Politique du logement
Se loger est un des premiers besoins de l'homme. Se loger de manière décente et selon ses moyens financiers est une priorité. C'est un problème politique in fine, qui relève de décisions prises en plus haut lieu. On parle de "politique du logement" pour désigner les moyens qui sont aux mains du pouvoir étatique pour inciter à la construction du logement social, pas exemple, où pour intervenir afin de freiner la hausses des loyers, d'éviter les ghettos urbains. Après le boum de la reconstruction d'après guerre, la frénésie constructive des années 70, il semble qu'aujourd'hui on laisse les banques et les spéculateurs faire la pluie et le beau temps, au détriment des foyers plus modestes, obligés de quitter des zônes urbaines où les loyers ne cessent de flamber, du fait de la gentrification, qui affecte aussi bien Paris que Londres. Le logement ne peut être considéré comme un bien semblable aux autres, seulement régulé par la loi de l'offre et de la demande. Un dossier explosif. Le problème se pose à l'échelle européenne. ______"...Dans Logement, critique d’une politique impossible (L’Aube), l’urbaniste François Rochon explore la raison pour laquelle la France s’est habituée à vivre avec la « la crise du logement ». Alors que les Français sont étranglés par le coût de leur logement, premier poste de dépense des ménages, que des millions d’entre eux subissent le mal-logement et vivent dans des passoires thermiques, l’inertie du gouvernement sur la question interroge. Une réforme, en profondeur, est pourtant possible... ... Il y a une difficulté à saisir la politique du logement aujourd’hui, ce qui n’a pas toujours été le cas à d’autres époques. La campagne de 2017 a été symptomatique sur ce point puisque qu’on n’a pas parlé de logement. J’ai voulu, dans ce livre, repartir de cette question du manque de vision d’ensemble et de la perte de sens de cette politique pour l’interroger. Le président Sarkozy défendait une vision politique claire du logement : la France de propriétaires – avec cette idée de l’émancipation par la propriété qui correspond à une tradition ancienne en France. Avant lui, Jean-Louis Borloo, qui avait un vrai poids politique aux côtés de Jacques Chirac, était arrivé à faire des lois de programmation, pluriannuelles, sur les quartiers. À gauche, pour ne prendre que la période récente, il y a eu des moments d’assez forte politisation du sujet. Sous Lionel Jospin, avec Marie-Noëlle Lienemann, qui a initié les prémices de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et la relance de la construction, mais aussi avec Cécile Duflot, au début de la présidence Hollande, avec l’encadrement des loyers… Et puis cela s’est dissous. Emmanuel Macron ne s’est jamais montré intéressé par le sujet en tant que tel. Sa vision reste financière. La grande mesure de son début de premier quinquennat a été une mesure technique : la RLS (réduction du loyer de solidarité) sur le logement social, qui a amputé le budget des bailleurs sociaux. C’était non seulement violent symboliquement, avec l’idée qu’il fallait stresser le système au détriment des plus modestes pour qu’il bouge, mais, surtout, c’était une mesure budgétaire de réduction des déficits publics, indépendante d’une réflexion sur le logement. C’est d’autant plus paradoxal, qu’aux origines de la politique du logement en France, l’instrument majeur, l’innovation politique qui porte une vision de la société, vient en grande partie du logement social. _____Pourtant, tout le monde reconnaît qu’il y a une crise aiguë du logement – avec des millions de mal-logés, de personnes qui ne trouvent pas de logement là où il y a du travail, 330 000 sans-abri – et qu’il y a urgence à agir. Je préfère l’expression « grippage du système » à « crise du logement », car une crise qui dure depuis plusieurs décennies, ce n’est plus une crise. Le problème est qu’il est globalement devenu trop difficile de trouver un bon logement, pas trop cher, en fonction de ses besoins, le moment venu. Pour travailler ce grippage, vous avez trois approches possibles. La première consiste à s’intéresser aux mal-logés, aux gens qui sortent du système. C’est tout ce courant de réflexion sur le mal-logement qui donne le rapport de la Fondation Abbé Pierre, très structurant dans le débat public. Il y a une deuxième façon, complémentaire, qui est de s’intéresser aux outils de la gestion politique, pour comprendre ce qui ne marche pas bien à l’intérieur du système, les points qui bloquent et donc ce qu’il faut revoir. C’est ce que j’appelle l’approche par l’action publique. Enfin, une troisième approche, plus théorique, et qui correspond peut-être plus à une approche de chercheurs, s’attache à comprendre, à partir des processus urbains et sociaux, quels sont les ressorts dynamiques plus profonds qui sont à l’origine du grippage. ....
....Emmanuel Macron, assez peu intéressé par la question du logement en général, partage avec les « technos » de Bercy l’idée qu’il y a un « pognon de dingue » à récupérer dans le logement social, dont le poids reste en France une exception à l’échelle européenne. Persuadé que les HLM étaient des « dodus dormants » - une expression notamment employée sous le quinquennat Sarkozy et reprise à son compte par Macron en 2019 – le gouvernement a entrepris ces cinq dernières années de les mettre à la diète. « Le logement social est apparu comme le secteur privilégié pour réduire les dépenses publiques », analyse le chercheur Yoan Miot, maître de conférence à l’école d’urbanisme de Paris, qui décrit le bilan de Macron comme « en rupture par l’ampleur de l’effort demandé aux acteurs du logement social ». Macron a appliqué au secteur les traditionnelles recettes néolibérales ... À Bercy, qui n’a laissé qu’un rôle de figurants aux derniers ministres du logement, Julien Denormandie et Emmanuelle Wargon, le secteur des HLM reste une anomalie d’un autre âge. Un secteur auquel il faut appliquer – avant de s’en débarrasser complètement ? - les recettes néolibérales habituelles pour qu’il fonctionne mieux : imposer la fusion des organismes pour faire des économies d’échelle (loi ELAN de 2018), le pousser, surtout à développer sa capacité d’autofinancement… Contraints à devenir rentables, les bailleurs sociaux se sont mis, par exemple, à construire toujours plus de logements intermédiaires pour accroître leurs recettes locatives, loin des besoins pourtant croissants en logement très social. À rebours de leurs missions de loger les plus démunis qui se retournent vers le parc privé dégradé. Macron a aussi accéléré la vente de logements sociaux par les bailleurs, ce qui revient – même si pour l’instant le nombre d’opérations est assez limité - à privatiser une partie du parc. Sans être explicitement revendiqué, c’est bien le modèle allemand de vente des logements sociaux à des gestionnaires d’actifs qui fait rêver bon nombre de fonctionnaires de Bercy, quand ce n’est pas, pour certains, le modèle britannique de privatisation totale du parc social initiée par Margaret Thatcher. Après cinq ans de purge, les acteurs du logement social sont donc amers. « Le résultat de cette politique, c’est un affaiblissement considérable de notre capacité à construire », relève Marcel Rogement qui rappelle que deux millions de personnes sont aujourd’hui en attente d’un logement social en France. L’endettement des bailleurs sociaux atteint désormais les 150 milliards d’euros, ce qui fait craindre pour la pérennité du système. La potion est d’autant plus difficile à avaler que, parallèlement, les bailleurs sociaux doivent mener une ambitieuse politique de rénovation thermique de leurs logements pour atteindre les objectifs fixés par la Stratégie bas carbone. « C’est un objectif écologique mais c’est aussi un objectif social puisqu’on agit directement sur les factures de nos locataires. L’État doit nous aider », tance Marcel Rogemont...." [ Merci à Lucie Delporte ] ___________
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