vendredi 29 juillet 2022

Limites de la croissance (suite)

 Les petits gestes et les immenses enjeux

                                                  Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, dit un proverbe chinois. On le sait mieux maintenant, même si tout nous pousse à ne pas le voir ou à ne pas y croire: sur notre terre finie et à la peine, qui de plus se modifie rapidement sous nos yeux, Le dogme de la croissance infinie, qui est encore bien ancrée dans le système économique en vogue et dans la plupart des croyances et les comportements individuels, ne résiste pas au simple examen de bon sens.                      _____Ce ne sont pas l'addition de quelques gestes individuels ajoutés les uns aux autres qui vont modifier la logique d'un système qui fonctionne en aveugle depuis le début de l'ère industrielle, sous la loi du profit capitaliste, qui changera fondamentalement les choses. Marginalement sans doute, à condition que tous "jouent le jeu" de manière convaincue, raisonnée, non punitive. Il ne s'agit pas de "sauver la planète" (qui en vu d'autres), mais plutôt de permettre à l'humanité de se perpétuer autrement, plus solidairement, plus sûrement, par quelques gestes citoyens nécessaires, comme réduire sa consommation d'eau, limiter drastiquement son bilan carbone, diminuer son train de vie, etc...  Ce n'est pas une question de morale, de bons sentiments, mais une impérieuse nécessité éthique et politique politique, car il va falloir agir sur les leviers qui commandent la course folle au développement toujours plus effréné aux biens dont la production met en péril les conditions d'une vie décente, d'une vie tout cours...Il y a une logique économique qui doit s'inverser, et non pas seulement être modifiée à la marge. Et vite! Qui s'y attèlera? comment agir pour entraîner une conviction assez large pour être capable d'entamer cette mutation générale et consentie? Immense défi!     

                                                        Dès les années 1970 déjà, la question de fond était soulevée: sur sa lancée irréfléchie dans la course au développement et à la richesse: l'humanité court un péril mortel, mettant en danger les conditions de son propre développement. Sauf virage rapide et peut être improbable, l'histoire des hommes n'est pas assurée de durer, du moins dans des conditions relativement sereines. L'économie n'est pas une connaissance dogmatique, mais se développe selon les présupposés et les mécanismes qui lui donne son aspect à un moment donné de l'histoire. Elle est question de choix, qui peuvent être revus et corrigés, en fonction de ses effets. Le dépassement du capitalisme, du moins sous ses formes actuelles, n'est plus sujet tabou pour de plus en plus d'économistes qui ont intégré la dimension historique et humaine dans leur schémas de pensée.  Le productivisme seulement conditionné par la valeur du PIB, est à repenser de fond en comble. Consommer moins, consommer autrement doit devenir non seulement tendance, mais nécessité. Sans auto-punition, mais par raison, par réflexion. Encore faut-il que les décisions politiques suivent et que les convergences internationales se dessinent rapidement, malgré les inégalités de développement. C'est là que le doute peut s'installer, concernant l'efficacité de l'effet d'entraînement des pays les plus volontaristes, soutenus par des opinions les plus éclairées et les plus déterminées. Enorme pari, qui ne peut attendre encore des décennies...                                                                                                                                           "....L'écologie est-elle soluble dans les démocraties capitalistes? voilà u lne question clé, car, quoique nous faisons, si le système ne change pas, ce ne seront que quelques gouttes d'eau dans l'océan. Cette question est d’autant plus pertinente, lorsqu’on sait à quel point il peut être difficile de prendre des décisions radicales, capables de répondre aux urgences, dans un moment où les positions hégémoniques du néolibéralisme font pression pour conserver une politique des « petits pas ». Le philosophe et juriste Sam Adelman a ainsi montré que le principe même du « développement durable » repose sur des objectifs de croissance économique, rigoureusement incompatibles avec les défis de l’urgence climatique. Si la question peut paraître un brin provocatrice, remettre en question le modèle économique de croissance basé sur un extractivisme matérialiste qui transforme biens, vivants et humains en ressources, semble nécessaire. D’autant que dans beaucoup de cas, lorsque l’écologie est prise en considération, elle relève du greenwashing. Ou, pour le dire autrement, l’écologie elle-même devient une ressource pour la communication et le marketing, avant d’être transformée en politique ambitieuse.    Pour le professeur Pieter Leroy, qui enseigne la politique environnementale aux Pays-Bas, la réponse est claire : notre organisation politique ne nous permettrait pas de pouvoir répondre dignement aux effets liés au changement climatique. Même lorsque des grands conglomérats proposent de baisser la consommation d’énergie par exemple, cela sert d’abord des buts économiques et financiers....En 2004, la politiste Wendy Brown associe les difficultés et les écueils des démocraties contemporaines à l’essor du capitalisme néolibéral, en expliquant notamment que :

« la rationalité néo-libérale […] soumet chaque aspect de la vie politique et sociale au calcul économique : plutôt que de se demander, par exemple, ce que le constitutionnalisme libéral permet de défendre, ce que les valeurs morales et politiques protègent et ce dont elles préservent, on s’interrogera plutôt sur l’efficacité et la rentabilité promues – ou empêchées – par le constitutionnalisme. »

Dans cette optique, où le constitutionnalisme libéral est à entendre comme l’exaltation des libertés individuelles face au pouvoir étatique, le politique ne devient qu’un instrument au service de la rentabilité – rendant de facto toute réforme écologique et environnementale difficile à implanter, à partir du moment où elle menace des intérêts économiques et financiers immédiats.   Un peu plus tard, en 2009, la professeur de science politique Jodi Dean va encore plus loin dans un ouvrage qui propose une critique de la version néolibérale des démocraties. Selon elle, les démocraties se retrouvent menacées par une confusion entre libre expression et stratégies de communication ; en d’autres termes, rien ne permet de distinguer les intérêts de celles et ceux qui utilisent leur droit à la liberté d’expression dans la sphère publique.      Ainsi, la sphère publique démocratique représente un véritable marché de la liberté d’expression où se mêlent tendances énonciatives, stratégies de persuasion, fabrication du consentement, opinions privées, argumentations élaborées et influences médiatiques. Cette confusion ne devient compréhensible et lisible qu’à l’aide d’un réel outillage critique, qui peut permettre à chacune et chacun d’exercer ses droits citoyens ; hélas, cet outillage n’est pas accessible à tous et il est difficile de l’appliquer dans le bruit ambiant.     Au sein de ce marché de la libre expression émerge alors non plus une démocratie réelle, mais une illusion de démocratie, réduite à une incarnation simpliste de liberté d’expression publique et d’abondance de production de messages. Cette analogie du marché n’est pas innocente : elle témoigne, une nouvelle fois, de la gémellité entre économie de marché capitaliste et démocraties contemporaines, soulignée entre autres par le politologue allemand Wolfgang Merkel, dans un article particulièrement lumineux paru en 2014....."      _____________________________

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