Cisjordanie: une situation bientôt incontrôlable?
Cynisme et cécité. ___Au point où sont les choses, l'inquiétude monde même dans des instances de l'ONU, toujours frappée d'impuissance. Des recommandations d'usage monte dans certains pays d'Europe, qui regardent ailleurs, comme d'habitude. La situation est pourtant dangereusement inédite, surtout depuis que la Knesset, dirigée par les plus extrêmes, met en péril les prérogatives de la Court Suprême et ne connaît plus aucune retenue dans la provocation des populations palestiniennes, entraînant un nouveau cycle de violence. On n'est jamais allé aussi loin dans l'intention affichée de faire fuir une population et d'occuper ce qu'il est convenu d'appeler maintenant la Judée-Samarie. Ce n'est plus que le grignotage et l'encerclement encouragés depuis des années:
"Itamar Ben Gvir a pris la parole, le matin du 23 juin, devant des Israéliens religieux qui venaient d’installer un embryon de colonie illégale sur une colline de Cisjordanie. Le ministre israélien de la Sécurité nationale n’était pas venu pour les expulser ou même les réprimander, mais… pour les encourager : « Nous devons avoir une implantation en bonne et due forme ici. Et pas seulement ici, mais sur toutes les collines environnantes. Nous devons occuper la terre d’Israël. Et en plus d’occuper la terre, nous avons besoin d’une opération militaire : démolir des bâtiments, tuer des terroristes, pas un ou deux, mais des dizaines, des centaines, et si nécessaire, des milliers ! C’est le seul moyen de renforcer le contrôle et de ramener le calme pour les résidents. Et, par-dessus tout, c’est comme ça que nous réaliserons notre grand objectif : la terre d’Israël pour le peuple d’Israël. » De rares condamnations, enfin?...Mais pour la forme ou par crainte d'une escalade incontrôlable, sans doute. Netanyahou reste muet. A l'heure où la droitisation (voire l'extrême-droitisation) de l'Etat d'Israël arrive à un sommet, sous la pression des groupes les plus extrêmes, malgré les protestations et les actions de nombre de citoyens éclairés et modérés du pays, une Europe seulement "inquiète" mais silencieuse, revient en force le vieux mythe du "Grand Israël", celui d'une extension du pays, dont les limites furent définies pas les conventions de l'ONU après guerre, au delà même du Jourdain, selon le vieux rêve biblique flou de la "terre promise", notion critiquée par des historiens israëliens eux-mêmes, dont Shlomo Sand. Une notion qui fut réactualisée par certains fondateurs, prêcheurs d'un retour du "peuple d'Israël" à l'ancienne "Terre Promise" selon d'anciens objectifs religieux mythiques.. Une notion très indéfinie, mais entretenue dans certains milieux religieux et souvent aussi non adhérents à l'orthodoxie. Les colons en sont venus à faire la loi de la manière la plus cynique qui soit maintenant qu'il n'y a plus le moindre frein. Le sionisme religieux s'acharne à compromettre tout espoir de paix et à détruire les rêves de Rabin. Plus aucun complexe ni aucune retenue. "...Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, farouche partisan du Grand Israël, de la responsabilité de la planification des constructions dans les colonies – une prérogative qui relevait jusqu’alors du ministre de la défense. La seconde simplifie le lancement de ces travaux : là où, auparavant, il fallait franchir six étapes avant que les projets soient définitivement validés, il n’y en a plus que deux. M. Smotrich donnera le feu vert initial, puis la proposition sera revue par un comité de planification. Aucune autre instance politique ou militaire ne sera impliquée. Ce faisant, M. Smotrich, qui avait déclaré lors de sa venue à Paris, en mars, que le peuple palestinien était une « invention », obtient quasi les pleins pouvoirs pour étendre la colonisation à sa guise, au mépris du droit international, qui interdit le transfert d’une population civile sur un territoire occupé. La promotion de ce représentant de la frange extrémiste et messianique du courant sioniste religieux avait été décidée en février lorsqu’il avait pris la tête de l’administration chargée de la Cisjordanie, au sein du ministère de la défense, devenant une sorte de gouverneur du territoire palestinien. Son objectif, énoncé dans l’accord de coalition négocié par son parti avec