mercredi 18 mai 2022

OCDE: côté cour (suite)

Quand l'OCDE est fidèle à son esprit

                                                     Parfois un éclair de lucidité, mais le naturel reprend vite là-dessus. Notamment lors de ses préconisations concernant les mesures de libéralisations des services publics. Le new public management est passé par là...Une promotion du libéralisme, prônant un désengagement de l'Etat en faveur des forces du marché.                                                                                                                     Notamment au niveau des différents services publics,  Particulièrement dans l'éducation nationale: "...il ne s’agit pas d’une simple intervention technique qu’il suffit de justifier par la rationalité économique, mais d’une opération politique longue et complexe.    […] La réduction des salaires et de l’emploi dans l’administration et dans les entreprises parapubliques figure, habituellement, parmi les principales mesures des programmes de stabilisation. En principe, elle est moins dangereuse politiquement que la hausse des prix à la consommation : elle suscite des grèves plutôt que des manifestations et elle touche les classes moyennes plutôt que les pauvres (il y a peu de fonctionnaires parmi les 40 % les plus pauvres). Mais ce n’est pas parce que cette mesure peut se justifier du point de vue de l’équité qu’elle ne comporte pas de risque politique. En effet, il s’agit de secteurs où la proportion de salariés syndiqués est la plus élevée, où les salariés ne prennent pas de risque en faisant grève comme dans le secteur privé et, enfin, où la grève peut être une arme très efficace : l’économie est paralysée par une grève des transports ou de la production d’électricité ; et l’État est privé de recettes si les agents du fisc cessent de travailler.   La grève des enseignants n’est pas, en tant que telle, une gêne pour le gouvernement mais elle est indirectement dangereuse, comme on l’a noté, puisqu’elle libère la jeunesse pour manifester. Ces grèves peuvent donc devenir des épreuves de force difficiles à gérer. […] "                                                                                                                         __________Le marché de l'éducation est en route Depuis un certain nombre d'années, l'école est soumise à des adaptations successives et brouillonnes, qui mettent en péril ses missions premières.

