samedi 10 septembre 2022

Ecoles suédoises

Cherchez le modèle...

                                       En matière économique et sociale, nous aimons bien nous comparer aux autres pays, soit en bien soit en mal. Nous avons tendance à chercher des modèles de bonne gestion chez nos voisins les plus proches, comme si nous n'étions pas capable politiquement de faire les choix qui s'imposent à la lumière de nos traditions et de nos valeurs. Quitte à être vite conscients qu'il y a des problèmes chez les autres aussi et que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Notre myopie parfois nous aveugle. Il y eut à une époque le "modèle japonais" qui inspira maints dirigeants, puis le "modèle allemand", qui actuellement montre ses faiblesses. Aujourd'hui, c'est plutôt le "modèle suédois" que l'on juge performant en haut lieu. Jupiter y pense souvent dans sa volonté de réformes brouillonne.   


                   ...Sauf que la Suède n'est plus ce qu'elle était. La privatisation sans complexe et sans limites apparentes est en train de modifier profondément le mythe d'un pays social et progressiste sur plus d'un point. Par exemple en matière scolaire. Chez nous l'école va mal.  Il y a des raisons structurelles à cet état de fait, ce qui n'est pas nouveau. La gouvernance scolaire a suivi la pentes des anciennes recommandations de l'OCDE en matière de tout ce qui éest service public et certains pensent fortement à une privatisation encore plus rapide qui supprimerait les problèmes qu'ils ont eux-mêmes contribués à créer.      La dérégulation/déstructuration, nouveau dogme néo-libéral, est à l'oeuvre aussi en Suède et on peut déjà en voir les effets: ils sont édifiants! Certains observateurs parlent de fiasco. Au nom de la "liberté", on a créé une situation ubuesque et inquiétante pour l'avenir de ce pays.          "...C'est une école “deux en une” », résume Mme Elsa Heuyer. Cette professeure de français du lycée Drottning Blanka a dû apprendre à « optimiser » le temps et l’espace au bénéfice d’AcadeMedia, l’« entreprise éducative » cotée en Bourse qui l’emploie à temps (très) partiel : 28,7 %. Situé au sud de Stockholm, son lycée, un établissement privé sous contrat, dit friskola (friskolor au pluriel), partage ses locaux avec un autre du même groupe. Rentabilité oblige, Mme Heuyer doit gérer deux niveaux dans la même classe : « En pratique, je suis obligée de diviser le temps de cours par deux. »    Exerçant, eux, à temps plein, ses collègues professeurs d’espagnol, Mme Sandra Nylen et M. Adrian Reyes, enseignent également une autre matière — un fait commun en Suède. Ils assurent en outre un tutorat pour une quinzaine d’élèves chacun, jouant le rôle de ce qu’on appelle en suédois un mentor. Par courriel ou par téléphone, ils doivent maintenir un contact permanent avec les parents pour le suivi des absences et de la scolarité, toutes matières confondues. « Lorsqu’un élève rencontre des difficultés, c’est de la faute du mentor », soupire M. Reyes. Il n’est ainsi pas rare de voir un professeur aider un élève à faire remonter ses notes dans une autre matière que celles qu’il enseigne. « Je m’assure sans cesse auprès de mes élèves que tout va bien, car je sais que mon directeur va me demander des comptes, raconte Mme Nylen avec nervosité. Mais que faire lorsqu’ils échouent dans plusieurs matières ? »   Le directeur du lycée Drottning Blanka « demande des comptes » parce qu’il lui faut de bons résultats pour conserver ses élèves ou en attirer davantage. Après le retour au pouvoir des « partis bourgeois », en 1991, le premier ministre du Parti modéré, M. Carl Bildt, instaura le système des « chèques éducation ». Depuis, il n’y a plus de carte scolaire, et chaque famille peut inscrire gratuitement ses enfants dans l’école publique ou privée de son choix..."                                      L'ex-modèle suédois n'en est plus vraiment un... 
Sous prétexte de dépoussiérer le mammouth, on vide progressivement de sa substance un système qui, sous l'effet de la massification, demandait certes bien des adaptations, mais que beaucoup ne reconnaissent plus, tant il s'éloigne des missions fondamentales de l'école, qui est d'abord de former l'homme et le citoyen, avec un minimum d'exigences de culture, de maîtrise de la langue.  Tout se passe comme si l'accent était mis sur une nouvelle ambition, et cela très précocément: préparer le plus tôt possible de futurs producteurs et d'excellents consommateurs.   Ce que l'on déplore chez nous est encore plus visible dans d'autres pays, qui ont pris à grande vitesse les voies indiquées par de nouveaux pédagogues, marquées par la permissivité, l'idéal d'auto-apprentissage, le recul de l'autorité légitime du maître, les exigences minimales exigées le plus souvent, le fameux "apprendre à apprendre   En même temps la privatisation va bon train, accompagnant et accentuant les inégalités.                                                                      En Suède, par exemple, qui a engagé un vaste tournant libéral et que l'on veut mimer, après d'autres modes, qui vont et viennent. Le modèle scolaire suédois est très souvent vanté, mais c'est se fier à l'apparence et ne pas comprendre ce qui se joue dans le fond ainsi que les dérives en cours.   Certes, l'élève est "au centre" du système" (comme on le répète chez nous comme un mantra); il est aussi roi, avec toutes les effets pervers de cette promotion. Les parents ont une autorité  sur un système en fait très contrôlé, malgré la libéralisation proclamée. Un marché scolaire trop concurrentiel commence à être remis en question là-bas, ainsi qu'une baisse de niveau. La communication devient prioritaire aux dépends des contenus et des matières que l'on sacrifie peu à peu. La France prend le même chemin.  La ségrégation scolaire va de pair avec une privatisation de plus en plus poussée.  Les qualités de "modèle" suédois ont aussi des revers, à cette échelle. Il est discuté au coeur même du pays et du monde enseignant, après s'être trop ouvert.  Etant donnée l'extrême permissivité qui s'est mise en place sous le gouvernement libéral, certains se demandent si l'on est pas en train de former là-bas des "petits cons".  C'est la fin d'un mythe, de toute évidence..

       La privatisation galopante de l'école s'imprègne des lois du marché. La recherche de la "satisfaction client" pousse à une inflation de bonnes notes , qui fausse tout le système, les parents demandant souvent aux enseignant de revoir leur copie. Un système qui tend à devenir à la carte. Il n'est pas étonnant que le métier d'enseignant, assez mal payé, ne séduise plus.
       L'obsession  de nos chefs d'Etat, c'est de trouver des modèles pour sortir des difficultés qu'ils ont eux-mêmes souvent contribué à créer.
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