Clap de fin
Fin de la "bulle" médiatique?
De la parenthèse enchantée?.. ou presque.
______________________Les médias sont unanimes. Les Jeux Olympiques sont une réussite absolue : un moment d'«euphorie» sur RMC, de «communion» dans Le Figaro, voire même une «parenthèse enchantée» selon Europe 1. Il n'y a pas de superlatif assez fort pour féliciter le spectacle sportif. Il est même interdit d'émettre la moindre réserve, sinon on «casse l'ambiance».
BFM est allé jusqu'à consacrer des reportages sur les parisiens qui «regrettent» d'avoir quitté la capitale pendant les JO, tellement l’événement sportif est un immense succès. Les pauvres, ils n'ont pas pu payer 4 euros par trajet de métro, brandir un QR code pour circuler dans leur ville, ni sacrifier un demi SMIC pour voir, de loin, une épreuve qu'on peut regarder à la télé ou contempler des athlètes qui pataugent dans un égout.
Le Monde, grand quotidien de référence titre : «JO 2024 : C’est au-delà de la beauté, de la magie», et parle d'un «enthousiasme débordant». Sur France 2, Léa Salamé, éditorialiste proche du pouvoir, ose même : «On a commencé l’été avec une France fracturée… politique, dissolution… avec Léon Marchand on est tous heureux, on s’engueule plus… c'est la fierté nationale retrouvée, le bonheur d’être ensemble. Ces Jeux sont le Xanax de la France». Sacrée métaphore.
Sur France Info, une journaliste aux ordre félicite la ministre des Sports d'avoir «fait taire les sceptiques». La ministre répond : «c'est un très grand succès organisationnel, populaire et sportif. À travers ces JO, on a pu redonner ce sentiment d’unité qui avait pu être mis à mal ces dernières semaines». Grâce aux JO, on oublie tout. Les médailles sont un antidépresseur, et surtout, un remède à la révolte. Taisez-vous et soyez contents.
Le Point accuse même la France Insoumise de «ne pas aimer les JO», comme s'il était devenu obligatoire de participer au concert de louanges. Dans la foulée, l'Insoumise Manon Aubry publie un tweet pour se justifier, et assure qu'elle aussi trouve l’événement formidable. Critiquer la grande fête est devenu suspect. Il FAUT être dithyrambique, féliciter l'organisation et dire que tout est génial. Pas question d'exprimer un doute. Sauf que...
Potemkine
Paris est formidable, parce que ce n'est plus Paris. C'est un grand musée, un Disneyland vidé de sa population, de ses pauvres, de ses immigrés, totalement quadrillé par la police. Depuis des mois, des bus ont déplacé des milliers de SDF vers des villes situées à des centaines de kilomètres de Paris. Les campements d'exilés ont été démantelé. La police a traqué tous les marginaux et vidé les rues. Des logements étudiants ont été réquisitionnés en échange de 100 euros et d'une barre chocolatée. Tout a été fait pour offrir au monde l'image d'une ville aseptisée.
Même les métros circulent à un rythme soutenu, plus souvent et plus tard que d'habitude. Les toilettes et l'eau sont accessibles en gare. D'un coup, les services publics fonctionnent. Mais ne vous y habituez pas, ça s'arrête dès la semaine prochaine.
Même les vacanciers ont fui Paris : paradoxalement il y a moins de touristes cet été que les autres années ! Et les commerçants se plaignent d'avoir perdu du chiffre d'affaire, à tel point que l'État a crée un fonds pour les dédommager. On marche sur la tête.
Le marché de Barbès, l'un des plus populaires de la capitale, a été annulé pour ne pas gêner une course cycliste. Saint-Denis a été "nettoyée" par la police. Des tentes de sans abris ont été expulsées manu militari à Bastille. Toute manifestation non sportive est interdite. C'est un village Potemkine. Un mix entre Amélie Poulain et Emily in Paris en uniforme.
La fête, mais sous haute surveillance
Paris a été mis sous confinement le temps des Jeux. Des dizaines de personnes ont été assignées à résidence. 40.000 barrières ont été installées dans les rues de la capitale. Le périphérique a été quasiment paralysé. 35.000 agents des forces de l'ordre lourdement armés, épaulés par des policiers étrangers, ont été déployés. La foire du Trône a été transformé en campement militaire, le plus grand sur le territoire depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pire, les Jeux ont permis d'expérimenter la reconnaissance algorithmique, entre autres mesures liberticides sans précédent. Des écologistes ont été raflés pour des autocollants ou des banderoles. C'est un État d'exception policier inédit, hors pandémie ou attentat. Et certains décideurs parlent déjà de «maintenir» les dispositifs de contrôle mis en place. Il faut dire que c'est une telle réussite !
Attention : il faut s'amuser, mais dans les limites fixées par l’État. Pas question de fêtes de rue, de réappropriation de l'espace ni d'occuper des places sans autorisation pour faire la fête. La moindre initiative spontanée serait immédiatement écrasée sous les bottes et les matraques des dizaines de milliers de policiers sur place. Non, il faut acclamer l'équipe de France dans les Fan Zones prévues à cet effet, après avoir été fouillé, scanné, et après avoir déboursé 8 euros pour une bouteille de coca, sponsor officiel des Jeux. Ou alors chez soi, devant sa télé.
Soyez heureux, mais au milieu d'une prison fun et joyeuse, qui passe du Claude François et du Johnny.
Dictature soft
Tout le monde s'extasie sur les médailles, en oubliant que le gouvernement a sacrifié les moyens pour l'éducation sportive et diminué le budget des associations et des infrastructures ces dernières années, empêchant à de nombreux talents sportifs de se révéler, comme en témoigne l'échec complet en athlétisme et en gymnastique.
En revanche, Macron a réussi à imposer sa «trêve politique». Il a même fait oublier qu'il y a encore deux mois, il a tenté un coup de poker pour amener l'extrême droite au pouvoir et nommer le RN à Matignon. Les défaites électorales du gouvernement ? Oubliées. L'explosion des inégalités ? Plus question d'en parler. Le génocide à Gaza soutenu par la France et les crises géopolitiques mondiales qui s'aggravent ? Arrêtez de gâcher l'euphorie.
Macron va désormais surfer pendant des semaines sur ce beau «succès populaire» pour continuer de faire taire les tensions sociales et politiques. Le pouvoir a déjà programmé un grand «défilé des athlètes» en septembre sur les Champs-Élysées. Il va essorer la dynamique des JO à son profit jusqu'à la dernière goutte, tout en continuant de régner de façon totalement illégitime le plus longtemps possible. Et toute protestation sera accusée de casser ce si beau moment de liesse nationale. Rabat joie ! Et puis, de quoi se plaignent les gauchistes ? Il y a des médailles d'or, et la fête est «inclusive» puisqu'on y a glissé quelques drag queens. Imparable.
Cette grande manipulation montre le régime qui s'installe. La liberté suspendue, l'interdiction de manifester, mais «les métros sont à l'heure», «c'est calme» et on est en «sécurité»… tant qu'on consomme, qu'on obéit et qu'on reste dans les clous. C'est un modèle de dictature soft qui prend racine en douceur : l'alliance du contrôle total et du grand Spectacle. Un autoritarisme euphorique.
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