   Sous la pression des évolutions économiques et culturelles, elle est sommée de se moderniser, de "s'adapter" à des publics nouveaux, de s'ouvrir au monde, d'épouser son temps, jusqu'à finir par perdre de vue ses fondamentaux républicains.
   La modernisation est une notion équivoque. Elle a souvent servi d'alibi à tous les abandons, toutes les dérives.  L'Etat a fini par perdre de vue le sens de ses missions et c'est peu dire que l'école est en crise, à tous les niveaux, et se trouve soumise à toutes sortes de glissements, idéologiques et mercantiles.
    L'influence anglo-saxonne ne cesse de se faire sentir et l'école républicaine subit  des offensives répétées avec une résistance de moins en moins forte. L'éducation, ci-devant républicaine subit de multiples réformes assauts, souvent convergents,  Ceux-ci entrent dans le cadre d'une réduction des efforts de l'Etat, de l'allègement des dépenses, dans le cadre du recul des investissement publics, dans une logique toute libérale. Bref, l'Education nationale n'est plus une priorité. La privatisation gagne du terrain et les investisseurs sont à l'affût. Le marché de l'éducation est en route.
       ...Le système libéral anglo-saxon des compétences débouchant sur les curricula est arrivé en France sous le ministère de François Fillon. Il a été poursuivi et amplifié par les hauts fonctionnaires sous les ministres qui lui ont succédé, qu’ils soient de gauche ou de droite. Parce que ces réformes réduisent le coût de la scolarité. Parce que, faisant fuir les classes moyennes dans le privé, elles réduisent les besoins en investissement de l’État. Xavier Timbeau, directeur à l’Observatoire français des conjonctures économiques, écrit dans le numéro d’avril 2017 d’Alternatives économiques que l’analyse des chiffres sur l’éducation montre que notre pays semble avoir fait le « choix délibéré de dépenser moins pour éduquer moins. » C’est ce que l’enseignement des compétences permet. Il n’y a qu’à voir les filières proposées et cette volonté de casser les orientations vers des voies industrielles d’excellence. C’est qu’un lycée professionnel offrant des filières tertiaires peu qualifiantes (secrétariat, accueil…) coûte quatre fois moins cher qu’un lycée professionnel industriel qui a de plus l’avantage d’absorber une plus grande masse d’élèves. Ils sortiront diplômés, mais leur diplôme n’aura aucune valeur.
......La mise en série fait sens : c’est une offensive globale dont il nous faut appréhender le périmètre et la nature. C’est sous les ordres de l’UE et de l’OCDE que la France renonce de plus en plus à son modèle scolaire républicain, pour reprendre, avec trente années de retard, la voie du modèle anglo-saxon. Les inégalités socio-scolaires ne cesseront de s’aggraver. Basil Bernstein évoquait le problème du « gaspillage du potentiel éducatif de la classe ouvrière ». C’est en effet un gâchis et un sabotage orchestré par les pédagogistes et les hauts fonctionnaires. Et il n’a jamais été plus important que sous le ministère de Mme Vallaud-Belkacem...."
    La "nouvelle" école se met en place petit à petit, subrepticement, par glissements successifs, souvent inaperçus, l'enfant-roi étant devenu "le centre du système et le savoir relégué en périphérie."
  Pour certains observateurs critiques, l'école n'est plus vraiment ni nationale, ni républicaine.
   Les valeurs fondatrices s'estompent peu à peu, dans l'indifférence de parents consommateurs plus que citoyens.
    Le désenchantement est grand, surtout à la suite des réformes multiples et brouillonnes qui se succèdent.  Le quinquennat de François Hollande, placé sous le signe de Jules Ferry, s'est ouvert sur la promesse d'une «refondation de l'école. «États généraux», «loi d'orientation»: tout l'arsenal des grandes mises en scène en matière de politique publique fut mobilisé. Mais la mystique républicaine a fini en gestion technocratique ordinaire....
      Au mieux, le pragmatisme sans perspectives ni idéaux prévaut, au pire le marche pavoise .
   L'Europe libérale  subit les effets d'une marchandisation affectant tous les secteurs, de la santé à l'école. Déjà la stratégie  de Lisbonne avait programmé cette évolution, dans un véritable esprit thatcherien. La casse du Service public d’Éducation est bien envisagée depuis 1996 par l’OCDE. (*)
    Il n'y a pas que les profs dans leur majorité qui sont chagrins...
           A quels enfants allons-nous laisser le monde?
                          Relisons F.Buisson, à la lumière de notre époque
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_(*) __...Les conceptions de l’OCDE dans le domaine de l’éducation vont dans le sens d’une forte libéralisation du système éducatif. Dans Repenser l’enseignement. Des scénarios pour agir (dernier volume de la série « l’école de demain »), l’OCDE donne la parole à Jay Ogilvy, « grand pionnier de la réflexion prospective au sein des entreprises ». Celui-ci préconise une « décentralisation » et « une autonomie accrue des établissements scolaires, avec une influence plus forte des parties prenantes »1. Il fait l’éloge du projet anglais FutureSight, qui a consisté à renforcer le pouvoir des chefs d’établissement2. Il « préconise l’application des principes du marché contre l’excès de bureaucratie, qui risque d’étouffer l’innovation dans l’enseignement »3.
    Cet expert promeut l’idée d’un enseignement adapté à chaque élève. Il affirme : « À l’avenir nous disposerons d’outils d’apprentissage qui nous permettront de faire chez chaque élève un diagnostic personnalisé qui nous donnera la possibilité de mettre à sa disposition, à chaque heure de la journée, des outils d’enseignement et des préparations de leçons les mieux adaptés à ses besoins et à ses aptitudes »4. Il faut selon lui « traiter chaque école et chaque élève différemment et singulièrement en fonction de leurs besoins propres », et « individualiser [l’] enseignement. » « Pour atteindre l’équité devant l’éducation à l’ère de l’information, nous devons rompre avec le vieux modèle de production de masse d’élèves bien socialisés et identiques de l’ère industrielle. Nous devons recueillir des informations sur chaque circonscription, chaque école, chaque élève, et les utiliser pour moduler les quantités de “nutriments” – qu’il s’agisse de dollars, d’enseignants, de manuels ou d’ordinateurs – en fonction des besoins de chaque école et de chaque élève »5. Ces idées sont entièrement au diapason de celles de notre gouvernement de droite, qui veut en finir avec le collège unique, créer des collèges de haut niveau dans les centres-villes et des collèges où l’enseignement se réduirait au minimum, au « socle commun », dans les banlieues défavorisées. Les 7 piliers du socle commun de connaissances sont d’ailleurs inspirés par l’OCDE. Ce que prône l’OCDE, c’est de renoncer à l’objectif ambitieux d’une école, d’un collège et d’un lycée pour tous, et trier dès le plus jeune âge les élèves en fonction de leurs résultats ; ce qui revient en fait à les trier en fonction de leur niveau social, donc à accentuer les inégalités. Ces préconisations vont à l’encontre du caractère démocratique et universel du système éducatif.
    Dans ce long rapport pétri de langue de bois, l’OCDE préconise aussi que l’enseignement public soit désormais « concerné par les mécanismes du marché ». L’organisation déplore que « les conseils d’établissement et l’administration centrale de la circonscription fonctionnent comme des monopoles d’État. Parents et élèves n’ont pas le choix du fournisseur, comme ce serait le cas sur un marché libre ». Elle fait valoir que « dans la plupart des entreprises, un directeur peut opérer des changements pour répondre aux différents besoins d’une clientèle diverse », et conclut : « Nous devons commencer par dégripper ce mécanisme ». Elle propose en outre de « donner aux élèves et aux parents la possibilité de choisir l’école et les enseignants qui correspondent le mieux à leurs besoins. Le financement ira dans le sens du choix des élèves » ; ainsi « les forces du marché récompenseront les résultats »6. L’assouplissement de la carte scolaire, l’autonomie des établissements, l’idée de payer les enseignants « au mérite », le recrutement massif d’enseignants contractuels tandis que les places aux concours sont drastiquement réduites et que des milliers de postes d’enseignants titulaires sont supprimés chaque année, toutes ces initiatives du gouvernement trouvent leur source dans les préconisations de l’OCDE qui est aujourd’hui véritablement le fer de lance de la libéralisation des systèmes éducatifs. Il est temps de démystifier l’OCDE, de se démarquer de cette influence ultra-libérale, et d’entreprendre une politique éducative ambitieuse et démocratique, visant à la réussite de tous les élèves..."__________

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