monumentale enquête, parue au printemps dernier, de l’historien Georges Minois, que de faire l’histoire non pas de l’évolution de la population mondiale, mais de notre perception historique de cette démographie. Dans son ouvrage intitulé 
Le Poids du nombreL’obsession du surpeuplement dans l’histoire, Georges Minois montre ainsi que, si le manque d’hommes a été une peur fréquente et récurrente, notre époque n’a pas le privilège de la crainte du trop-plein. «Platon s’en préoccupait déjà, recommandant un sévère contrôle de la natalité (…). Ceci à une époque où le monde ne comptait même pas 200 millions d’habitants. C’est dire que le problème du surpeuplement est plus affaire de culture que de chiffres », écrit l’historien. La peur du «trop-plein» a concerné aussi bien les chasseurs-cueilleurs du paléolithique, les cités de la Grèce ancienne, l’Europe du début du XIVe siècle que notre monde contemporain…
______Fred Pearce, vise toutefois à rassurer le lecteur inquiet de se compter parmi une telle masse humaine. Bien qu’il soit lui aussi convaincu que «la surpopulation est le moteur secret de la destruction de l’environnement», il ne s’inquiète pas outre mesure.
__D’abord, constate-t-il, la transition démographique qui consiste, dans les pays développés, en un rapprochement progressif des courbes de natalité et de mortalité, est bien amorcée, y compris dans des pays comme l’Iran, certaines régions de l’Inde, la Birmanie, le Brésil ou le Viêtnam… L’augmentation exponentielle de la population est d’abord le résultat d’une forme d’inertie liée à ce que le nombre d’adultes en âge de procréer – et de jeunes qui le seront bientôt – n’a jamais été aussi élevé dans l’histoire de la planète. Il y a donc, selon lui, «fort à parier que les personnes qui ont moins de 45 ans assisteront au premier déclin démographique depuis la peste noire, il y a presque sept cents ans». Un argument toutefois contesté par Lester Brown, auteur d’un ouvrage intitulé Beyond Malthus (Au-delà de Malthus), dans lequel il estime que les antimalthusiens font trop confiance à la transition démographique et minorent le risque que la surpopulation ne finisse par faire remonter la mortalité, du fait de la sous-alimentation, des épidémies et des conflits, au point de revenir à la situation de sous-développement de départ…"

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