le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, est de contraindre ce dernier à travailler « à la formulation et à la promotion d’une politique où la souveraineté sera appliquée en Judée-Samarie ». Autrement dit, à l’annexion formelle de la Cisjordanie. M. Smotrich entend doubler le nombre de colons sur cette terre occupée – ils sont actuellement 700 000, dont 229 000 à Jérusalem-Est, selon l’ONG israélienne La Paix maintenant..." La fuite en avant est évidente. L'Europe est juste "inquiète"....Des Israëliens comme Grossman et des journaux comme Haaretz, le seul de l'opposition, sont aux avant poste de la critique d'un processus politique mortifère. Dans la continuité s'une tradition qui remente à Thédore Herzl, Jabotinski et à différents père fondateurs: "...Premiers conseils donnés aux colons Juifs«Repoussez discrètement hors frontière la population sans le sou en lui refusant le travail... Tant le processus d'expropriation que le transfert des pauvres doivent être menés discrètement et avec circonspection.» Théodore Herzl, fondateur de l'Organisation Sioniste Mondiale, à propos des Arabes de Palestine. Journal, à la date du 12 juin 1895.Radicalisation du projet sioniste«Entre nous, il doit être clair qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays... Il n'y a pas d'autre solution que de transférer les Arabes dans les pays voisins, de les transférer tous; pas un village, pas une tribu ne doit subsister.» Yosef Weitz du Fonds National Juif. Journal, 1940Réflexions significatives de Ben Gourion père fondateur de l'entité sioniste Lucidité prémonitoire«Nous et eux [les Palestiniens] voulons la même chose: nous voulons tous les deux la Palestine. Et c'est le conflit fondamental.» David Ben Gourion en 1936. «Un État Juif partiel n'est pas une fin, mais seulement un début. Je suis certain que nous ne pourrons pas être empêchés de coloniser d'autres parties du pays et de la région.» David Ben Gourion, dans une lettre à son fils, 1937.Réalisme politique, conscience des enjeux «Ne nous racontons pas d'histoire... Politiquement, nous sommes les agresseurs et ils se défendent... C'est leur pays, parce qu'ils y habitent, alors que nous voulons venir ici et coloniser, et de leur point de vue, nous voulons nous emparer de leur pays.» Discours de David Ben Gourion en 1938)Mise en application du projet sioniste«Nous devons tout faire pour nous assurer qu'ils [les Palestiniens] ne reviendront jamais dans leurs maisons. (...) Les vieux mourront et les jeunes oublieront.» David Ben Gourion dans ses mémoires, le 18 juillet 1948«Nous devons nous préparer à passer à l'offensive. Notre but est d'écraser le Liban, la Transjordanie et la Syrie. Le point faible est le Liban, parce que le régime musulman est artificiel et facile pour nous à déstabiliser. Nous établirons là un État chrétien, et ensuite nous frapperons la Légion Arabe, éliminerons la Transjordanie; la Syrie nous reviendra. Puis, nous bombarderons, avancerons et prendrons Port Saïd, Alexandrie et le Sinaï.» David Ben Gourion, mai 1948, à l'État-Major. «Après la création de l'État, qui fera de nous une force puissante, nous abolirons la partition et nous nous étendrons à toute la Palestine «Ce qui compte n'est pas de maintenir le statu quo. Nous devons créer un État dynamique, orienté vers l'expansion.» Réalisme politique «Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l'a promis, mais comment cela pourrait-il les concerner? Notre Dieu n'est pas le leur. Il y a eu l'antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute? Ils ne voient qu'une seule chose: nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi devraient-ils accepter cela?» L'assassin de Rabin n'a pas surgi du néant. Jabotinky reste toujours une référence, encensé ou critiqué (Vladimir Jabotinsky (1880-1940) : fondateur du parti révisionniste, aile droite du mouvement sioniste, qui réclamait un État juif sur les deux rives du fleuve Jourdain, intégrant aussi la Transjordanie, l’actuelle Jordanie. Dans un livre fameux, le Mur de fer. Nous et les Arabes, publié en 1923, il prônait pour poursuivre la colonisation sioniste de la Palestine la construction d’« un mur de fer que la population autochtone ne pourra pas franchir ».) Un avenir bien inquiétant..... __________________
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