Dogmatisme et incertitudes
Le débat n'aura pas de fin. Quelle est la juste attitude de l'esprit face à la valeur de ses connaissances affirmées ou prétendues, du fondement des valeurs qu'il revendique? Quand il fait un retour critique sur soi. La question s'est posée très tôt: Socrate déjà mettait publiquement en question certaines certitudes de ses contemporains, qui n'avaient pas été passées au crible de la critique ou de l'autocritique, et osait parfois cette formule un peu provocatrice et apparemment paradoxale: Ce que je sais, c'est que je ne sais rien...Montaigne avançait un subtil que sais-je?, conscient qu'il était de la fragilité de ses acquis cognitifs et de leur valeur relative et lacunaire. La Vérité est un problème et ne peut jamais être tenue pour acquise, quels que soit les domaines, quelle que soit l'époque. Un horizon reculant sans cesse, au fur et à mesure de la constitution de nos connaissances vérifiées. Plus celles-ci s'approfondissent, plus la conscience des lacunes devient vive. En toutes matières, même scientifiques, où la vérité se construit, en dépassant les certitudes premières et au contact d'un réel toujours réinterrogé, à la lumière de nouvelles hypothèses, dans la communauté des chercheurs en dialogue et parfois en confrontation temporaire, comme le soulignait Bachelard et à sa suite tout chercheur exigeant. Dans la vie ordinaire, nous sommes tous plus ou moins bardés de certitudes, de préjugés, où l'éducation, ses préjugés et les pesanteurs de l'esprit jouent un rôle majeur. Ce que l'on a appelé les obstacles épistémologiques. Non pas qu'il ne faille pas avoir des convictions, comme celle que nous pouvons avoir d'avoir tout à apprendre et qu'un vie n'y parviendra pas, que nous n'avons au mieux que des vérités partielles. Les certitudes morales, comme le respect inconditionnel dû à autrui, où la supériorité de l'amour sur l'exclusion et la haine, ont leurs propres fondements, d'un autre ordre. Certains viennent nous le rappeler de temps en temps, comme ici le chercheur et épistémologue Etienne Klein, insistant sur l'importance de la nuance, qui tend à s'effacer dans les débats publics et les échanges sur les réseaux sociaux surtout, au profit d'opinions non vérifiées, de certitudes assénées, de convictions non examinées, de manque de distance, d'autocritique simplement, celui qui parle le plus fort ou le dernier tendant à faire foi. Dans la recherche de la vérité, toujours sans fin, parfois frustrante, contre notre désir de certitudes à tous prix, le souci de la nuance n'est pas une faiblesse mais une force intérieure, le signe d'un discours s'efforçant de rester prudent et maîtrisé. Non sans courage. Une tâche sans fin...
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