mardi 20 juillet 2021

Le choix du chômage

 Une question rémanente [notes de lecture]

                                              On finit par s'habituer à ce phénomène qui s'est installé depuis la fin les années Giscard et qui régulièrement suscite des mesures diverses selon les gouvernement qui se succèdent. Il s'agit d'un phénomène économique et social global, à géométrie plus ou moins variable, qui revient régulièrement sur le devant de la scène, devenant l'horizon indépassable de notre vie publique après une longue période de plein emploi. Certes, les explications ne manquent pas, faisant valoir les changements de structure de l'appareil productif, l'automatisation de plus en plus poussée, le coût d'une main d'oeuvre qui se déplace là elle est plus intéressante, toutes frontières ouvertes, le retard productif et celui de l'innovation, les défauts de la formation professionnelle, et....On connaît la chanson, même si on met rarement le doigt sur des décisions politiques stratégiques qui ont entraîné le ralentissement économique, notamment la priorité donnée à la financiarisation et la place exorbitante donnée dans l'entreprise aux actionnaire éventuels, réduisant les investissements et la part salariale  Le "travailler plus" revient comme un leitmotiv, une incantation sur fond de résignation et ne s'interroge pas sur la possibilité d'une croissance d'une autre nature.

        Une analyse un peu décalée et forcément incomplète, saluée par La Tribune, par rapport à la langue de bois officielle, permet de réfléchir sur un aspect du problème rarement évoqué, à lire et à discuter:                          ___ "  Le chômage de masse qui mine la France depuis une quarantaine d’années est souvent présenté comme inéluctable et naturel. François Mitterrand ne déclarait-il pas à ce sujet en 1993 qu’on avait « tout essayé » ? Pour Benoît Collombat, journaliste à la direction des enquêtes et de l’investigation de Radio France, ce fait social n’est pourtant pas une fatalité, mais bien la conséquence de choix politiques. Dans la bande dessinée Le choix du chômage (Futuropolis, 2021), qu’il vient de signer avec Damien Cuvillier, ce dernier a enquêté sur les racines de cette violence économique, qui est notamment liée à la construction européenne.....Une note de 1979 adressée par un haut-fonctionnaire du Ministère de l’Economie et des Finances au Premier ministre Raymond Barre en 1979 résume parfaitement les choses : « La politique économique et financière menée actuellement est la bonne. Elle est dans le couloir des bonnes options. Il y a une crête sur laquelle on peut se maintenir. Cela ne marche pas si mal : contrôle de la masse monétaire et du budget, tout cela va dans le bon sens. En revanche, il est impossible de régler le chômage à court terme. Il ne faut pas y songer. Il ne faut surtout pas utiliser la politique conjoncturelle pour tenter d’enrayer le chômage », conclut le haut-fonctionnaire. De Raymond Barre à Emmanuel Macron, nous sommes toujours dans ce même « couloir » d’options idéologiques.   LVSL – Dans votre bande dessinée, on retrouve le sociologue Benjamin Lemoine. Ce dernier y explique que l’État français n’avait, dans les années 1960, pas besoin de faire appel aux marchés pour financer ses déficits puisqu’il avait recours au « circuit du trésor ». Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionnait ce circuit et pourquoi nous ne l’utilisons plus.    ___  B.C. – Le « circuit du trésor » était un circuit de financement de l’État français qui lui permettait de contrôler les banques et les flux monétaires en ayant la main sur les taux d’intérêts et in fine la distribution du crédit. C’était un cycle vertueux au service de l’investissement public et d’une politique de plein emploi. Tout cela va être démantelé par strates face à une pression idéologique issue de la pensée anglo-saxonne. La seule interrogation qui demeure pour les hauts-fonctionnaires dans les années 1970 c’est de connaitre la part d’inflation tolérée lors des relances budgétaires.      Le sociologue Benjamin Lemoine (L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché, La Découverte, 2016) explique que l’on est passé d’une époque où l’État investissait dans l’économie à une situation où l’État a été investi par les grands épargnants et les banques. Le renversement du rapport de force commence à s’opérer dès les années 1970 et va s’accélérer pendant le septennat de Valérie Giscard d’Estaing, sous l’action de son Premier ministre Raymond Barre (1976-1981). Ce dernier joue un rôle important dans les cercles de pensées néolibéraux : il a traduit en français Friedrich Hayek, l’un des penseurs du néolibéralisme, et a été vice-président de la Commission européenne, chargé de l’Economie et des Finances de 1967 à 1973. Lors d’une intervention devant un think tank libéral en avril 1983, Raymond Barre fustige ainsi « le goût invétéré du protectionnisme » propre au « tempérament français », appelant à « jouer la carte de l’ouverture sur l’extérieur, sans crainte des courants d’air mais, au contraire, en aspirant à en recevoir le souffle vivifiant. » Il utilise également une métaphore animalière censée incarner le retard français : « Il faut introduire le brochet de la concurrence internationale pour que nos carpes nationales perdent le goût de la vase », dit-il...."                                                 ____ L'ère Mitterrand fut une prolongation de cette logique de renversement des priorités. Une nouvelle logique s'installa. Au nom de la "modernité"....._______________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire