Quand des lecteurs font de la résistance
Si l'on en croit certaines sources réputées fiables, on n'a jamais tant lu à Moscou. Mais pas n'importe quoi. Le pays a beau être contrôlé, bridé, surtout en période de guerre, certains auteurs rencontrent un écho puissant. Faute d'opposition réelle possible, des esprits éclairés font de certains auteurs des alliés intérieurs, pour une résistance qui ne put être pour l'instant que symbolique et périphérique. __ Quand la presse est aux ordres, quand la police veille...que faire? Une seule voie: entretenir par l'esprit une forme de résistance intérieure pour garder intacte la flamme de la révolte. Cela ne changera pas le cours de la guerre, hélas! mais cela peut contribuer puissamment au réveil citoyen quand sonnera l'heure où le Kremlin s'ouvrira. Pour l'instant, la novlangue règne au Kremlin...,celle qui ne heurte pas, inventant d'autres vocables si les besoins (politiques) l'exigent, comme le suggérait Orwell, qui notait que propagande pouvait très bien se transformer en vérité, par la vertu d'un rhétorique dévoyée Il y a les mots, il y a les choses...Quand les choses déplaisent, changeons les mots, pour masquer les maux. Ne parlons pas d'échec, mais de contre-performance, de violence, mais de troubles, d'ouvriers mais de collaborateurs, etc.......
L'auteur de 1984 est donc bien d'une brûlante actualité, comme l'a pu être Voltaire en son temps...: "....L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022 a eu sur le paysage éditorial russe un effet collatéral plutôt inattendu : au milieu des ouvrages de self-help et d’autres fictions plus ou moins consolantes, le grand succès de librairie de cette période est le roman d’anticipation du Britannique George Orwell, 1984. Selon les derniers chiffres, les ventes du roman ont progressé depuis février de 30 % pour les librairies physiques et de 75 % pour les ventes en ligne sur un an et 1,8 million d’exemplaires en ont été vendus depuis le début du conflit. Un couple d’Ukrainiens de retour dans sa maison d’Irpine après la longue occupation de la ville par l’armée russe a même retrouvé un exemplaire du roman abandonné par un soldat. C’est donc toute la Russie qui semble s’être plongée dans ce classique de la littérature mondiale. Il est vrai que l’embargo a privé les Russes des films hollywoodiens et qu’ils se tournent vers la lecture pour s’occuper – mais le choix de 1984 est tout sauf innocent dans le contexte politique russe....Il n’est pas anodin que l’ouvrage refasse surface précisément au moment où le régime de Vladimir Poutine, qui a souvent révélé la force de l’héritage soviétique dans la Russie contemporaine, connaît une forte poussée autoritaire en contexte de guerre. Déjà, en 2015, juste après l’annexion de la Crimée, le livre était apparu dans le classement des dix livres les plus lus en Russie, avec 85 000 exemplaires écoulés dans l’année. Aujourd’hui plus que jamais, une partie de la population russe a l’impression que la réalité rattrape la fiction. Une vidéo postée sur TikTok par une jeune exilée russe à Londres et devenue rapidement virale montre bien ce que, à l’occasion de la guerre en Ukraine, certains Russes reconnaissent dans le miroir orwellien. Les pays inventés par le romancier britannique sont non seulement plongés dans un état de guerre perpétuelle avec leurs voisins, mais ils se caractérisent aussi par l’omniprésence d’une propagande qui déforme la réalité pour mieux la faire correspondre au discours du pouvoir et impose à la population un assentiment qui défie la logique. « La guerre, c’est la paix », dit le Ministère de la Vérité dans le roman : de la même manière, le pouvoir russe cherche à rebaptiser « opération spéciale » une guerre qui ne dit pas son nom et a mis en place un lourd dispositif de mesures judiciaires pour punir ceux qui n’accepteraient pas ces éléments de langage...." ____ Certaines lectures apaisent et aident à résister. Elles présentent parfois comme un danger pour le pouvoir, ce qui explique qu'on puisse les brûler...______________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire